« il ignorait encore que seule une transformation intérieure lui serait salutaire. Il ne se doutait pas que ce regard de l’autre, indispensable à l’estime de soi, serait, ironie du sort, à l’origine de ses plus grandes conquêtes affectives et sexuelles. Etonnant équilibre de la nature : ce qui lui desservait actuellement lui servirait plus tard. En attendant, il lui fallait goûter le vinaigre de la vie, le miel suivrait. »

Extrait de 
Sangs-Mêlés
Philippe Lowinski

« Dans ces moments-là, une irrépressible bouffée de haine l’envahissait, mais, curieusement, celle-ci n’était pas destinée à ceux que l’on eût pu croire, mais à ses parents. Eux, qui au nom d’un amour égoïste avaient engendré une progéniture marquée du sceau du métissage. Le monde devait évoluer, disaient-ils, et accepter que deux êtres de races différentes pussent s’aimer et fonder une famille. La belle affaire ! Il n’en avait cure. Le monde pouvait bien évoluer sans lui, sans qu’il se retrouvât pris entre le marteau et l’enclume. Pas question d’être l’instrument d’un changement qu’il n’avait pas demandé. Chacun devait assumer ses actes et ses responsabilités .Cette négritude il la portait comme une croix, voire un naevus infamant. Que n’eût-il donné pour une blondeur éclatante, un regard clair ou la finesse d’un profil nordique ? »

Extrait de 
Sangs-Mêlés
Philippe Lowinski

« Allongé sur le côté, les genoux ramenés sous le menton, Alexandre balançait rapidement son corps comme pour entrer en transe et quitter la réalité, la fuir. Quelle autre attitude pouvait-il donc adopter ? Faire comme son frère et défier ses agresseurs en paradant sur son vélo ? Impossible ! Pour cela  il eût fallu qu’il s’aimât suffisamment et fût persuadé de ne pas être un « sale nègre » tout juste bon à « grimper dans les cocotiers ». Cette confiance en lui, il ne l’avait pas ; cette conscience de lui, il ne l’avait que trop ! »

Extrait de 
Sangs-Mêlés
Philippe Lowinski

« Un profond sentiment de culpabilité l’envahissait inexorablement, car Alexandre avait hérité de ses failles sans bénéficier des armes pour se défendre.
Dorénavant, elle serait son bouclier humain, l’anticorps qui le protégerait contre toute attaque extérieure. Et ce qu’elle n’avait pu lui transmettre par les gènes, elle le compenserait par une vigilance de tous les instants,  à son insu, telle une farouche tigresse aux aguets. »

Extrait de 
Sangs-Mêlés
Philippe Lowinski

L’âme est ainsi faite que rien ne peut la limiter. Son champ d’action et d’inspiration est toujours en avance d’une avant-garde. Elle est cet éclaireur du corps et ne peut s’exprimer que par le corps

Que la route était belle, ce matin, avant l’aube. J’écoutais mon pas. Je guettais le tien........N’est-il pas de plus vaste territoire que le mien pour toi, le tien pour moi ?

Jamais les vents du soir n’ont été aussi précis dans leur insistance à nous revoir. Jamais les eaux de la Verse et celles de la Gesles n’ont aussi bien lissé leurs algues pour nous inviter à l’ébouriffement des balades.

« Crois-moi, rien de cet à venir n’est écrit. Quand nous disparaîtrons tout sera encore en train de s’écrire. Nous avons une vie devant nous pour faire exploser le sens de toutes choses, le sens de chaque instant.C’est un inachèvement que je te propose puisque tu n’as jamais cessé de me le suggérer »

« Il y aura un premier jour sans moi, puis une nuit, puis l’éternité. La vie, pour ce que j’en vois, cherche juste à vous miner, à vous faire souffrir. Il faut danser autour de ça. À sa naissance, un enfant danse pour contourner les obstacles, puis on danse pour finir le quadrille grinçant de l’âge »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Elle doit avoir à peu près quinze ans, ma fille, mais comment savoir ? Je dis ma fille, même si je sais bien qu’elle l’est pas. Ma pupille, mon ange, le résultat d’un instinct étrange et profondément enfoui qui a réussi à dérober un peu d’amour à l’injustice. Les paumes de ses mains comme deux cartes du Tennessee, ses lignes y conduisant comme de vieux chemins. Ses belles et douces mains aux doigts fuselés. Son toucher comme des mots justes. Une fille qu’est pas ma fille, mais que je materne comme je peux. N’est-ce pas la tâche qui m’a été assignée contre la sauvagerie de ce monde ? J’y crois. Ça peut être que ça. Ma poitrine se gonfle de fierté à l’idée de la ramener à la maison »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Alors qu’on file dans les plaines, Winona blottie contre ma poitrine, j’ai enfin compris que j’étais entièrement et tout simplement une femme. Dans cette tête ouverte à tout vent. Même si mes seins étaient faits de mes chaussettes de l’armée roulées en boule »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Je suis gentil comme femme, dur comme homme. Chacun de mes membres est brisé en tant qu’homme, réparé en tant que femme. Je me couche avec l’âme d’une femme, je me réveille pareil. Je vois pas comment ça pourrait plus être vrai. Peut-être que je suis né homme et que j’ai grandi femme. Peut-être que le jeune garçon que John Cole a rencontré était déjà une fille. Lui, il était pas une fille, pas de doute. Peut-être que tout ça, c’est mal. Je sais pas si la Bible en parle. Peut-être que personne a jamais couché ça par écrit. »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Peut-être qu’au fond de mon âme, je crois à mon déguisement. Sans doute. Je me sens plus femme que je me suis jamais senti homme, alors que j’ai été soldat la plus grande partie de mon existence. Je finis par croire que ces Indiens vêtus de robes m’ont montré la voie. M’ont prouvé qu’on pouvait toujours enfiler un pantalon et partir en guerre. C’est quelque chose qu’on a en soi, et qu’on peut pas étouffer. Peut-être que j’ai épousé le destin de ma sœur que j’ai vue morte il y a si longtemps. Immobile comme une algue échouée. Ses jambes maigres. Son tablier effiloché »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Alors John Cole partage une moitié de rien. Il coupe son pain de maïs en deux et quand personne le voit, il le passe à Carthage. J’assiste à ça jour après jour pendant trois ou quatre mois. Je dois dire que c’est une merveille comme le corps humain est résistant. Je vois ses hanches et les os de ses jambes, qui sont juste un peu plus épais aux genoux. Ses bras sont plus que deux branches taillées dans un arbre sec. On passe de longues heures étendus l’un contre l’autre. John Cole pose la main sur ma tête et l’y laisse. John Cole, mon galant »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« On est bizarres, nous autres soldats engoncés dans la guerre. On est pas en train de discuter des lois à Washington. On foule pas leurs grandes pelouses. On meurt dans des tempêtes ou des batailles, puis la terre se referme sur nous sans qu’il y ait besoin de dire un mot, et je crois pas que ça nous dérange. On est heureux de respirer encore quand on a vu la terreur et l’horreur qui, juste après, se font oublier. La Bible a pas été écrite pour nous, ni aucun livre. On est peut-être même pas des humains, puisqu’on rompt pas le pain céleste. Pourtant, si Dieu essayait de nous trouver une excuse, il pourrait invoquer cet étrange amour parmi nous. C’est comme quand on cherche dans l’obscurité, qu’on allume une lampe et que la lumière vient à notre rescousse. On découvre des objets ainsi que le visage d’un homme qui est pour vous comme un trésor déterré. John Cole. Une sorte de nourriture. De pain terrestre. La lumière de la lampe va jusqu’à ses yeux, et une lueur lui répond. »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« On les attire sous la surface du désir. Chaque homme, jeune ou vieux, a envie que John Cole me caresse le visage, me saisisse par mes épaules étroites, pose la bouche sur mes lèvres. Le beau John Cole, mon galant. Notre amour enfin révélé à la vue de tous. »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« C’était juste un court instant sans importance. Mais ça m’a mis du baume au cœur. C’est rare d’avoir du baume au cœur, il faut stocker ces moments pour pas les oublier »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« des bois anciens aussi sombres que des craintes enfantines »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Ce soir-là, alors qu’on dort torse contre torse dans le vieux lit et que Winona ronronne pendant son sommeil dans la pièce voisine, on sent l’attrait d’un avenir inconnu se distiller dans nos os.
Pour moi, t’as pas perdu ta jolie tête, dit John Cole en m’observant dans la pénombre. Je te trouve toujours mignon.
Vraiment ?
En tout cas, moi tu me plais, il dit en m’embrassant.
Ça fait bizarre de vivre dans une maison au lieu de devoir se cacher derrière des baraquements comme des fantômes. C’est pas grave que Winona voie deux hommes dans le même lit, il y a ça dans n’importe quel relais de poste ou pension dès qu’il y a plus assez de place »

Extrait de 
Des jours sans fin
Barry, Sebastian

« Je suis expert en graphologie oculaire, je sais lire les regards perdus et éperdus des hommes mûrs qui dissimulent la vérité à leur entourage. J’ai cherché un moyen de le coincer quelque part, mais coincé, il l’était un peu, et il m’a échappé »

Extrait de 
Ludovic Taillefer n'y va pas par quatre chemins (French Edition)
Tapie, Jean-Paul

« Sentir le corps de Jason à proximité du mien et de ma main m’a considérablement ému. Non seulement parce que je le désirais, mais surtout parce que le lieu, dans sa sauvagerie aimable, avec sa splendeur naturelle, son silence n’appartenant qu’aux oiseaux et à l’eau vive, la façon qu’avait le soleil de transformer la gorge en une nef de cathédrale, tout cela incitait au plaisir, à sa recherche éperdue, et si Jason avait partagé ne serait-ce qu’un dixième des sensations qui m’exaltaient, il me serait tombé dans les bras, brièvement, mais absolument »

Extrait de 
Ludovic Taillefer n'y va pas par quatre chemins (French Edition)
Tapie, Jean-Paul

« ça remontait au temps où il voulait expliquer à la terre entière que chaque humain naissait prédisposé au désir de l’autre, tous genres confondus. Parce que l’hétérosexualité et l’homosexualité étaient des concepts inventés par des bigots aux esprits étriqués qui avaient utilisé les religions pour faire plier les consciences et les ranger dans leurs cases trop étroites. »

Extrait de 
Et tu marcheras vers les étoiles /French Edition
Lily Haime

« Il y a certains moments qui marquent. Ils sont comme des points sur la ligne du temps. Des encoches sur une fresque. Ou simplement des images qui perdurent et qui deviennent comme les pages d’un album, que l’on tourne trop vite. Nous ne pouvons pas nous rappeler tout, avec exactitude. Parfois, nous exagérons. Parfois, nous omettons. Parfois, nous mélangeons les détails d’un passé qui s’éloigne. Mais de temps en temps, certains instants restent profondément gravés. Qu’ils se soient déroulés hier ou dix ans plus tôt, ils restent aussi vivaces que le présent. »

Extrait de 
Et tu marcheras vers les étoiles French Edition
Lily Haime

« Il se retint de lui dire que la mort n’avait jamais rien de décent. Qu’elle était sale et injuste. Que l’ordre des choses n’était qu’une putain de farce destinée à vous faire accepter l’inéluctable sans broncher. Mais il se retint, car il connaissait trop intimement la morsure de la culpabilité, le poids des morts que l’on abandonne et celui des vies que l’on prend. 

« Parce que tout ce qu’il pouvait voir, c’était la réponse aussi disproportionnée qu’abusive qu’un petit nombre d’individus pensait devoir appliquer face aux exactions d’une population tout aussi restreinte.
Deux extrémités du spectre qui s’affrontent et entraînent le reste du monde dans le chaos. 

« Vous savez, dit-elle lentement, je crois que j’avais oublié que les révolutions naissent avec des idées et se concluent avec des morts… Tout ce que je voyais, c’était ces gens sur Burastni. J’avais oublié que c’était aussi des gens ici. Et que les idéaux tuent aussi bien que les armes. »