Extraits

...il n’avait jamais écouté personne, encore moins lui-même.

— Tu fais ça souvent ?

— Mentir ? répéta-t-il en se décollant de la paroi de l’ascenseur contre laquelle il était affalé. Non, pas vraiment. Je suis paresseux et la vérité est plus facile.

« — C’est réel. Je te le promets. Tout ça. Je pense que quand j’aurai les idées claires, je te dirai que je suis très près de tomber amoureux de toi, Jonah Gray. »

« Sacha garda le silence. Il ne se souciait pas beaucoup de la sensibilité des hommes blancs en colère qui achètent du café hors de prix. En revanche, il se souciait de la sensation des genoux de Jonah frôlant les siens. C’était agréable. Plaisant. Et tous les autres adjectifs insipides qu’il pouvait trouver pour s’empêcher d’approcher la chaise de Jonah plus près. »

— Je ne comprends pas.

— Pourquoi ? rétorqua Jonah. C’est assez simple. J’ai apprécié ta compagnie l’autre soir et quatre-vingt-dix pour cent du temps, on ne baisait pas. Pourquoi ne voudrais-je pas le refaire ?

— J’ai des réponses à cette question, mais je suis bloqué sur la division de notre temps ensemble. Nous avons été au bal de tes parents pendant quatre heures et demie. J’ai quitté ton appartement à cinq heures le lendemain matin. Explique-moi comment le temps que nous y avons passé équivaut à un chiffre de dix pour cent.

C’était une demande, pas une question. Jonah faillit rire, mais l’expression de Sacha l’arrêta, et il leva les yeux au ciel à la place.

— Je faisais une remarque, je ne faisais pas de maths spécifiques.

— Sois précis. Ne fais pas de fausses déclarations.

— Tu es toujours là.

— Toi aussi.

Sacha sourit.

— J’attends peut-être que tu tiennes ta promesse de petits fours.

Un rire éclata dans la poitrine de Jonah.

— Sérieusement ? On est repartis sur les petits fours ?

— C’est une affaire sérieuse, non ?

— OK, OK. Je peux les prendre au sérieux, mais seulement si tu viens vraiment avec moi. Ce serait dommage de gâcher ton costume d’enfer pour une journée au bureau.

— Mon costume d’enfer ?

— Il est beau, précisa Jonah. Il te va bien.

Pendant un long moment, Sacha ne répondit rien. La pause s’étira presque jusqu’à devenir gênante et Jonah commença à se demander s’il n’avait pas commis une erreur terrible et embarrassante. Puis Sacha roula ses élégantes épaules et lui tendit le bras.

— Très bien alors, Jonah Gray. Nous allons au bal.

Sacha ne faisait pas dans les soirées pyjama.

Plus maintenant. Cela faisait un sacré bout de temps qu’il n’avait pas enfreint cette règle, et il n’avait pas l’intention de le faire de sitôt. Voire jamais. Partager un lit pour autre chose que du sexe impliquait un changement de dynamique, une proximité qu’il n’avait ni le temps ni l’envie d’apprécier. Non. Il s’en tenait à de la baise. Un verre avant, si possible. Rien de plus.

- Si quelque chose te contrarie, ne le regarde pas.

- Je ne suis pas contrarié.

Sacha se leva, bloquant la vue de Jonah sur l’homme aux cheveux grotesques.

- Bien sûr. Parce que tu ne regardes pas.

- Ça n’a aucun sens.

- Est-ce que ça doit en avoir ?

Une grande silhouette entra, bousculant presque Jonah. Il fit un pas en arrière et respira une odeur de coton propre et de musc. Puis un homme grand et mince envahit son champ de vision, l’incarnation de tous ses fantasmes devenus réalité. Un homme aux épaules larges, à la mâchoire sombre et mal rasée, aux yeux mouchetés d’or et au sourire narquois.

— Es-tu proche de tes parents ?

— Non.

Jonah tourna la tête, offrant à Sacha une vue dégagée sur un profil qui semblait s’embellir au fil de la soirée. Si leur rendez-vous avait été réel, Sacha n’aurait pas eu beaucoup à se plaindre.

— Tu as dit ça avec tant de conviction, mais tu parles comme si ton père était encore en vie.

— Il l’est.

— Mais tu ne l’aimes pas ?

— Pas beaucoup. Le sentiment est mutuel.

— Pourquoi ?

Sacha haussa les épaules et se concentra au-delà de Jonah, vers le serveur qui les attendait. Un peu plus de champagne était tentant, tout comme le cognac maintenant que l’heure était assez tardive pour justifier un alcool fort, mais il résista et se força à croiser à nouveau le regard de son compagnon.

— Beaucoup de raisons. Qui n’ont aucun intérêt pour toi.

— Comment tu sais ça ?

— C’est le premier rendez-vous, non ? Les conversations complexes viennent plus tard, du moins c’est ce qu’on m’a dit.

— Au deuxième rendez-vous ?

— Je ne saurais pas dire. Généralement, le premier rendez-vous est le seul rendez-vous pour moi.

— Ah, acquiesça Jonah. Un homme occupé, je suppose. Pas de temps pour la romance ?

— Quelle est cette romance dont tu parles ? interrogea Sacha en souriant.

— Je ne sais pas. Je suis aussi un homme occupé, rétorqua Jonah, relevant les lèvres en un sourire charmeur.

Et irrésistible.

Sacha s’arrêta de marcher, récupéra son bras autour de la taille de Jonah et posa ses mains sur des épaules semblant faites d’acier. De l’acier chaud qui irradia sous ses paumes et qui fit presque dérailler sa capacité à parler.

— Ce rendez-vous était-il tout ce dont tu rêvais ?

— Je n’en ai pas rêvé. Je ne savais pas que tu existais avant de te rencontrer.

— Oui, mais tu as rêvé d’amener quelqu’un ici avec toi, n’est-ce pas ? Comment c’était ?

Toute la tension quitta Jonah, et son froncement de sourcils se transforma en une expression de spéculation amusée tandis qu’il examinait la question de Sacha.

— Je n’ai jamais de rendez-vous, donc je n’ai jamais pensé que ça arriverait, mais…

— Oui ?

— Mais, quand j’y ai pensé, ce n’était pas aussi facile que ce soir avec toi. C’est comme si…, commença-t-il en se frottant la nuque. Je ne sais pas. Comme si on avait déjà fait ça avant. Je connais à peine ton nom, mais ça ne semble pas avoir d’importance.

Sacha s’imprégna de ses mots. Ils étaient doux et lui faisaient du bien, et peu de personnes au monde lui faisaient ressentir cela. En fait, il ne pouvait pas penser à quelqu’un qui faisait frémir son estomac comme cet homme le faisait. Comme c’est étrange.