Extraits

Platon, se promenant avec ses disciples dans le jardin du riche Athénien Akadêmos, aurait-il imaginé que la postérité s’emparerait de son exemple pour nommer des institutions ? Sans doute faudra-t-il attendre près de vingt siècles pour que le mot académie fasse son apparition, mais, ensuite, sa fortune n’a pas faibli, ni le prestige des sociétés ou réunions qui s’en sont réclamées. Des académies ont fleuri depuis le xvie siècle en Europe d’abord, puis sur la plupart des continents. Quel pays n’a pas aujourd’hui la ou les siennes ?

On assure toujours que l’Italie fut le premier berceau des académies, la plus ancienne d’entre elles étant, dit-on, l’académie de la Crusca, fondée à Florence en 1582. En réalité, c’est en France qu’avait surgi quelques années plus tôt une première académie. Dans la seconde moitié du xvie siècle, les conditions qui y prévalaient n’étaient guère favorables à ce genre d’entreprise. Le pays était ravagé par les guerres de religion, porteuses de peur et de misère. La population ne savait alors vers quelle autorité se tourner, et le pouvoir royal en butte aux attentats chancelait : « Pauvre France ! » déplora Ronsard.

La tourmente politique, les méfiances et les rancœurs accumulées n’empêchèrent pourtant pas quelques membres du groupe de la Pléiade de se rassembler autour d’un poète, Antoine de Baïf. Ils prirent le nom d’académiques et leur petite société devint l’Académie française ; le roi Charles IX lui conféra en 1570 ses lettres patentes. Puis ses réunions allèrent s’espacer, en raison probablement des très faibles moyens matériels dont elle disposait. On la crut alors condamnée, elle n’était qu’endormie.

Cette académie va renaître sous l’influence du sieur de Pibrac, faiseur de quatrains réputé. Il ranime le groupe de Baïf, y attire les plus illustres poètes de la Pléiade, mais aussi deux femmes, la maréchale de Retz et Mme de Lignerolles. Le roi Henri III, rentré de Pologne à la mort de son frère, confirme les lettres patentes que celui-ci avait accordées à la première académie, et surtout lui donne asile auprès de lui. L’institution prend alors le nom d’Académie du Palais. Mais la protection royale ne suffira pas à assurer sa pérennité ; elle lui sera même fatale.