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Maman, maman, aide-moi à retrouver la maison,
Je suis perdue dans les bois, sans compagnon,
J'ai croisé un loup-garou, vilaine bête barbue,
Il a montré les crocs pour me dévorer toute crue.
Maman, maman, aide-moi à retrouver la maison,
Je suis perdue dans les bois, sans compagnon,
J'ai été attaquée par un vampire, un vieux filou,
Il a montré les crocs pour les planter dans mon cou.
Maman, maman, borde-moi,
Je suis à demi morte, je ne rentrerai pas,
J'ai rencontré un Invalide, et il m'a eue, le beau parleur,
Il a montré son sourire, et s'est jeté sur mon cœur.
" L'enfant perdu ", Comptines et contes populaires, réunis par Cory Levinson.
Afficher en entierSi la pneumonie est aussi plaisante, je veux bien rester dehors sous la neige en hiver, pieds nus et sans manteau, ou embrasser tous les malades de l'hôpital.
Afficher en entierAimer : un mot unique, une cose fuyante, pas plus épaisse qu'un fil. Voilà ce dont il s'agit : le fil d'un rasoir. Qui s'insinue au coeur de votre vie et la coup en deu. L'avant et après. Le reste du monde tombe d'un côté ou de l'autre.
''Avant'' et ''après''. Quand au ''pendant'', il n'est pas plus épais qu'un fil, lui non plus.
Afficher en entierParfois, j'ai l'impression qu'en se contentant de regarder les choses, en s'asseyant et en laissant le monde exister sous ses yeux... parfois, oui, je le jure, j'ai l'impressions que le temps se fige et que le monde suspend sa course. Rien qu'une seconde. Et que si on réussissait à se saisir de cette seconde-là, alors on vivrait éternellement.
Afficher en entierIls nous prétendent qu'en guérissant de l'amour nous serons heureux et à l'abri du danger éternellement. Je les ai toujours crus. Jusqu'à maintenant. Mais tout à changer dans ma vie. Maintenant, je préférerais être contaminée par l'amour et mourir plutôt que vivre un siècle étouffée par ce mensonge.
Afficher en entier- C'est ma chanson préférée.
Un nuage passe devant la lune, projetant des ombres sur le visage d'Alex. Il ne m'a toujours pas quittée des yeux, et j'aimerais connaître ses pensées.
- As-tu déjà dansé ? demande-t-il.
- Non, réponds-je un peu trop vivement.
- Ce n'est rien, je ne le répéterai pas, rétorque-t-il en riant doucement.
Des souvenirs de ma mère s'abattent sur moi : la caresse de ses mains lorsqu'elle me faisait tournoyer sur le plancher ciré de notre maison comme si nous étions des patineurs sur glace, sa voix flûtée lorsqu'elle accompagnait les chansons qui sortaient des enceintes.
- Ma mère aimait danser.
Les mots m'ont échappé, et je les regrette presque aussitôt. Pourtant, Alex ne m'interroge pas. Il ne se moque pas davantage. Il continue à m'observer. Puis il me tend la main à travers l'espace, à travers l'obscurité.
- Accepterais-tu ?
Sa question, tout juste murmurée, est à peine audible à cause du vent.
- Accepterais-je quoi ?
Mon cœur rugit dans mes tympans et, bien que plusieurs centimètres séparent encore nos deux mains, une énergie crépite et circule entre nous. A la fièvre qui s'empare de mon corps, il me semble que nous sommes pressés l'un contre l'autre, paume contre paume, joue contre joue.
- De danser, dit-il en abolissant la distance entre nous et en me prenant la main pour m'attirer vers lui.
A cette seconde précise, la chanson monte dans les aigus, et les deux sensations se mêlent en moi, la main d'Alex et la mélodie se confondent.
Nous dansons.
Afficher en entierIl est mon monde et mon monde se résume à lui. Sans lui, il n'y en a plus.
Afficher en entierOn est systématique déçu par les êtres auxquels on a accordé sa onfiance, sur lesquels on croit pouvoir compter. Lorsqu'on leur laisse la bride sur le cou, les gens mentent, font des cachoteries, ils changent et disparaissent. Certains s'évanouissent derrière un nouveau visage ou une nouvelle personnalité, et d'autres derrière un épais brouillard matinal avant de s'élancer d'une falaise. C'est pouquoi le protocole est aussi important. C'est pourquoi nous en avons besoin.
Afficher en entierDes instants, des moments de quelques secondes à peine : aussi fragiles, sublimes et désespérés qu'un papillon battant des ailes pour contrer une bourrasque.
Afficher en entierVous voulez connaître un secret sur ma famille ?
Ma sœur a contracté le deliria quelques mois avant la date de son Protocole. Elle est tombée amoureuse d'un garçon appelé Thomas, qui était aussi un Vulnérable. Thomas et elle passaient leurs journées allongés dans un champ de fleurs, les yeux plissés à cause du soleil, et ils s susurraient des promesses impossibles à tenir. Elle pleurait sans arrêt à cette époque, et elle m’a un jour confié que Thomas chassait ses larmes en la couvrant de baisers.
Aujourd'hui encore, lorsque je repense à ces temps-là – je n'avais que huit ans -, je sens le goût du sel.
Le mal s'était progressivement insinué en elle, de plus en plus profondément, puis l'avait grignotée de l'intérieur.
Ma sœur ne pouvait plus manger.Elle régurgitait aussitôt le peu que nous réussissions à lui faire avaler, et je craignais pour sa vie. Thomas lui a brisé le cœur, ce qui n'a étonné personne. Le Livre des Trois S dit bien : « L’ amor deliria nervosa produit des changements dans le lobe frontal à l'origine de fantasmagories, lesquelles, une fois identifiées, conduisent à un anéantissement psychique » (voir « Effets », p. 36).
Ma sœur restait donc toute la journée au lit et observait les ombres qui se déplaçaient lentement sur les murs. Ses côtes se soulevaient sous sa peau pâle, évoquant des morceaux de bois ballottés sur l'eau. Malgré tout, elle refusait encore le Protocole et le soulagement qu'il lui apporterait. Le jour de l'opération, il a fallu quatre scientifiques et plusieurs piqûres de sédatif pour qu'elle cède, pour qu'elle cesse de griffer la table de ses longs ongles acérés qu'elle n'avait pas coupés depuis des semaines, pour qu'elle arrête de hurler, d'injurier et d'appeler Thomas. J'étais présente lorsqu'ils sont venus la chercher pour l'emmener aux labos ; j'étais terrée dans un coin, recroquevillée, terrifiée de la voir cracher, siffler et se débattre, et j'ai pensé à mes parents.
Cet après-midi-là, alors qu'une dizaine d'années me séparaient encore du salut, je m'étais mise à compter les mois jusqu'à mon Protocole. Ma sœur a fini par être guérie. Elle est revenue docile et apaisée, les ongles immaculés et arrondis, les cheveux coiffés en une longue tresse épaisse.
Quelques mois après, elle était promise à un technicien en informatique, à peu près de son âge, et, quelques semaines après avoir terminé la fac, elle l'épousait. Sous le dais, ils se tenaient la main sans force, le regard fixé droit devant eux, comme contemplant un avenir dépourvu de soucis, de désagréments ou de désaccords, une enfilade de jours identiques pareille à une suite de bulles parfaitement rondes. Thomas a été immunisé, lui aussi. Il s'est marié avec Ella, l'ancienne meilleure amie de ma sœur, et tout le monde est heureux désormais. Rachel m'a appris il y a un ou deux mois qu'ils se voyaient souvent tous les quatre à l'occasion d'un pique-nique ou d'une fête de voisinage - ils vivent près les uns des autres, dans les quartiers est. Ils se retrouvent, font la conversation, sans que la moindre ombre du passé vienne troubler le calme et la plénitude du présent. Voilà la beauté de la guérison.
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