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KIKI LA DOUCETTE - Silencieux, pareils, heureux, nous écouterons tomber le jour. L'odeur du tilleul deviendra sucrée jusqu'à l'écoeurement, à l'heure même où mes yeux de voyant s'agrandiront, noirs, et liront dans l'air des signes mystérieux.
Afficher en entierFeu ! Te voilà revenu, plus beau que mon souvenir, plus cuisant et plus proche que le soleil ! Feu ! Que tu es splendide !Je m'engourdis.Mon ronron s'éteint avec ton crépitement.Je te vois encore et je vois déjà mes rêves.
Afficher en entierKIKI LA DOUCETTE - Laisse tout cela. Je reviendrai digne de moi-même demain, si le jour brille encore pour nous. Aujourd'hui, je me traine, ni peigné ni lavé, tel une femme que son amour a quittée ...
Afficher en entierKiki-la-doucette : Mon Dieu, que ce chien est fatiguant ! Qu'est-ce que peut lui faire qu'il y ait un malheur ? d'ailleurs, je n'en crois rien. Ce sont des cris d'homme, et les hommes crient pour le seul plaisir d'entendre leur voix...
Afficher en entierKIKI-LA-DOUCETTE, assis, les yeux pâles de sommeil et le lumière : Tu as réussi à m’éveiller. C’est tout ce que tu voulais n’est-ce pas ? Mes rêves sont partis. A peine sentais-je, à la surface de ma fourrure profonde, les petits pieds agaçants de ces mouches que tu poursuis. Un effleurement, une caresse parfois ridait d’un frisson l’herbe inclinée et soyeuse qui me revêt… Mais tu ne sais rien faire discrètement ; ta joie populacière encombre, ta douleur cabotine gémit. Méridional va !
TOBY-CHIEN, amer : Si c’est pour me dire ça que tu t’es réveillé !...
KIK-LA-DOUCETTE, rectifiant : Que tu m’as réveillé.
TOBY-CHIEN : J’étais mal à l’aise, je quêtais une aide, une parole encourageante…
KIKI-LA-DOUCETTE : Je ne connais point de verbes digestifs. Quand je pense que de nous deux, c’est moi qui passe pour un sale caractère ! Mais rentre un peu en toi-même, compare ! La chaleur t’excède, la faim t’affole, le froid te fige…
TOBY-CHIEN, vexé : Je suis un sensitif.
KIKI-LA-DOUCETTE : Dis : Un énergumène.
TOBY-CHIEN : Non, je ne le dirais pas. Toi, tu es un monstrueux égoïste.
KIKI-LA-DOUCETTE : Peut-être. Les Deux-Pattes – ni toi – n’entendent rien à l’égoïsme, à celui des Chats… Ils baptisent ainsi, pêle-mêle, l’instinct de préservation, la pudique réserve, la dignité, le renoncement fatigué qui nous vient de l’impossibilité d’être compris par eux. Chien peu distingué, mais dénué de parti pris, me comprendras-tu mieux ? Le chat est un hôte et non un jouet. En vérité, je ne sais en quel temps nous vivons ! Les Deux-Pattes, Lui et Elle, ont-ils seuls le droit de s’attrister, de se réjouir, de laper les assiettes, de gronder, de promener par la maison une humeur capricieuse ? J’ai, moi aussi, MES caprices, MA tristesse, mon appétit inégal, mes heures de retraite rêveuse où je me sépare du monde…
Afficher en entierToby-chien : Elle me saisit par la peau du dos, comme une petite valise carrée, et de froides injures tombèrent sur ma tête innocente : « Mal élevé. Chien hystérique. Saucisson larmoyeur. Crapaud à cœur de veau. Phoque obtus… » Tu sais le reste. Tu as entendu la porte, le tisonnier qu’elle a jeté dans la corbeille à papier, et le seau à charbon qui a roulé béant, et tout…
Kiki la doucette : J’ai entendu. J’ai même entendu, ô chien, ce qui n’est pas parvenu à ton entendement de bull simplet. Ne cherche pas. Elle et moi, nous dédaignons le plus souvent de nous expliquer.
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