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Janine est venue me faire le message : je n'aurai le droit de redescendre que lorsque j'aurai fait des excuses à Madame. Autrement, je devrai me passer de dîner.
"Eh ben, je vais m'en passer, j'ai dit à Janine. Et je ne peux pas aller à l'école non plus."
Janine a essayé de me persuader. Mais je préfère crever de faim que de lui faire des excises. De toute façon, je vomis tout, alors quelle différence, hein ? Janine est quand même gentille. Elle a caché un bout de pain dans son tablier. Je sais à quel point elle a la trouille d'être renvoyée. C'est vraiment courageux de sa part. "Je ne céderai pas", j'ai dit à Janine.
Je me demande ce que va faire Madame. Elle va sûrement imaginer un genre de torture spécial pour que j'obéisse. Ca me fiche les jetons, malgré tout. Mais avec les fêtes de Noël, papa va revenir. Si je peux tenir jusque-là, elle va être obligée de céder la première. Et il y a les marques sur mes poignets. Elles vont peut-être rester longtemps. C'est une preuve, ça. Je vais prendre la poupée de cire que j'ai planquée derrière la planche. Je vais lui planter un vieux clou rouillé que j'ai trouvé dans un coin du grenier. Ca doit faire très mal ça, un clou rouillé. Allez, viens, Lili-Catherine, j'ai du travail pour toi.
Afficher en entierJ'ai été envoyé au lit sans dîner, ce dont je suis ravi !
Elle croit qu'Elle me punit en faisant cela. Ca me fait bien rigoler. Je n'ai pas eu besoin d'aller vomir, ce soir. Je l'entends qui engueule Lorraine à propos de son vocabulaire d'anglais. Lorraine n'a pas appris sa liste de mots. La voix de Madame monte jusqu'à moi, elle passe au travers de la porte. Je m'en moque, la porte est fermée.
J'ai un secret. J'ai piqué une bougie à l'office. J'ai essayé de la faire fondre mais ça ne marche pas avec juste des allumettes. Il faudrait que j'aie une casserole. Je ne sais pas comment faire. J'ai eu une idée géniale pourtant : j'ai récupéré les cheveux de Madame sur sa brosse à cheveux. Je les ai collés sur la bougie. Peut-être que c'est suffisant. J'ai planté deux épingles. J'ai caché la bougie derrière la planche de bois, là où il y a le cœur. De toute façon, je ne risque pas grand-chose, personne ne vient jamais ici.
Afficher en entierL'année prochaine, j'irai en pension. J'aurais bien voulu y être dès cette année mais papa trouve que je suis encore trop jeune. C'est bien la seule chose sur laquelle on est d'accord, Elle et moi. Elle n'a qu'une envie, c'est que je parte. Il faut que je tienne encore huit mois. Je suis comme Cendrillon. J'ai une méchante marâtre. Elle n'a qu'une fille mais Lorraine est bien assez teigne pour deux... Hélas, moi, je n'ai pas de gentille marraine fée. Je n'ai que Lili-Catherine.
Afficher en entierDerrière la porte, il y a moi. Je pose la main sur le bois froid. Il tiédit sous ma paume. La porte est fermée, je voudrais qu'elle ne soit plus jamais ouverte. Je veux rester derrière la porte. Dans ma maison d'avant, j'avais une chambre au rez-de-chaussée. Je ne regardais pas la porte. Elle n'existait pas. Ici, je suis au grenier. C'est un endroit trop grand et glacial. On devait y installer le chauffage. Ca fait trois mois déjà et l'hiver est entré par toutes les fissures. Je n'ose pas réclamer le chauffage. La porte, c'est tout ce qui compte.
La porte est entre Elle et moi.
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