Extraits

La faucheuse ajusta son masque et sa capuche. Elle étouffait avec sa cagoule épaisse. Le masque effrayant qui surplombait son visage rendait sa respiration encore plus moite. Mais il ne fallait prendre aucun risque, il fallait s’en tenir au plan. L’heure était venue. Elle enfila ses gants noirs. Elle devait agir ce soir, le seul soir de l’année où elle n’allait pas se faire remarquer avec un accoutrement pareil. Halloween avait un côté pratique. La faucheuse tâta le sac en bandoulière qu’elle avait glissé sous son déguisement. Elle sentit la forme dure sous sa main. Parfait ! Elle n’avait plus qu’à effectuer les deux parties de son plan et tout serait terminé. Tout le reste ne serait ensuite plus qu’une question de temps. L’engrenage se mettrait alors en place tout seul. La faucheuse sourit sous son masque. Elle savait qu’elle devrait se montrer patiente. Dans quelques jours, si elle avait bien calculé, elle aurait détruit sa cible. Elle aurait anéanti Amanda Lupin pour de bon. Cette garce allait payer. Et la servante de la mort lui réservait le prix fort…

Josiane s’empara du crucifix, décidée à s’en débarrasser. Mais un détail retint son attention.

— Amanda, il y a quelque chose d’écrit, s’écria-t-elle.

— Quoi donc ? demanda Amanda en se rapprochant.

— Euh, quelqu’un a taillé dans le bois avec un couteau suisse, on dirait. Il y a écrit que…

Josiane s’arrêta. Elle triturait ses cheveux.

— Que quoi ? demanda Amanda angoissée. Donne-moi le crucifix !

Amanda attrapa l’objet et lut la phrase qui était taillée dans le bois. La faucheuse passera bientôt. Elle ne l’avait pas vue lorsqu’elle avait découvert le crucifix car la phrase était sur un des côtés de la croix.

Amanda remonta un peu plus ses genoux contre sa poitrine, voulant se protéger inconsciemment, et pressa la couverture contre son corps. Elle ferma les yeux. Elle était à bout. Elle était tout de même soulagée que Marc soit au travail. Ils avaient très peu parlé depuis le départ de Josiane plusieurs jours auparavant. Chaque fois que son mari essayait de faire un pas vers elle et d’instaurer le dialogue, elle le faisait taire. Elle n’aimait pas son regard chargé de tristesse et de pitié. Oui, il avait pitié d’elle, c’était certain. Amanda sentait que son mari la considérait comme quelqu’un de trop usé par la vie. Elle-même détestait ce qu’elle était devenue, une mère désespérée qui survivait plus qu’elle ne vivait.

Amanda venait de se recoucher. Un bref coup d’œil à son téléphone lui indiqua qu’il était huit heures quarante-cinq. Elle n’arriverait sans doute pas à se rendormir. L’appel qu’elle venait de passer l’avait chamboulée. En position fœtale, pelotonnée sous les couvertures, elle réfléchissait. Elle avait appelé la police comme à son habitude à huit heures du matin, pour connaître les avancées de l’enquête. Elle n’arrivait pas à écouter Hélène qui lui avait pourtant conseillé de ne plus le faire. Amanda devait savoir, connaître la vérité coûte que coûte. C’était plus fort qu’elle. Elle n’avait rien trouvé de plus qui pourrait aider son fils depuis la découverte des objets disparus. Amanda se trouvait confrontée à sa propre impuissance et à l’incompétence de la police. Quelqu’un était rentré chez eux et avait violé leur intimité juste sous leur nez. Elle avait beau savoir que la police surveillait de près son domicile, elle était morte de peur. Elle se sentait épiée, trahie et manipulée…

Les inspecteurs étaient quasiment certains que les prélèvements ne seraient pas d’une grande utilité. S’il y avait eu des empreintes fraîches, Amanda Lupin avait dû les effacer en ravageant son appartement. Ils expliquèrent également que l’album photo comportant des traces des objets disparus s’était volatilisé, tout comme les photos de l’ordinateur. Bien que sceptique, le commissaire ordonna une saisie de l’ordinateur pour analyse. Les experts pourraient sans doute mettre la main sur les photos effacées et trouver des indices pour retrouver le garçon. Il demanda de faire venir M. et Mme Lupin au poste pour un interrogatoire plus poussé. Ces disparitions étaient étranges mais elles constituaient leur unique piste jusqu’à présent, autant l’exploiter au maximum. Voler des jouets d’enfant, c’était une première pour la police mais ils devaient tout de même prendre cela au sérieux.

Pourtant, il y avait quelque chose qui clochait, c’était certain. Elle l’avait senti quand elle avait ouvert le placard de Théo. Il y avait eu quelque chose de dérangeant, comme un manque. En regardant une fois de plus la penderie, Amanda remarqua que le ballon de foot de Théo n’y était plus. Il adorait ce ballon, qui avait été dédicacé par Lacazette le jour de ses quatre ans. Marc l’avait emmené voir un match de l’OL. Théo était fou de joie lorsqu’il était revenu avec le ballon dédicacé par son idole. Il l’avait montré à Amanda. Pourquoi n’était-il plus là ? Est-ce que Théo l’avait emporté avec lui le jour de sa disparition ? Il ne lui avait pas semblé mais elle n’était plus sûre de rien. Malgré elle, les détails de cette affreuse journée commençaient doucement à s’estomper, le temps semblant vouloir évacuer le traumatisme de son esprit. Amanda devait se tromper. Il devait l’avoir avec lui. C’était une fausse piste.

C’était du vent ! Marc, comme d’ailleurs la police, ne se démenait pas pour le retrouver. Elle lui en voulait tellement et elle avait de plus en plus de mal à le regarder en face. Il était responsable. Elle savait qu’ils devaient se serrer les coudes mais c’était plus fort qu’elle, elle n’y arrivait plus. Son mari se sentait coupable mais tout cela ne serait pas arrivé s’il l’avait surveillé correctement. Par sa faute, Théo avait disparu. Amanda n’osait pas imaginer le pire malgré ces longs mois sans nouvelle de leur enfant. Marc était un mauvais père. Amanda se torturait constamment. Et si elle avait été là, et si elle y était allée quand même, tout cela ne serait jamais arrivé. Elle, elle ne l’aurait pas lâché des yeux. Et s’ils étaient restés à la maison tous les trois, Théo serait toujours là. La vie serait tellement belle.

Je suis mort. Je suis vivant. Je rêve. Je suis éveillé. Je suis moi. Je suis un autre. Je ne sais plus. Tout est flou.

Dessine-moi un enfant est né à partir d'un rêve, un rêve complètement farfelu à propos d'un trafic d'enfants. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais strictemet rien ! Créer à toujours été une évidence. Je suis en quelque sorte tombée dans la potion magique des idées quand j'étais petite et depuis, elles arrivent sans crier gare, parfois dès mon réveil, d'autres fois à la nuit tombée .

_ C'est bientôt ton anniversaire, j'ai une surprise pour toi. Pas sûr que ça te plaise, lut Amanda à voix haute.

Ah ça non, ça ne lui plaisait pas ! Et ce n'était même pas son anniversaire. On était en octobre et Amanda était née en Avril. Ça ne rimait àrien.. Il devait y avoir erreur sur la personne.