DEUIL (Estrange Reality, #1)

"...

Je pensai à la façon dont les choses se mettent en route quand une personne importante, à Mortier, décidait de mettre la main sur un soi-disant inconnu. Si cet inconnu était un cas difficile, j’étais généralement chargé de la traque. Je grondai en pensant que je serais capable de tuer celui qui lui ferait du mal ou penserait seulement à lui apporter de la souffrance. Je n’aurais pas fait de différence et peu importait si après ça, on me considérait comme un monstre.

Tuer celui qui voulait lui faire du mal est la meilleure chose à faire ! Sans regrets et sans excuses !

Je me relevai avec peine, me disant que je devais agir sans tarder. J’avais l’impression d’avoir reçu une crosse de fusil en plein plexus. Je posai la photo sur la table et je passai mes vêtements, boitillant.

Comment brouiller les pistes pour gagner du temps ?

D’abord, savoir qui la recherchait. Que pouvais-je faire ? J’étais sûr que l’homme du miroir était son père. On traquait Alma à cause de son père ? Ce n’était pourtant pas dans nos habitudes de kidnapper la fille pour faire parler le père ! Je revis le visage d’Alma, celui de son père. Leurs iris ne se ressemblaient pas… comme si… Mais, pourquoi elle ? Pourquoi avais-je eu cette vision ? J’étais pris de court. Tout ce temps passé en sa compagnie, je n’ai pensé qu’à moi et à mon envie d’être près d’elle sans trop me soucier du futur…

Jamais je n’aurais cru qu’un jour je devrais la traquer pour leur compte !

J’étouffai un cri de rage sorti de mon cœur fracassé. Mon univers se brisa et je vis mon rêve partir en morceaux.

Non !

Cette fois encore, j’allais lutter ! Pour que mon rêve devienne réalité, que l’image enivrante d’Alma me tenant la main ne reste pas sans lendemain. Mes réflexions suivaient leur cours infernal pendant que mes mains attrapaient à une vitesse incalculable les vêtements que j’enfilais à l’aveuglette. Un détail était toujours important et je devrais le trouver !

Je dois la voir…

Mais je dois aussi faire mon rapport et leur dire que je l’ai trouvée… Une fraction de seconde suffit pour que je comprenne : quelque chose ne tournait pas rond. Pourquoi Marcus ? Normalement, je m’occupais de tout du début à la fin… Pourquoi Marcus devait-il se charger de la « cueillir » ? Le mot me donna des nausées.

Je regardai la chemise blanche comme si elle venait d’apparaître par magie entre mes mains. Une deuxième variante venait de faire son apparition : celui qui avait donné l’ordre de rechercher Alma savait qu’elle comptait pour moi… Et si ce n’était pas elle qu’on essayait d’atteindre ? Si c’était moi ? Le colonel Harcourt m’avait bien dit que si un jour, il découvrait quelque chose me concernant, il me préviendrait… C’est pour cela qu’il avait tellement insisté ! Il voulait que je sois au courant ! J’allais tout faire pour qu’elle échappe au sort qui lui était réservé !

Je devrais la voir dans le plus grand secret, faire en sorte de n’être pas suivi. L’incident de clés, tombées devant la porte de la suite, me turlupinait. J’ouvris la porte tout doucement, je me baissai et touchai la marque presque invisible sur la moquette. Quelqu’un était bien venu là, je sentis une odeur qu’il me semblait reconnaître. Je n’avais pas le temps d’en faire davantage, je la mémorisai et fermai précautionneusement la porte.

Je mérite le bonheur, j’en ai acquis le droit et je me débrouillerai pour défendre mon amour !

Je mis ma veste et me dépêchai de sortir, me jetant sur la porte.

— Comment vas-tu, Tyrone ? demandai-je en refermant la porte. Je te croyais déjà parti.

Je me tournai lentement.

— Et toi ? Estrange ? Toujours en quête ?

— Hmm...

— Ça ne donne rien ? Hein ? C’est ça ! Il s’esclaffa et me toisa.

Il jeta sa veste sur l’épaule et s’éloigna dans le couloir, me jetant un dernier regard perçant. Je le regardai, interloqué. Cette scène me poursuivit bien après que je fus sorti de l’hôtel. Que lui était-il arrivé ? Une autre chose à découvrir, mais je n’avais pas de temps pour cela.

La voiture se dirigeait presque sans que je la commande vers chez Alma. Je voulais rouler à une vitesse infernale, mais la circulation dans Paris était telle que je me déplaçais au pas. J’avais l’impression que je me rendais chez moi. J’ouvris les vitres pour que le vent ébouriffe mes cheveux en pensant à ce que je pouvais faire. L’image de l’homme que j’avais vu dans le miroir passa encore devant mes yeux…

Et pourtant… Quelque chose clochait… Son visage ne ressemblait pas vraiment à celui d’Alma…

Sans m'en rendre compte, j’arrivai devant son immeuble, mais je poursuivis ma route à la recherche d’une place de stationnement. Je scannai du regard les alentours et je faillis appuyer sur le frein quand mon regard se posa sur la voiture garée cinquante mètres plus loin. Mes mains se cramponnèrent instinctivement au volant et je me fis violence pour ne pas faire irruption de mon véhicule en pleine chaussée.

Que faisait-il ici ? Impossible qu’il l’ait déjà découverte !

Personne ne m’avait suivi. Alors ? Je fus bientôt à la hauteur de la voiture aux vitres teintées. Je voyais clairement à travers, et ce que je vis m’étonna. C’était bien la voiture de Marcus, mais ce n’était pas lui au volant ! C’était… Claire.

Claire !

Je la croyais au Mexique, occupée par ces trafics incessants… Que faisait-elle ici ?

..."