Commentaires

La critique s’accorde à louer les immenses qualités de ce récit. Les récompenses tendent à en confirmer la valeur. Le titre est accrocheur, le pitch prometteur, je m’attendais à passer un excellent moment de lecture. Eh bien non. Je me suis retrouvée devant cet ouvrage, à reconnaître le grand savoir-faire de l’artisan, à appréhender le motif général qui s’y dessine, à en saisir le message, sans pour autant ressentir la moindre émotion (à part un certain énervement, mais on y reviendra à la fin).

Pourquoi ?

(Je précise que ce qui suit est mon ressenti, pas un jugement de valeur, ne me clouez pas au pilori avec l’eau du bain)

Le récit comporte 17 chapitres et 1 épilogue. Il est construit comme un assemblage de nouvelles indépendantes dont les protagonistes ne se retrouvent que très rarement d’une à l’autre. Ensemble, ces nouvelles tissent la trame d’une intrigue dont le motif est révélé à la fin. La métaphore du tapis où chaque brin est noué indépendamment mais fait partie d’un tout cohérent est parfaitement applicable. C’est bien exécuté, du bel ouvrage, rien à redire. Le risque, c’est qu’à nous présenter chaque brin indépendamment et nous faire sentir à quel point il est insignifiant au sein de ce grand tout, eh bien, à force, on s’en fiche. Je me suis intéressée au premier, au 2e, au 3e, et puis comme tout s’arrête chaque fois à la fin du chapitre, souvent de façon très plombante, je me suis désengagée émotionnellement. Peut-être que c’est exactement le but recherché par l’auteur, et dans ce cas-là, alors on peut considérer que la mission est réussie.

La hasard a voulu que j’enchaîne 2 lectures construites de cette façon et force est de constater que ce n’est pas ce qui me convient (l’autre était Lovecraft Country qui a, quant à lui, réussi à garder mon intérêt malgré tout). Je suis plutôt une lectrice de saga, j’aime me replonger dans un univers connu et retrouver des personnages dont le sort m’importe. Ici, j’avais l’impression d’enquiller 17 débuts de romans, 17 expositions. Et pourtant l’énigme des tapis de cheveux m’intéressait, mais arrivée au quart du livre, ensablée dans ces paysages désertiques sans pouvoir faire un pas sans que le sol se dérobe, j’en avais sec. Heureusement, l’univers s’ouvre, l’horizon révèle un espace plus vaste, plus de nuances dans ce monde qui oscille entre noir et gris foncé. Me voilà donc suffisamment accrochée pour poursuivre jusqu’à la fin, que j’ai trouvée satisfaisante et en accord avec le motif global qui se détache petit à petit (la critique d’une société totalitaire, le culte du souverain, l’absurdité du dogme et ses conséquences sur la vie des individus). Mais voilà, tout cela a été vécu sans implication émotionnelle. J’y ai cru, un instant, avec le chapitre du flûtiste où je me suis dit « ah, tiens, on pourrait s’y attacher à celui-là » et puis flop. Je me suis retrouvée en plan, un énième rendez-vous manqué, 17 lapins posés et moi qui continue d’y aller, à la seule fin de découvrir cette fin. Un peu comme si le seul intérêt de la Horde du Contrevent était l’extrème-amont, sans Sov, sans Golgoth, sans éolicoptères.

Ah tiens ! Parlons du traitement des personnages féminins (oui, vous avez peut-être suivi mon cheminement de pensée entre ce qui précède et ce qui suit…). 17 chapitres, donc, et seulement 3 avec une femme comme personnage de point de vue. Aucune femme de ce livre ne vit pour elle-même. Elles sont épouses, concubines, amoureuses, subalternes. On a une jeune femme qui échappe à son destin pour retrouver l’homme qu’elle aime… et puis flop, (SPOIL : même cette demi-vie d’amoureuse, elle n’y a pas droit). Une vieille marchande dont le seul rôle est celui de faire-valoir pour le personnage qu’elle rencontre, on ne retiendra d’elle que son attitude lascive envers le gaillard. Mais j’y ai cru, à la fin, avec une rebelle à qui on va peut-être confier un rôle important, et flop. On s’attarde sur son décolleté, dérive sur sa vie amoureuse, termine au lit.

Autre époque (publication 1999), autre façon de décrire les personnages féminins, me direz-vous. Soit, mais non. Reléguer la moitié de l’humanité à une sous-existence seulement digne d’intérêt en tant que partenaire/trophée/sous-fifre, ça m’énerve. Au moins, cet aspect du bouquin aura eu le mérite de susciter mon émotion.

Parce que sinon…

Tellement de nœuds, si peu d’attachement.

Des Milliards de Tapis de Cheveux est très très bien construit : nous n'y suivons pas un personnage précis, mais plutôt une idée. Nous y menons une sorte d'enquête que seul le lecteur sera capable de mener du début à la fin. Nous y partageons les histoires personnelles de très nombreux personnages, ce qui permet de découvrir l'univers du livre, et chaque chapitre nous en apprend un peu plus, pour nous amener doucement et agréablement vers la réponse au mystère des tapis de cheveux. A rémarquer cependant que je ne mets que Argent pour note à ce livre, car, autant le roman est très très bien écrit, autant le dénouement final est moins "fin" que je ne l'espérais.

C'est la première fois que je lis un tel récit, qui n'a pas de personnage principal et change de point de vue à chaque chapitre (à une exception près). Cela m'aurait rebutée en temps normal mais ici je dois avouer que c'est très bien fait. C'est un concept original, allié à une grande créativité dans sa mise en place puisqu'on commence par suivre divers habitants d'une même planète qui se côtoient, se croisent, avant de s'éloigner progressivement en s'intéressant à des personnages qui viennent d'ailleurs et qui apportent chacun une pièce du puzzle. C'est un peu comme quand on cherche un mot sur le net et que de lien en lien on finit par avoir une représentation globale de la thématique. Un peu aussi comme un tapis de cheveux dont on examinerait les brins individuels avant de se reculer pour découvrir petit à petit l'œuvre dans son ensemble !

Cette intrigue sur les tapis de cheveux est elle aussi très originale et créative et a immédiatement piqué ma curiosité avec ce premier chapitre au dénouement choquant, où l'on découvre la caste des tisseurs et les règles strictes qui la régissent. Puis au fur et à mesure que le texte donne la parole à des personnages qui se posent des questions et montrent toute l'ampleur de ce système, mon intérêt n'a été que plus vif et je ne cessais de me demander où allaient ces fameux tapis et à quoi ils pouvaient bien servir. Plus on tire sur le fil, plus on se rend compte qu'il faut remonter loin pour comprendre le pourquoi du comment, avec certains chapitres assez obscurs sur le moment mais qui prennent tout leur sens lors de la révélation finale. Si je n'ai pas été surprise par le côté Empereur et rebelles, en revanche, le fin mot de l'histoire m'a laissée bouche bée. C'est à la fois glaçant, stupide et très intelligent.

C'est donc un livre qui fait réfléchir sur la politique (car ce dénouement en est assez représentatif à mon avis), sur la foi aveugle et la liberté (vaut-il mieux une vie de servitude mais qui donne un but et une certaine stabilité, ou l'inverse ?) L'écriture sert à merveille tous ces points positifs car elle est travaillée et bien adaptée à l'histoire ainsi qu'au genre, tout en restant fluide. Petit bémol toutefois concernant la fâcheuse tendance à mettre une majuscule après un point-virgule une fois sur deux ; soit on respecte la règle grammaticale de mettre une minuscule, soit on assume la majuscule dans ce que j'imagine être une recherche de style, mais faire tantôt l'un tantôt l'autre est perturbant. Enfin, excepté ce détail la seule chose qui m'a empêchée d'avoir un véritable coup de cœur, c'est qu'il m'a quand même manqué un personnage principal (ou au moins régulier) à suivre pour m'y attacher et m'investir émotionnellement dans l'histoire. J'ai été touchée par certains passages (celui du joueur de flûtes et la révélation finale où l'on comprend toute la portée d'un précédent chapitre) mais pas énormément non plus et bien que la construction soit impeccable, ce système de chapitres à points de vue uniques dégage une certaine froideur qui est finalement le seul point négatif de ce livre pour moi.

Un excellent livre de science-fiction qui nous fait suivre une enquête glaçante au travers des regards de multiples personnages, représentant la multiplicité d'humains que l'on peut trouver au sein d'un univers. Car ce qui m'a le plus marqué, c'est justement cet espace quasiment infini formant l'Empire, que l'on traverse en s'accrochant désespérément à un nouveau personnage par chapitre, tentant tant bien que mal de suivre les fils de ces tapis de cheveux voyageant à travers la galaxie. Et chacun de ces personnages nous ramène à sa - à notre - petitesse, à cet infiniment grand qui nous surplombe, sous la forme de l'Empire, et de l'Empereur. Que sont des humains au milieu d'un univers absurde ? Spoiler(cliquez pour révéler)Le culte de l'Empereur, au centre des vies de milliards de milliards d'humains, se jouant d'eux comme de marionnettes et pouvant même créer des sociétés entières pour un simple vengeance... détruire des vies, former des castes, plonger dans la douleur et la peine des milliards de personnes... est absolument terrifiant. C'était une superbe découverte

Un coup de cœur absolu. Un écheveau que l'on prend plaisir à démêler, mèche après mèche, pour ne garder que la vérité nue, simple et tellement cruelle.

Une perle à lire absolument !

Des milliards de tapis de cheveux. Ça fait des années que ce titre étrange et un peu glauque m’attire, alors quand je l’ai vu à une foire aux livres, je n’ai pas hésité ! Et je l’ai même lu dans la foulée, au moins un roman qui n’aura pas traîné dans ma PAL !

Ce roman commence comme un planet opera : dans une succession de chapitres qui se concentrent sur des personnages différents, ont fait connaissance avec les coutumes un peu archaïques d’une planète, qui tournent autour des tisseurs de tapis de cheveux qui dédient leur vie à une unique œuvre dédiée à orner le palais impérial. On commence les yeux plissés sur les nœuds de cheveux avec un tisseur et on prend peu à peu du recul sur ces mystérieux tapis, jusqu’à sortir même de la planète et entrer alors plutôt dans un space opera.

J’ai été totalement happée par ce récit. L’auteur manie à merveille le suspense et on arrive à s’attacher aux personnages même si on ne les côtoie que durant un court laps de temps. Cette manière de dérouler l’histoire ne m’a pas du tout dérangée, c’est très bien fait de manière à ce que l’on ne soit pas perdu et que l’on s’y retrouve parfaitement la plupart du temps.

Ceci dit, si on a bien une réponse concernant la raison d’être des tapis de cheveux, j’aurais aimé savoir ce que deviennent certains personnages et certains éléments restent un peu flous pour moi.

J’ai adoré le message du roman. Une critique des automatismes de pensées, de la censure de la liberté d’expression, de la reproduction de gestes ancestraux simplement parce que « c’est comme ça ». La morale est cruelle mais extrêmement bien amenée.

C’est un roman très intelligent et qui ne met pas pour autant pas de côté le plaisir de lecture, au contraire ! Je le conseillerais néanmoins plutôt aux personnes déjà un peu familières de la SF ; ne soyez pas rebuté.e par son côté sombre : quand on est dedans, cela passe tout seul !

J'ai découvert ce roman sur Booknode il y a plusieurs années maintenant : merci aux personnes qui en ont parlé à l'époque ! :)

J'ai adoré...

L'histoire est vraiment prenante même si l'ensemble est un peu sombre

Lecture étonnante, originale et intrigante.

Au fil des chapitres on suit différents personnages, scènes de vie pour en découvrir plus sur les coutumes et l'histoire de cet univers, avec une question qui revient sans cesse "pourquoi ces tapis ? ", jusqu'à arriver à un final plus que surprenant.

Petite déception tout de même : l'enchaînement de personnage permet certes de découvrir l'univers mais ne s'attarde aucunement sur leur histoire personnelle, difficile de s'attacher et on reste un peu sur sa faim quant à leur devenir.

Ce livre a obtenu le prix bob morane 2000 (roman étranger) et 2008 (prix spécial) ainsi que le grand prix de l'imaginaire 2001.

Un grand cru donc, d'autant que la plupart des critiques sont dithyrambiques.

Et force est de constater, que sans tomber en pamoison, j'ai passé un agréable moment avec ce roman.

Depuis des temps immémoriaux, des pères passent leur vie à tisser des tapis avec les cheveux de leur femmes et filles destinés au palais de l'empereur. Mais personne n'a jamais vu ces tapis au palais et la quantité fabriquée est telle que l'on se pose des questions.

D'autant que l'empereur, qui pourtant vivait depuis des dizaines de milliers d'années, élevé au rang des dieux, est mort, que les rebelles ont pris le pouvoir et que personne ne sait rien sur cette histoire.

Le titre et le quatrième de couverture ne rendent pas grâce à l'oeuvre. J'ai longtemps hésité avant d'ouvrir cet ouvrage, justement à cause d'eux. Mais finalement bien m'en a pris. Et effectivement il n'y avait pas d'autre titre possible, puisque tout repose sur ces tapis de cheveux.

Une énigme tout d'abord : Que deviennent ces tapis ? Que le lecteur se rassure, il aura sa réponse, aussi surprenante que logique.

Le livre se compose de scènes de vie, dont beaucoup sont situées sur une seule planète productrice de tapis, une description d'un système, instauré depuis des millénaires, de type médiéval-fantasy où les femmes sont des objets courtisés pour leur chevelure, entrecoupées de scènes plus "science-fiction" "space opera", ou doucement, les explications se mettent en place pour arriver à la révélation finale.

Les personnages, sont un peu oubliés par l'auteur. Il n'y a pas vraiment de personnage central. C'est peut être le seul reproche que j'aurais à faire à ce livre. Il manque - bien que je sois sur qu'il s'agisse d'une volonté délibérée de l'auteur de ne pas se reposer sur un personnage, mais plutôt sur une histoire ou des histoires - il manque donc à mon humble avis un personnage fil rouge, qu'on aurait pu suivre tout au long du roman.

Une histoire facile à lire, originale et pleine de poésie (je plagie honteusement le quatrième de couv) qu'il faut découvrir absolument.