Un amour de..., Tome 3 : Un amour d'ours

Les adultes ont parfois des attitudes étranges.

Avant que tout aille de travers, maman et papa se comportaient comme ces adolescents qu’on voit le soir, sur la plage, se bécoter sans arrêt. Je détestais les réunions de parents d’élèves à l’école primaire : vous ne pouvez pas imaginer comme c’est horrible de voir les vôtres se tenir la main devant tout le monde – et pire ! se faire un gros bisou dans votre propre classe ! Et dire que maintenant ils ne se parlaient même plus et que papa vivait ailleurs, tout ça parce que notre maison avait brûlé ! Difficile à croire, non ? Bon, d’accord, c’est sûrement plus compliqué que ça, mais qu’est-ce que je suis censée y comprendre, moi ? Je n’ai que onze ans, après tout.

Bref, les choses s’étaient un peu arrangées quand on avait donné à maman ce travail de soigneuse à durée indéterminée et cette magnifique maison au milieu du parc animalier : papa était venu nous rejoindre le jour de Noël, et tout s’était bien passé jusqu’au pudding… que maman avait fini par lui balancer, brûlant, pile là où je pense… Maintenant, ils communiquaient entre eux par textos, principalement pour savoir lequel des deux irait nous chercher au collège. Je croyais qu’on était censés se serrer les coudes dans l’adversité, non ? Apparemment, nos parents avaient complètement oublié ce point-là.

— Je ne me marierai jamais, a déclaré Tori tandis que le bus arrivait en ville.

Ça faisait une semaine qu’on avait repris les cours à Forrests – le collège de fous furieux où il n’y avait que nous d’à peu près fréquentables.

— De toute façon, personne ne voudra de toi, ai-je marmonné.

Avec ma sœur, on était toujours comme chat et chien, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.

— Moi si, a déclaré Joe Tocker d’une petite voix.

Il s’est agrippé encore un peu plus à son sac, à tel point que les articulations de sa main sont devenues horriblement saillantes. De l’autre, il a levé son pouce osseux vers Tori.