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En quittant les lieux, deux heures et demie plus tard, précédant dans l’escalier étroit le corps de la jeune victime que l’on emporte jusqu’à l’ambulance, le divisionnaire se dit simplement que cette affaire va être rapidement résolue.
Un vrai con, en effet. De toute façon, à ses yeux, les assassins en général ne sont rien d’autre que des imbéciles. Celui-là n’échappe pas à la règle. Après tant d’années de carrière, tant d’enquêtes menées à bien, pas un seul de tous ceux qu’il a pu observer, même les plus coriaces ou les plus futés, n’a eu droit de sa part au moindre respect, à la moindre admiration.
Afficher en entierLaforge était là depuis plus d’une heure quand l’un d’eux, qui s’était présenté comme le chef, s’était approché de lui. Il avait ôté ses larges lunettes de protection, puis d’une voix monotone, comme s’il lisait un simple rapport de police, avait annoncé à Laforge qu’ils n’avaient relevé qu’une seule trace d’empreintes. « Probablement celles de la décédée. En revanche, il y a des traces de sang dans le siphon de la baignoire et nous avons des cheveux qui ne sont pas ceux de la décédée. On aura un ADN, commissaire. »
Afficher en entierEffectivement, comme l’a dit le journaliste à la radio, le corps baignait dans une mare de sang. Mais ce n’est pas cela qui avait impressionné le commissaire. Il en avait tant vu dans sa longue carrière de flic, rien ne semblait plus pouvoir l’horrifier aujourd’hui… Ce qui l’avait laissé sans voix, c’était la tête coupée de la jeune femme, posée sur la table basse. Elle avait été placée toute droite, soigneusement, elle penchait à peine. Coincé à la base du cou, un cendrier l’empêchait de basculer. Le visage était orienté en direction de la porte d’entrée. Les longs cheveux bruns ensanglantés avaient été ramenés sur son visage, comme si on avait voulu le cacher. Le commissaire avait été le premier à les écarter, du bout des doigts. D’une de ses mains gantées, il avait maintenu la tête. De l’autre, il avait écarté les mèches coagulées, avec d’infinies précautions. Alors, il avait découvert le visage d’une jolie jeune femme aux traits fins, aux yeux d’un noir intense. Volontairement, sans aucun doute, son assassin ne les avait pas refermés.
Afficher en entier“Il est neuf heures, un flash d’information. Une jeune femme assassinée à coups de hache à Boulogne-Billancourt… ”
Assis à l’avant du véhicule, le commissaire divisionnaire Robert Laforge se tient droit, raide, comme dans une volonté de compenser sa petite taille et son buste court. Il tend l’oreille, la voix du journaliste est grave quand il annonce : “ Exclusivité RTL : une jeune femme de vingt-sept ans a été trouvée assassinée à son domicile de la rue Carnot à Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne, baignant dans son sang. Ce sont les voisins, alertés par des cris, qui ont averti la police. La mort serait due à plusieurs coups de hache, dont l’un, fatal, au niveau du crâne. L’enquête a été confiée à la police judiciaire… ”
Afficher en entierElle déplaça l’appareil de quelques centimètres sur le ventre de Sophie, l’immobilisa comme si elle avait enfin trouvé ce qu’elle cherchait, descendit sur le pubis, puis remonta doucement, marqua un temps d’arrêt un peu long, le regard soudain sérieux. Elle reprit son exploration avec application, balayant une large surface enduite de gel.
Sophie l’avait vue plisser les yeux. Elle sentait l’insistance avec laquelle elle déplaçait son appareil, comme si quelque chose la troublait.
La peur s’empara d’elle. Encore une mauvaise nouvelle, bien sûr. Ils en avaient connu tellement ces dernières années, comment pourrait-il en être autrement ? Elle se souvenait encore du désespoir glacé qui l’avait saisie à ce moment. Du bout des lèvres, elle demanda : « Vous voyez quelque chose ?
Afficher en entierLe médecin avait senti la jeune femme tressaillir. Elle lui adressa un sourire, heureuse de vivre ce moment avec elle. Elle savait par quelles épreuves et par quelles déceptions le couple était passé depuis des mois et des mois. Cela faisait quatre ans maintenant qu’elle les accompagnait dans leur volonté d’avoir un enfant. Elle avait partagé leurs espoirs, leurs déconvenues. Toutes ces fécondations qui avaient échoué, qui leur faisaient dire avec désespoir qu’ils n’y parviendraient jamais. Tous ces moments de tristesse et d’extrême lassitude, où ils évoquaient devant leur médecin l’idée de l’adoption. Une seule fois, Catherine Daout avait été tout près de se résigner avec eux, mais elle avait trouvé la force, les mots, pour les pousser à continuer. De ce trio soudé qu’ils avaient fini par former, elle était celle qui y croyait le plus. Elle avait déjà vu des miracles s’opérer et leur promettait toujours qu’il se produirait pour eux aussi. Alors, ils laissaient passer quelques mois et refaisaient une nouvelle tentative.
Afficher en entierSophie avait sursauté au contact du gel glacé que le professeur Catherine Daout, chef du service de maternité-obstétrique à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, avait étalé sur son ventre rebondi. Le docteur Daout avait insisté pour pratiquer l’examen en personne. Cette échographie était aussi sa victoire à elle, médecin réputé autoritaire et obstiné. N’avait-elle pas poussé par son insistance, parfois presque contraint, ce couple qu’elle avait pris en affection à ne pas renoncer, après tant d’échecs et de déceptions ?
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