De feu et de glace, tome 2 : L'hystérie

Extrait 3

Tara quitta l’arrière de la voiture sans se préoccuper de ses deux amies, laissant ainsi Léana se concentrait davantage sur l’esprit vagabondant de son amie-vampire.

Elle aperçut pour la première fois les images de son cerveau inerte qui, malgré tout, renvoyait de parfaites visions…

Une forêt dense où la végétation était accrue. Il ne neigeait pas, au contraire, remarqua la jeune fille éblouie par les reflets du soleil magnifique qui perçaient à travers les branchages des arbres gigantesques.

Elle restait immobile derrière le volant, son esprit s’enfonçant dans ce lieu où elle pouvait tout ressentir comme si son corps s’y trouvait.

Elle entendait clairement les chants des oiseaux, la légère brise qui fendait le silence, faisant bouger légèrement les feuilles des arbres d’un vert presque jade…

À cet instant, plus rien n’existait…

Seule, dans cette forêt où une force l’attirait davantage vers un sentier plus étroit lui importait.

Elle voulait découvrir ce qui la captivait et, bien qu’elle fût consciente que ce n’était que son esprit qui vagabondait, elle se rendit compte plus distinctement que son corps éprouvait les sensations de cet endroit. Cela allait bien au-delà de son esprit… comme si elle était bel et bien présente dans cette forêt que Tanya décrivait sans le vouloir.

Elle pouvait sentir l’odeur fraîche de la végétation, la douceur de la mousse verte sous ses doigts lorsqu’elle toucha le sol herbeux, l’odeur entêtante et humide de la végétation sauvage ainsi que la fraîcheur agréable des sous-bois protégés du soleil radieux.

Elle continua alors à avancer jusqu’à ce qu’elle débouche sur une clairière.

Interdite par la beauté du lieu, Léana tourna la tête pour regarder derrière elle – là où devait en toute logique se trouver l’arrière de la voiture où Tara s’était installé quelques minutes plus tôt –, pour ne voir que des arbres et arbustes.

Encore abasourdie par sa découverte, une sensation de panique l’envahit. Comment diable avait-elle fait pour distinguer le paysage alentour avec autant de netteté alors qu’aucun rayon lumineux ni la moindre parcelle de ciel n’étaient visibles à travers les branchages opaques dans cette clairière ?

Calme-toi, se dit-elle en se concentrant davantage sur les visions de Tanya qui déclinaient peu à peu.

Ce fut à cet instant que quelque chose opéra dans la clairière. Non pas qu’elle avait entendu un bruit mais elle sentit une présence à quelques mètres d’elle.

Courageuse, elle avança lentement jusqu’à ce qu’elle aperçoive une jeune fille près d’un imposant tronc d’arbre difforme.

Elle ne distinguait pas son regard mais un flot de sentiments encore inconnus l’envahit de toute part.

Léana sentit sa mâchoire se décrocher sous la stupéfaction. Elle ne pouvait rien faire d’autre que regarder avec de grands yeux incrédules l’étrangère qui venait d’ancrer ses yeux dans les siens.

Son regard… juste époustouflant…

Le vert de ses yeux ne fut qu’un intense reflet à cette végétation, mélangeant la noirceur des troncs dans ses pupilles dilatées où elle perçut les sentiments clairs de cette magnifique jeune fille.

Remords, amour et haine vrillaient son regard…

Léana voulait s’approcher pour mieux distinguer les traits de son visage qui lui étaient presque familier mais un léger bruit – ou soupir de Tanya – la dissuada fermement.

Puis, le lieu se mit à tournoyer autour d’elle tandis qu’elle ne put quitter le regard électrisant de l’étrangère jusqu’à ce qu’elle vit clairement les iris d’orées de son amie-vampire…

– Léa ! Léa ! hurla celle-ci à son côté avant de la remuer par les épaules.

La jeune fille s’éveilla brusquement. La respiration rapide, elle prit un moment pour comprendre qu’elle était bel et bien dans la voiture au côté de son amie et non dans cette clairière, ce lieu qui venait de la déstabiliser pour de bon…

– Qu’est-ce qui t’a pris, bon sang ! s’écria Tanya, visiblement furieuse qu’elle se soit incrustée dans son esprit.

– Que… qui était-ce ?

Tanya se contenta de grogner de mécontentement avant de lui demander :

– Es-tu devenue folle, Léa ? Comment as-tu osé intervenir dans mon esprit de cette façon ?

– Je… je ne sais pas, balbutia-t-elle, incrédule.

– Tu ne sais pas ! répéta-t-elle, furibonde.

Léana secoua la tête et soupira de lassitude.

– Tu avais l’air perdu dans tes pensées et j’ai voulu savoir ce que c’était et… tu as eu une vision, Tanya…

– Ho, merci du renseignement ! Mais tu n’étais pas obligée d’intervenir !

– Quoi ? Mais je n’ai rien fait ! Pourquoi ai-je le sentiment de connaître cette fille ? Dis-moi toute la vérité, Tanya ! cria-t-elle à son tour. Tu me caches quelque chose ! Tu as déjà eu cette vision n’est-ce pas ?

Son amie-vampire se raidit perceptiblement avant d’avouer d’une voix tremblante :

– C’est la première fois que je vois cette fille… elle te ressemble et je ne comprends pas ce qui se passe, Léa.

Un silence de plomb s’installa dans l’habitacle de la voiture. Puis, poussant un long soupir de résignation, Léana la questionna à nouveau :

– Qui est-elle ?

– Je ne sais pas.

– Où étions-nous, Tanya ?

– Dans une forêt, mais je ne sais pas où exactement.

– Tu as vu quelque chose d’autre ? J’ai eu l’impression que cette fille souffrait… elle a vu quelque chose derrière ce tronc d’arbre. J’ai voulu m’approcher mais…

– Arrête ! hurla-t-elle avant de s’éclipser à allure vampirique de la voiture.

Déroutée, Léana secoua la tête et sortit à son tour du véhicule en rageant.

– Mais qu’est-ce qui te prend, tu peux me le dire ?!

Tanya secoua la tête et lui fit face.

– Léa… je ne peux rien te dire, dit-elle d’une voix brisée par l’émotion. Je ne peux rien te dire parce que… je n’en sais encore rien du tout. Je ne sais pas ce que cette vision signifie, je te le jure, clama-t-elle d’une voix solennelle.

Les deux amies se défièrent d’un regard inquisiteur pendant quelques minutes puis la jeune fille laissa un long soupir de résignation s’échapper de ses lèvres.

– D’accord, je te crois… mais j’aimerais que tu me préviennes si tu as encore cette vision, Tanya.

– Je le ferai, mentit-elle en acquiesçant d’un signe de la tête.

– Merci. J’ai l’impression que c’est important pour moi, c’est étrange… cette fille est importante.

Tanya ne confirma par cette remarque bien qu’elle était certaine qu’elles partageaient toutes les deux cette impression si stupéfiante qu’irréelle.

– Rentrons, Léa, souffla-t-elle en espérant que l’humaine n’insiste pas davantage.

Léana hocha la tête puis elles avancèrent toutes deux vers le café-librairie.

Millie les accueillit à l’entrée, le sourire aux lèvres.

– Comment s’est passé votre examen ?

Léana jeta un regard amusé vers Tanya qui restait impassible.

– Heu… bien, je crois. Mais ta question me paraît vraiment inutile avec ce qui s’est passé ce matin.

L’aînée des sœurs sourcilla au ton réprobateur qu’elle venait d’employer mais malheureusement, elle n’eut pas le temps de lui accorder quelques instants car une cliente lui demanda de l’aide.

– Je serai à l’étage, lança Léana en entraînant son amie-vampire vers l’escalier.

– Ho ! Salut Léa ! Tanya, les salua le shérif, visiblement ravi de rencontrer les deux jeunes filles.

– Bonjour Matt, répondit chaleureusement Léana tandis que Tanya continuait son ascension dans l’escalier où ensuite elle disparut dans la salle.

– Quelque chose ne va pas ? demanda Matt Scott, surpris par le comportement lointain de la jeune fille Kane.

– Ho, non… elle est un peu fatiguée, mentit-elle en arborant un large sourire.

Il parût convaincu par sa réponse et esquissa un léger sourire de satisfaction avant de lui demander :

– Alors, c’est bien la semaine prochaine le bal du lycée ?

– Le bal ? gloussa-t-elle, surprise.

– Tu ne le savais pas ? C’est samedi prochain et Abi m’a dit que tu irais fêter ton anniversaire à la même occasion.

Les yeux exorbités, Léana tenta de retenir un cri de colère à l’annonce qu’il venait de lui dire.

– Abi a dit ça ?

Incrédule, Matt hocha la tête et sourit.

– Oui, mais je n’ai peut-être pas bien compris, tu sais…

– Mm… j’en doute. Je vais lui demander de ce pas !

Elle ne vit pas la grimace qui se dessinait sur les lèvres du shérif de la ville et monta et les dernières marches de l’escalier.

Elle trouva Abi près du comptoir, discutant tranquillement avec Charlie qui la saluait d’un signe de la main. Vivement, elle s’approcha d’elles, prenant conscience de la présence de plusieurs clients attablés et de Tanya et Tara qui discutaient dans le fond de la pièce.

– Ho Léa ! Tu es là.

– Oui, Abi, je suis là, grogna-t-elle en agrippant son bras avant de l’entraîner dans la cuisine arrière. Je dois te parler !

Abi échangea un regard complice avec Charlie qui pouffait dans sa main gauche.

– Je peux savoir ce qui t’a pris de dire à Matt que je fêterais mon anniversaire samedi ? Le jour du BAL ! hurla-t-elle dès que la porte fut refermée.

– Heu… je pensais que c’était une bonne idée.

– Tu le pensais !

– Léa, couina-t-elle en mimant une moue dubitative. Je voulais juste te faire plaisir, je pensais vraiment que tu serais heureuse de t’amuser un peu et…

– Et rien du tout ! siffla-t-elle rageusement en serrant les poings sur les hanches. Écoute… je n’ai vraiment pas envie de fêter mon anniversaire et encore moins de me rendre à ce fichu bal !

– Mais Liam voudrait…

– Quoi ? As-tu parlé à Liam ? demanda-t-elle d’une voix moins hargneuse.

Abi se mit à déglutir péniblement, appréhendant la réaction de sa jeune sœur si elle savait qu’ils se téléphonaient depuis son départ pour se tenir mutuellement au courant.

– Abi ?! insista Léana.

La jeune femme hocha péniblement la tête tout en ancrant son regard de désolation au sien.

– Je n’y crois pas, fit-elle dans un souffle en s’installant sur une chaise, désabusée.

Abi sentit son cœur se serrer à la vue de sa sœur si fragile à cet instant. Lentement, elle s’avança vers elle et passa ses doigts dans ses cheveux.

Léana redressa la tête et plongea son regard azur dans le sien.

– On a autre chose à faire que de s’amuser, Abi. Si tu savais tout ce qu’il s’est passé…

– Je le sais, Léa. Tara nous a raconté, ainsi que Tanya pour la vision.

Surprise, elle plissa le regard et resta silencieuse quelques minutes.

– Cette fille t’intrigue, n’est-ce pas ?

Léana hocha la tête en signe d’acquiescement.

– Si Tanya découvre de qui il s’agit, elle t’en informera, tu le sais bien.

– Non, justement… j’ai l’impression qu’elle sait de qui il s’agit et… ça me fait peur.

– Tu penses que c’est un démon ?

– Non ! s’exclama-t-elle d’une voix sincère. Je ne sais pas… j’en ai assez de parler de ça, je suis épuisée, Abi.

– Alors, n’en parlons plus, tu veux ?

La jeune fille acquiesça, soulagée.

– Et ce soir, tu retrouveras celui que tu aimes, ma puce.

Un large sourire éclaira son visage.

– Il me tarde…

Les deux sœurs échangèrent un large sourire de satisfaction quand la porte de la cuisine s’ouvrit sur Charlie qui s’excusa aussitôt.

– J’ai juste besoin de remplir la vitrine…

– Ho, lança Léana en se levant de sa chaise. Laisse-moi te donner un coup de main, ajouta la jeune fille en s’avançant vers le plan de travail où étaient disposés les plateaux de viennoiseries.

Charlie lança un rapide coup d’œil vers Abi et esquissa un large sourire d’entendement…