Derniers feux sur Sunset

John Scott Fitzgerald est vieux, alcoolique, endetté, désabusé par la vie, oublié, lui qui avait tant brillé il y a encore dix ans. Et pourtant, il n’a que quarante ans.

Pour payer ses dettes, l’hôpital psychiatrique où est soignée sa femme Zelda, la pension et l’éducation de sa fille Scottie, il accepte la proposition d’un ami de venir à Hollywood en qualité de scénariste. Il quitte alors la côte Ouest pour la Californie. On lui confie un scénario dont il faut dynamiser les dialogues et les scènes. Mais peu après, on le lui retire pour le donner à un autre. Sans explication. C’est comme ça Hollywood lui diront Bogart, Hemingway, toutes ces stars qui côtoient l’argent des studios, les remaniements, les rôles proposés puis supprimés, les romans et nouvelles sorties d’un placard et rangées peu après dans le fond d’un tiroir. Tout ce travail harassant, peu glorieux, épuise Fitzgerald.

Pour ne pas s’enliser dans sa solitude, il veut se prouver qu’il peut encore plaire comme à cette jeune chroniqueuse, Sheilah Graham, qui lui rappelle la beauté et la vivacité de sa Zelda d’antan. Mais Sheilah est très occupée, pas toujours disponible, le boudant quand il retombe dans l’alcool. Jalouse de son attachement à Zelda dont la santé vacille de plus en plus, elle le délaissera mais reviendra en qualité d’infirmière quand il tombera malade. Tuberculose et crise cardiaque affaiblissent Fitzgerald qui entreprendra dans sa petite demeure l’écriture de son ultime livre “Le dernier Nabab”.

“Avant que les ténèbres ne l’engloutissent, il eut une dernière pensée pour son roman et, impuissant, il protesta : Mais je n’ai pas fini.”

O’Nan retrace les dix dernières années de Fitzgerald, les derniers feux peu reluisants d’une vie qui avait swingué sur les airs de jazz pendant les années folles. Il ne reste plus que les souvenirs et la nostalgie d’une vie insouciante, intrépide, une vie de fête, d’alcool, de musique et de danse, une vie d’écriture et de gloire. Rien ne reste dans ces dix dernières années où le faste hollywoodien est synonyme de décor de plâtre, un monde factice qui a tôt fait oublier ses anciennes stars. Dix années pour naviguer entre la déchéance d’un écrivain qui se rêve fabuleux, Zelda qui se perd dans ses propres méandres, Scottie qui s’essaie à l’écriture et les autres, acteurs de cinéma qui se croient encore en haut de l’affiche et les écrivains qui ont encore du succès, ce dont ne comprend pas Fitzgerald, rêveur mais lucide. Incompréhension et jalousie : pourquoi les autres et pas lui ?

Et cela se déroule à Hollywood, entreprise commerciale, grosse machinerie qui avale tout et recrache ses débris sans état d’âme.