Extraits

Zain bomba le torse et son rire rauque et suffisant fit écho dans ma tête. Il était étonnamment plaisant.

— J'étais magnifique, n'est-ce pas ? demanda-t-il. Narcissiste… Même si je commençais plutôt à penser qu'il était un psychopathe. Sa violence gratuite envers la Bête Cthulhu, sa froide indifférence à l'idée de prendre la vie de l'Étincelle simplement parce qu'elle avait détourné mon attention de lui et son besoin d'être complimenté rencontraient plusieurs des critères associés à ce type de personnalité.

— Oui, tu l'étais, dis-je en jouant le jeu mais également avec sincérité. Compte tenu de ta bien plus petite taille comparée à lui, je croyais que tu n’aurais pas la moindre chance. Mais cela a été l'inverse.

— Naturellement, dit-il avec le même ego excessif.

— S'il te plaît, relâche-la. Zain se raidit aussitôt et sa main se resserra autour du cou de l'hippocampe. Il semblait offusqué de ce que mon esprit soit retourné sur la fée tandis que je le complimentais.

— Tu n'en as pas besoin, ajoutai-je rapidement. Tu es visiblement la plus forte Créature de la Brume ici. Tous les autres, tant les Marcheurs que les Bêtes, ont fui devant toi. Qu'est-ce que te nourrir de cette délicate fée pourrait bien faire pour toi ? S'il te plaît.

— J'aime quand tu me supplies, Naïma, dit Zain, apaisé par mes paroles.

— C'est ce que je commence à constater, dis-je avec un peu plus de sarcasme que je l'avais voulu. À mon grand étonnement, il n'en prit pas ombrage. Riant de la manière sexy dont il le faisait, il rejeta au loin l'hippocampe. Je faillis me tourner pour le regarder mais parvins heureusement à me retenir à la dernière minute. Toutefois, du coin de l'œil, je vis la sphère lumineuse le ramener d'où il provenait. Je sus aussitôt que la Quatrième Division – la désignation officielle de l'organisation des Hommes en Noir – avait envoyé la fée à titre de test supplémentaire dans mon processus d'embauche.

— Pourquoi me suis-tu ? demandai-je.

— Parce que tu es à moi, répondit Zain, légèrement étonné, comme si la réponse était évidente. Parce que tu désires que je le fasse même si tu te convaincs du contraire.

Il flotta gracieusement jusqu’à la fenêtre, son regard plongé dans le mien. Il posa ses deux paumes d’ombre contre la vitre renforcée, son visage aux traits indéfinis presque collé sur elle.

— Bonjour, Naïma… T’es-tu ennuyée de moi ? Je hoquetai et ma main vola à ma gorge en entendant résonner à l’intérieur de ma tête cette voix surnaturelle. Même s'il ne possédait aucune bouche visible, j'aurais pu jurer qu'un sourire malicieux était apparu sur son visage. Les longues griffes acérées de sa main droite se mirent à taper sur la surface de la vitre. Mon cerveau se figea et un frisson glacé me parcourut l'échine en reconnaissant le motif rythmique. Mon harceleur éthéré l’avait tambouriné sur mes volets chaque jour de la Brume pendant les années qui suivirent ce jour fatidique. Il avait tenté de m'attirer à l'extérieur pour terminer ce dont ma fuite l'avait privé. Mon Cauchemar m'avait retrouvée.

Cette année marquait le quinzième anniversaire de l'horrible jour qui avait changé le monde. Personne ne savait exactement ce qui avait provoqué le déchirement du Voile qui avait ouvert des portails entre notre monde et celui mystérieux de la Brume. Toutefois, nous étions tous persuadés que nos gouvernements étaient impliqués d'une manière quelconque. Il s'agissait fort probablement d'une expérience qui avait mal tourné. Évidemment, personne n'avait avoué. Cependant, compte tenu qu'absolument tous les pays de la planète avaient été frappés, les théories du complot laissaient sous-entendre qu'il s'agissait d'un effort concerté de nos leaders mondiaux. L'alternative, soit l’hypothèse qu'un seul pays en était responsable, donnerait à celui-ci un encore plus grand motif pour garder le silence. S'il était exposé un jour, ce pays ne se remettrait jamais des demandes de réparation que lui ferait le reste du monde.