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-FRED ! Est-ce que t'as mal ? Es-tu avec des gens ? Love, je pense qu'elle est en train de se faire torturer ! Fred, reste avec moi, on appelle la police pour qu'ils retracent l'appel.

-Papa...

-Oui, papa est là, mon amour, on va te sortir de là !

-Non mais arrête !

-ARRÊTEZ DE FAIRE MAL À MA FILLE ! Je suis là, mon bébé, c'est bientôt fini !

-PAPAJ'VAISBIENJ'SUISÀLONDRES !

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Ça fait tellement drôle de te voir, ma chum. La dernière fois, j’étais pas dans mon meilleur état, si tu t’en souviens. C’est fou, on dirait que ça fait mille ans. J’étais à l’aéroport, tu tenais mon sac pendant que je me demandais encore vers où je m’en allais. J’avais les papillons dépendants affectifs qui tiraient vers Lyon, pis les papillons wild qui poussaient vers Varsovie. Pis moi, je savais pas.

J’étais immobile dans ce qui ressemblait plus à

une fourmilière qu’à un aéroport. T’as déjà vu les bonshommes gonflables sur les terrains de concessionnaires de chars ? Ben, dans ma tête, je me sentais de même, sans vent. Gonflable pis molle. Un petit peu saoule aussi, comme si nos vingt-six verres de vin avaient décidé de faire effet d’un coup, drette là.

J’étais devant la billetterie, j’avais hâte de voir la décision que j’allais prendre, pis j’avais mal à

cause de celle que je prendrais pas. La madame au comptoir avait l’air tellement blasée. J’suis sûre qu’elle avait jamais eu de papillons, elle.

Ou, si oui, ils portaient sûrement des bas bruns.

Dans leurs sandales.

J’avais le goût que ses papillons aux bas bruns me disent quoi faire. Qu’ils m’annoncent qu’un des deux vols était plein, que j’avais pas le choix de choisir telle destination. Qu’ils m’informent que Christo m’aimait plus que Kendrix-KendrixKendrix, ou vice-versa. Mais la madame me regardait silencieusement de ses yeux désabusés qui voient des dilemmes de papillons déchirés à longueur de journée, pis j’avais un peu mal à ma vie pour elle.

— Où est-ce que vous désirez aller ?

— J’sais pas, vous ?

— Madame, j’ai eu une grosse journée. J’ai pas le temps de me faire niaiser. Y a d’autres clients qui attendent.

— Non, j’suis sérieuse. Si vous aviez à partir ce soir, vous iriez où?

Elle a soupiré.

— Sûrement à Londres.

Elle a dit ça en faisant un grand geste de la main, comme pour souligner à quel point c’était la question la plus conne de sa journée. Pis, pour moi, c’était la réponse la plus brillante.

— Ça va être ça.

— Quoi ?

— Un aller simple pour Londres.

Le prochain vol partait une heure plus tard.

J’avais le temps. C’est à peine si je t’ai dit au revoir.

Je m’excuse, j’avais la tête trop pleine de toute.

De points d’interrogation pis de « mais ». Des lèvres douces de Christo, pis des grandes mains de Kendrix. De papillons bipolaires. Tu m’as juste regardée avec tes yeux confiants-contents quand j’ai passé la porte de la sécurité, pis ça m’a donné espoir que ça allait ben aller. Je me trompais un peu, mais je pouvais pas le savoir tu-suite, et c’était ben correct de même parce que, sinon, j’aurais sûrement reviré de bord pour aller grossir dans mon lit avec de la crème glacée.

Ouin, tu t’en doutais peut-être pas, ma chum, mais le récit qui s’en vient est pas vraiment plus

à l’eau de rose que le précédent. Même que les

épines de mon cactus se sont comme affûtées avec le temps pis la vie pis mes précédentes histoires de marde. Mon cactus attendait juste que j’aie le dos tourné pour me planter des papillons dedans.

Tout s’est passé tellement vite, j’ai même pas eu le temps de m’en rendre compte que j’étais déjà

dans l’avion. L’angoisse est revenue. C’était limite con comme décision. Londres. Qu’est-ce que j’allais ben faire à Londres ? À ce compte-là, j’aurais très bien pu prendre un bus vers Shawinigan, j’aurais pas été moins avancée dans mon dilemme.

J’ai eu le goût de crier que je voulais descendre, que je voulais aller à Shawinigan. Mais l’avion a commencé à avancer, donc j’ai fermé ma yeule et j’ai ravalé mon motton d’émotions mottoneuses.

On a pris de l’altitude, pis je pensais à tellement d’affaires en même temps que j’ai oublié d’avoir un mal de cœur psychosomatique quand l’avion a joué aux montagnes russes en milieu de vol.

C’était un peu le Vietnam dans ma tête. Je me sentais comme en peine d’amour, mais je savais pas de qui ni pourquoi. J’étais comme survoltée, mais faible en même temps. J’avais le shake, pis j’avais surtout le sang facial qui s’en allait tranquillement en voyage dans le Sud. Ça allait pas.

— Tout va bien, mademoiselle ?

Le bel agent de bord qui me souriait depuis le début s’est penché vers moi. Quelques longs cheveux blonds qui dépassaient de son man bun me tombaient presque dessus.

«Non, ça va pas pantoute, aide-moi dans mes dilemmes et siphonne-moi donc le sang vers le cerveau pendant que t’es là. »

— Ouitrèsbienmerci.

J’ai enduré mon malaise pendant au moins une heure. Je me sentais coincée. J’avais même pas dit

à mon père ni à Love-Meï que je partais. Tu t’en souviens ? J’avais décidé ça sur un coup de tête.

C’était ma fête, j’ai eu dix-neuf ans pile-poil ce jour-là. Mon père et la belle-mère étaient sortis pendant que j’étais censée être en train de fêter avec des amis à La Zone. La Zone… C’était juste cool quand j’étais mineure. Sans le facteur «Checkemes-talons-pis-mon-make-up-j’t’une-femme » de mes années de sorties illégales, La Zone perdait pas mal 80 % de son attrait. Les 20 % restants, c’étaient les potentiels tondeurs de pelouses qu’elle abritait, mais, avec Christo et KendrixKendrix-Kendrix, j’en avais déjà assez à gérer.

Anyway, j’étais pas allée à La Zone pour ma fête parce que Christo m’avait souhaité bonne fête de Lyon en me disant qu’y m’attendait avec mon cadeau d’anniversaire, pis aussi parce que

Kendrix m’avait envoyé une carte postale de

Varsovie pour me remettre dans la face la promesse qu’on s’était faite l’été d’avant. C’était une promesse d’hormones dans le piton, c’est pour ça que j’y croyais plus quand mes hormones avaient fini par se replacer six mois plus tard.

Apparemment que son piton à lui avait jamais décollé parce que v’là qu’y me demandait de le rejoindre pour de vrai.

Tout ça pour dire qu’il fallait que je téléphone à mon père en arrivant à Londres, juste pour lui annoncer avant la GRC que j’avais quitté

le continent.

Y ont commencé à servir les repas. L’odeur de la nourriture m’est tombée su’l cœur.

— Excuse-moi, il faut que j’aille à la salle de bains.

Ma voisine s’est levée pour nous laisser passer, mon jet de papillons sur le point de gicler et moi.

Une fois debout, j’ai senti le reste de mon sang de cerveau se joindre au break syndical du reste de mon système. Points noirs. Le bel agent de bord blond se dirigeait vers moi alors que je levais une main de désespoir en râlant d’un son pas cute-cute.

J’ai à peine eu le temps de penser « voyons-doncc’est-donc-ben-gênant-ça » que je m’effondrais dans les bras de la blondeur la plus totale.

Je me suis réveillée les jambes en l’air avec de l’eau dans ‘face et au moins douze yeux rivés sur moi. En dix secondes, je me suis fait dire de me relever lentement, de rester couchée, de prendre de grandes respirations, de ne pas paniquer, de manger un peu de sucre et de faire confiance à

une voix inconnue qui disait avoir suivi son cours de gardienne avertie.

Au cœur de cet édifiant moment de gloire, j’ai songé que ça y était, pour la première fois en dix-neuf ans, j’avais perdu mon combat contre la gravité.

Je me suis relevée sur mes coudes, les conseils incohérents de la gang de gardiens avertis ont repris de plus belle, le bel agent de bord accourait vers moi avec une débarbouillette mouillée, et j’ai senti mon estime crasher drastiquement dans l’Atlantique. Il s’est agenouillé devant moi avec un sourire rassurant pas laite pantoute et m’a tendu la compresse.

— Ça va aller ?

— Ouais. C’est gênant. J’pense que j’ai faim.

— Est-ce que t’es diabétique ?

Y avait l’air sincèrement inquiet et je dois dire que je trouvais ça sincèrement adorable.

— Non, je sais pas ce qui s’est passé. Je vais

être correcte.

— Je vais t’amener ton repas. Si t’as besoin de quoi que ce soit, tu me fais signe.

— Tu me ferais-tu un câlin?

Je me suis sentie devenir rouge en même temps que mon estime a touché l’océan. Je sais pas pourquoi j’ai dit ça tout haut. J’aurais pu éclater de rire pour lui faire comprendre que c’était juste une p’tite blague pour détendre l’atmosphère, mais j’ai pas été capable parce que c’était pas une blague pis j’me trouvais donc ben conne d’avoir lâché ça. Y a eu l’air aussi pris au dépourvu que moi par ma question pendant une seconde, pis y m’a refait son sourire responsable du réchauffement climatique et s’est avancé pour me prendre dans ses bras un peu maladroitement. J’étais tellement gênée que je me suis juste laissé faire, les deux bras ballants-gonflables-pas-de-vent, avec une envie de suivre mon estime dans l’océan. Y m’a lâchée après deux petites tapes affectueuses ou pleinement awkward, je pourrais pas dire, dans le dos.

— Ça va mieux ?

J’ai lâché un petit gloussement gêné sûrement excessivement charmant pis je suis retournée m’asseoir, les jambes en Jell-O.

Ma voisine me regardait d’un air inquiet. Une belle mulâtre d’environ mon âge. Latine ou arabe, c’était dur à dire.

— Est-ce que tu vas être correcte ?

— Oui, oui, merci de t’inquiéter, je vais bien.

— Ça t’arrive souvent ?

Un petit accent avec des R roulés. Adorable.

— Non, c’est la première fois. J’pense que j’suis juste un peu stressée.

— Rien de grave, j’espère ?

Je sais pas ce qui m’a pris. C’était peut-être son accent qui sonnait comme une berceuse ou ses yeux pers qui avaient l’air d’avoir vu le monde entier, mais j’ai presque pas hésité à tout lui raconter. Christo et Kendrix, mon dilemme, mon coup de tête londonien.

— Et qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?

— Je sais pas, j’ai encore deux-trois jours pour y penser. C’est juste que, peu importe qui je vais retrouver, ça va vouloir dire que je fais une croix sur l’autre, pis l’idée me fait badtriper.

— T’en préfères aucun des deux ?

— Fred.

Mi-espagnole, mi-marocaine, cette fille de vingt ans avait grandi au Québec. Avec son backpack, elle retournait à Londres pour la deuxième fois à cause d’une «histoire inachevée ». Un certain Joseph qui lui avait apparemment bien fait goûter la culture locale lors de son dernier voyage, tsé-veux-dire. Carlota avait une réservation dans une auberge au cœur de la ville. À

ce qui paraissait, j’étais «pas prête » pour ce qui m’y attendait.

Les sept heures de vol ont passé ben vite, sauf quand le réchauffement climatique blond me lançait son effet de serre de sourire moqueur chaque fois qu’il passait près de moi. En sortant de l’avion, il m’a dit de faire attention à moi et j’ai eu la glande du cachez-moi-donc pas mal sollicitée. Pas trop longtemps, parce que Carlota s’est précipitée hors de l’avion et j’ai dû courir pour pas la perdre de vue. Elle se repérait dans l’aéroport comme si elle y avait passé sa vie, pis même le douanier a eu de la misère à conserver son air de bœuf devant son enthousiasme, c’est ben pour dire. Mon tour est venu.

— Combien de temps resterez-vous à Londres ?

J’suis devenue nerveuse, mon anglais

était rouillé.

— Je sais pas. Deux ou trois jours, peut-être plus. Ça va dépendre de qui que je vais décider de passer ma vie avec. S’cusez, c’était pas une belle syntaxe de phrase. Mais vous devriez voir ma syntaxe de tête ! C’est que j’suis un peu fuckée dans ma tête en ce moment, je viens ici pour me défucker, dans l’fond. Quand je vais être défuckée, je vais m’en aller.

Y avait retrouvé son air de bœuf, finalement.

— Et où irez-vous ensuite ?

— Ben, c’est ça, l’affaire. Christophe est à

Lyon, Kendrix est à Varsovie, pis moi j’suis ici.

Londres, c’est comme ma transition entre un ou l’autre. J’sais pas encore où je vais aller, je vous l’ai dit, je suis ici pour me défucker le cerveau. Mais au moins les choix sont restreints. Tsé, c’est sûr que vous allez pas me retrouver à, genre, Tokyo.

À moins que j’aille à Tokyo avec Kendrix, mais pour ça faudrait que j’aille à Varsovie avant. Ce que je veux dire, dans l’fond…

— Bon séjour, Madam.

Y m’a meuglé de passer. Je me suis tue d’un coup pis j’ai avancé. Ma nouvelle amie m’attendait de l’autre côté avec un immense sourire.

J’aimais l’énergie de Carlota. Elle me donnait même un peu envie de carloter moi aussi.

J’avais imaginé une Londres grise et pluvieuse comme dans les films, mais y faisait beau : on aurait dit que la ville nous souhaitait la bienvenue, à moi et à mon dilemme indilemmable, comme pour me dire qu’elle était plus hot que

Shawinigan dans l’fond.

Un homme en complet qui marchait en sens inverse m’est rentré dedans sur le trottoir.

— Oh, I’m sorry, Madam.

Y pouvait me rentrer dedans autant qu’y voulait si y le faisait avec cet accent-là. Y était sûrement suivi par une secte du sens inverse, parce que j’ai eu droit à trois excuses tout aussi auditivement affriolantes dans les secondes d’après. Pis ça m’a frappée : y conduisent à droite dans Harry Potter.

Je m’en souvenais parce que, la première fois que j’ai vu le film, je me demandais comment le réalisateur avait pu laisser passer une erreur aussi

évidente. Fait pas cocasse du tout avec lequel je suis fucking à l’aise : j’ai écrit à J.K. Rowling pour lui en faire mention. J’ai jamais eu de réponse.

J’ai toujours pensé que c’était parce qu’elle était gênée de pas avoir vu ça avant, elle aussi. Bref,

ça voulait sûrement dire que les Anglais croisent

à gauche sur le trottoir. Oupsi. J’me suis tassée.

Carlota m’a traînée dans le métro (le tube, comme ils disent – ça me fait sentir comme un motton de pâte à dents, ce mot-là) et m’a guidée

à travers la ville, jusqu’à King’s Cross Road. Elle s’est arrêtée devant une belle bâtisse blanche à

l’allure ancienne. Clink78 : c’était le nom de l’auberge. L’endroit était superbe, vraiment loin de l’idée que je me faisais des auberges de voyageurs pauvres. Le décalage horaire m’a rattrapée d’un coup. J’ai fait ma réservation machinalement, avec l’intention de téléphoner chez moi au plus sacrant avant de me coucher un peu, mais Carlota a insisté pour me montrer le bar de l’auberge avant. Y avait une bonne trentaine de voyageurs.

Plusieurs ont levé les yeux vers nous quand on est entrées, ont souri, et quelques-uns nous ont saluées de la main.

— You girls wanna play pool ?

Je déteste le billard. Mais quand l’invitation vient de deux Australiens tout droit sortis d’un film de surf, je suis capable de me découvrir une passion sans borne pour l’activité. C’est comme

ça que j’ai oublié mon décalage horaire et mon coup de téléphone. Oupsi 2.

J’ai donc fait la connaissance de Kyle et d’Aaron.

J’te dis, ma chum, t’aurais tripé. On m’avait déjà dit que le taux de tondeurs de pelouse potentiels en

Australie était plus élevé que la moyenne, mais je pouvais pas réaliser à quel point c’était vrai avant d’en rencontrer deux en personne. Deux à la fois, c’était comme trop à regarder.

Kyle était un peu plus grand que moi. Y avait les cheveux longs et châtains, des dents de pub de dentifrice pis les yeux tellement verts qu’y brillaient sûrement dans le noir. Aaron était plus costaud que Kyle et découpé comme un athlète.

Y avait les cheveux blonds et les yeux aussi bleus que mon cœur le jour où Christo-à-qui-c’étaitpas-le-temps-de-penser était parti pour Lyon. Ça a tout de suite cliqué.

Y nous ont proposé de sortir avec eux ce soirlà. On avait rendez-vous à 19 heures à l’entrée de l’auberge pour «make a night to remember… or not».

J’aimais ben l’idée.

Je suis allée me coucher, la tête à quelques frontières de mon dilemme. J’ai fermé les yeux et, quand je les ai rouverts trois secondes plus tard, y était 18h57.

Aaron et Kyle attendaient à la porte. Carlota jasait avec eux dans un anglais étonnamment fluide. Y m’ont vue approcher.

— Ready to rumble ?

Enwèye donc, toé chose. Y avait un p’tit pub irlandais juste en face de l’auberge. On a pris des nachos et des pichets de bière pour commencer.

Aaron avait un jeu de cartes et c’est comme ça qu’on a commencé à jouer au jeu le plus intellectuellement vivifiant, où quand tu prédis mal la couleur de la prochaine carte, tu bois. Ce qui est drôle là-dedans, c’est que trois ou quatre pichets plus tard tu commences à oublier que bleu, mauve et vert sont pas des couleurs de cartes, pis c’est pas long que tu commandes un cinquième pichet, que ton anglais s’améliore à chaque gorgée pis que ton seul but dans la vie, c’est d’être parfaitement bilingue avant la fin de la nuit. Et/ ou australienne, parce que des fois y a des Kyle qui peuvent donner l’impression d’avoir des plans de mariage avec toi, pis toi tu t’en viens tellement bilingue que t’as quasiment le goût d’accepter. Des fois, y a des Aaron qui font pareil avec les Carlota, pis t’as le goût d’un mariage à quatre parce que ces gens sont soudainement les meilleurs amis que t’aies jamais eus.

On s’est levés tous les quatre, la g on a titubé jusqu’à un autre bar pour shake our booty.

— You’re not Christo, but it’s okay, I like you too.

— Who the fuck is Christo ?

— I don’t know, because he left me. But you’re not leaving me, right ?

— Nope, not tonight, baby!

J’ai toujours trouvé ça un peu dégueu comme surnom, mais ce soir-là ça me dérangeait pas trop d’être la baby de Kyle. Parce que, de toute façon,

Carlota était la baby d’Aaron, et personne veut

être la baby de personne, pis moi j’avais Kyle à

qui ça tentait.

Ministry of Sound, c’était le nom de la place vers où on se dirigeait. Carlota m’a prise par le cou dans le line-up. J’ai essayé de lui exprimer ma reconnaissance de m’avoir traînée avec elle à Londres, mais j’avais la bouche tellement molle que ça sortait tout croche, pis on était plus capables d’arrêter de rire. Le doorman nous a cartés tous les quatre pis, dans un excès de ma-vieva-ben, j’ai hurlé :

— LE MINISTRE DU SON COMME

PRÉSIDENT!

Carlota, Kyle et Aaron m’ont juste dévisagée, et le doorman a demandé à Kyle :

— Is she high ?

— Uh, no, just Canadian.

Il nous a laissés entrer après un «good luck » sincère et, Carlota et moi, on a recommencé à glousser en se dandinant sur le pou-ti-pou-ti-pou-ti du DJ.

Avant même de m’en rendre compte, j’étais au milieu du dancefloor et j’entamais ma très artistique danse du robot épileptique, les yeux fermés, les bras dans les airs, en hurlant des «whoo-hoo!» très sentis lorsque le moment me semblait opportun.

Kyle et Aaron nous ont apporté des shots, Aaron a embrassé Carlota, Kyle s’est approché de moi pour faire pareil pis je me suis retournée avant qu’il réussisse pour me robotiser les fesses sur lui.

J’étais peut-être pompette un brin, mais qu’est-ce que je maîtrisais le frotti-frotta !

Je me suis abandonnée au moment. Ses mains sur mes hanches, son souffle derrière moi. Ses lèvres, les lèvres de Christo dans mon cou. Le corps de Christo contre le mien, réconfortant, protecteur. Ses yeux verts dans les miens. Ses yeux qui m’avaient tellement manqué, son regard amoureux sur moi, son regard triste quand y m’a dit qu’y partait, son regard vide quand y est parti, son regard de Christo qui venait de me retrouver sur le dancefloor du ministère du son. Ses doigts sur mon visage, mon visage près du sien, la bouche de Christo sur ma bouche. La bave de Christo sur ma face, la grosse langue de Christo ben profond dans ma yeule. Christo embrassait tellement pas de même! Ark, crisse, je venais de frencher l’Australien.

— You don’t like it ?

— No, it’s Christo I like.

— OK, let’s get you to bed.

Le reste est flou. Je sais que je pleurais. Kyle,

Aaron et Carlota m’ont ramenée à l’auberge.

Y me disaient des affaires fines, genre que je devrais oublier Christo et marier Kyle, parce qu’y avait un grand condo avec un spa pis qu’il savait jouer du ukulele et pourrait me composer des chansons d’amour. J’ai répondu:

— OK, but no kiss with big tongue.

Aaron et Carlota ont éclaté de rire. Pas Kyle.

Je me souviens que, une fois dans l’auberge,

Carlota a rencontré un gars qu’elle connaissait pis y se sont engueulés. Je suis entrée dans ma chambre et me suis échouée sur mon lit pour toujours.

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On a pris des nachos et des pichets de bière pour commencer. Aaron avait un jeu de cartes et c'est comme ça qu'on a commencé à jouer au jeu le plus intellectuellement vivifiant, où quand tu prédis ml la couleur de la prochaine carte, tu bois. Ce qui est drôle là-dedans, c'est que trois ou quatre pichets plus tard tu commences à oublier que bleu, mauve et vert sont pas des couleurs de cartes, pis c'est pas long que tu commandes un cinquième pichet, que ton anglais s'améliore à chaque gorgée pis que ton seul but dans la vie, c'est d'être parfaitement bilingue avant la fin de la nuit. Et/ou australienne, parce que des fois y a des Kyle qui peuvent donner l'impression d'avoir des plans de mariage avec toi, pis toi tu t'en viens tellement bilingue que t'as quasiment le goût d'accepter. Des fois, y a des Aaron qui font pareil avec les Carlota, pis t'as le goût d'un mariage à quatre parce que ces gens sont soudainement les meilleurs amis que t'aies jamais eus.

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J'avais pas encore annoncé à mon père et à Love-Meï mes plans de ne jamais revenir. Mon père acceptait encore assez mal que je sois partie sans prévenir, mais Love-Meï l'avait convaincu que j'étais entre bonnes mains dans les grandes mains fermes, douces et érotiques de Kendrix. Elle l'avait sûrement pas dit de même, c'était moi qui le pensais.

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