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« Blanche plongea les yeux dans ceux de son cavalier. Soudain, elle sursauta. Il lui semblait reconnaître la douceur de ce regard.
— Nous sommes-nous déjà rencontrés ? Je suis persuadée que oui.
— Peut-être dans vos rêves, belle inconnue.
Il parlait bas, mais même l’intonation de sa voix lui paraissait familière. Elle aurait juré qu’il s’agissait de celle de Sébastien. Impossible, lorsqu’il avait refusé de les accompagner, il avait prétexté se rendre au restaurant avec son ami Jules.
Après tout, d’autres descendants de familles nobiliaires devaient fréquenter cette réception. Peut-être celui-ci ressemblait-il à l’un d’eux.
— Comment appelle-t-on cette danse ? interrogea-t-elle.
— Un slow.
Dès que la musique s’arrêta, il invita Blanche à goûter les petits fours disposés sur une table. Avec une patience infinie, il lui énonça le nom de chaque mets : blinis au caviar, mini opéra de foie gras au pain d’épices, bouchées de vol-au-vent et d’escargot bourguignon, noix de Saint-Jacques en médaillon et polenta de homard, brochettes de magret de canard. Blanche se régala de tout. Pour accompagner sa dégustation, elle réclamait chaque fois une nouvelle coupe de champagne. À la longue, la tête lui tournait, mais elle se sentait si bien qu’elle se moquait de terminer la soirée ivre morte. Cet homme lui donnait l’impression d’être libre. Il n’exigeait rien d’elle si ce n’était de lui tenir compagnie. Elle lui proposa de prendre l’air et, sans attendre sa réponse, elle glissa le bras sous le sien. Tous deux quittèrent la salle de direction du jardin. L’allée était illuminée, mais au loin seule la lune éclairait la pelouse de son auréole blanchâtre.
— Vous n’avez pas froid ? s’inquiéta l’inconnu.
— Non, au contraire.
Blanche se mit à tournoyer et à rire si vite et si fort que, tout à coup, elle se sentit basculer vers le sol. L’homme l’attrapa juste à temps avant qu’elle ne pique du nez dans l’herbe. Elle respira son parfum, toucha son menton du bout des doigts, s’enhardit à tenter d’enlever son masque. Il retint sa main de justesse, sans brusquerie, mais avec fermeté.
— Non ! Vous pourriez être déçue… »
Afficher en entier« Seul le roi décidait du sort de ses courtisans. Son éducation l’avait préparée à assumer sans discuter son rôle de fille, de sœur et d’épouse, mais la présence de cette femme venue du futur avait bousculé ses convictions. Elle maudit ce satané corset qui l’étouffait autant que son frère, son monde et son souverain ! »
Afficher en entier« Ne vous méprenez pas, je vous apprécie, mais… j’envisage de m’unir à un homme jeune et beau. »
Afficher en entierPrologue
Versailles, 27 novembre 1680
Pourvu qu’il ne soit pas trop tard ! songea Blanche.
La jeune femme accéléra le pas, autant que lui permettait la hauteur de ses talons. Ses mains agrippaient le pan de sa robe et de ses jupons pour courir sans se prendre les pieds dans la longueur du tissu. Elle se moquait de la rougeur de ses joues ou de l’allure négligée de sa chevelure tant qu’elle pouvait empêcher un nouveau désastre. Des pensées, plus moroses les unes que les autres, se bousculaient dans sa tête. Emma était son amie et celle qu’aimait son frère Tristan. Elle ne pouvait la laisser commettre l’irréparable. Dès son arrivée dans la galerie, elle l’aperçut qui s’apprêtait, la main sur le miroir, à emprunter la porte du temps. Un cri désespéré franchit les lèvres de Blanche.
— Oseriez-vous partir sans me dire au revoir ? Auriez-vous à cœur de m’abandonner... de nous abandonner ?
Comment Emma aurait-elle pu rester insensible devant un tel désarroi ? Leurs pleurs se mêlèrent tandis qu’elles tombaient dans les bras l’une de l’autre. Leur vie respective ne serait plus jamais comme avant et elles le regrettaient toutes deux.
— Je ne pouvais espérer une amie plus fidèle que vous, assura Emma. Je vous souhaite de trouver le bonheur.
— Je ne veux pas que vous partiez. Que vais-je devenir sans votre soutien ?
— J’ai confiance en vous. Vous serez capable de maîtriser votre destinée.
Un mensonge de plus, pensa Blanche. Seul le roi décidait du sort de ses courtisans. Son éducation l’avait préparée à assumer sans discuter son rôle de fille, de sœur et d’épouse, mais la présence de cette femme venue du futur avait bousculé ses convictions. Elle maudit ce satané corset qui l’étouffait autant que son frère, son monde et son souverain ! Resté en retrait, Tristan appela Emma, qui délaça ses doigts de ceux de Blanche. Il s’agenouilla pour solliciter la main de sa bien-aimée et Blanche devina que son amie avait accepté lorsqu’ils s’embrassèrent. À présent, Emma ne fuirait plus. La surface polie du miroir scintilla et Blanche ne put s’empêcher de tendre la main pour le toucher. Un étrange picotement se répandit du bout de ses doigts jusqu’à son épaule. Ses yeux brillants, fiévreux et déterminés croisèrent leur reflet. Sur le sol, le sac d’Emma attira son attention. Elle le ramassa pour le serrer comme un talisman contre sa poitrine. Son regard fixa le miroir, puis Emma et Tristan.
Son avenir se dessinait sombrement. Elle serait bientôt livrée en pâture à un débauché et soumise aux pires infamies. Ce mariage lui apporterait un nom et un titre prestigieux, mais elle y perdrait sa joie de vivre. N’avait-elle pas le droit d’aimer et d’être aimée ? Ne méritait-elle pas elle de goûter à la délicieuse euphorie des sentiments partagés ? Jamais le duc de Poitiers ne deviendrait son âme sœur. Sa seule échappatoire dans ce monde se limitait au couvent. Pour la première fois de sa vie, le choix ne dépendait que d’elle, mais elle doutait encore d’opter pour le bon.
— Pardonnez-moi, mais je ne peux me résoudre à accepter ce que le roi exige de moi.
Sa voix oscillait entre une détermination farouche et une peur irraisonnée. Blanche regarda Emma et Tristan. Ce dernier tendit la main vers elle. Il comprit ses intentions, mais ne pouvait se résoudre à la perdre.
— Blanche, arrêtez ! ordonna-t-il.
— Blanche, je vous en prie ! supplia Emma. Vous n’êtes pas prête.
— En effet, je ne suis pas prête à lier ma destinée au duc de Poitiers. Je vous aime, ne l’oubliez jamais !
Blanche apposa sa paume sur la glace. Une lumière intense envahit le miroir qui happa la jeune femme vers l’intérieur. Peu avant de perdre conscience, elle figea dans son esprit la détresse dans les yeux de son frère et d’Emma. Qu’avait-elle fait ?
Source : kobo.com
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