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Extrait ajouté par Cathy-Coopman 2016-06-28T16:34:26+02:00

Extrait de La dogwalkeuse by Cathy Coopman

Un bus bondé à soufflet, en provenance de l’aéroport de La Guardia, pila juste devant l’arrêt de la 83e rue à Jackson Heights dans le Queens. De nos jours, plus personne, ou presque, ne savait que ce Borough, le plus grand des cinq arrondissements de New York City, avait été nommé ainsi en 1661 pour honorer la reine consort Catherine de Bragance, épouse du roi Charles II d’Angleterre. Shana, une jeune femme rousse d’origine irlandaise de 38 ans, connaissait la Grande Pomme et son histoire par cœur. Elle y rendait régulièrement visite à son meilleur ami Joe, depuis près de vingt ans. En descendant de la navette, les bras chargés de ses deux valises, Shana tourna la tête à gauche puis à droite avant de traverser la rue qui était pourtant à sens unique. Elle se dirigea ensuite vers la porte d’entrée d’un immeuble en briques rouges de cinq étages. Ses traits tirés laissaient supposer que son voyage avait été long et rocambolesque. En effet, suite à une série d’incidents indépendants de sa volonté, plus de 48 heures s’étaient écoulées depuis qu’elle avait quitté son appartement parisien pour rejoindre celui de Joe.

Ce dernier avait choisi d’investir à Jackson Heights principalement à cause de sa diversité ethnique. Joe était si fier de son petit quartier où de nombreuses personnalités comme Charlie Chaplin, Alfred Mosher Butts, l’inventeur du scrabble, ou Chester Carlson, celui de l’électrophotographie, et Howard Stern, le roi des médias, y avaient laissé des traces indélébiles de leur passage. Mais, depuis quelques années, de plus en plus de Wasps envahissaient, avec leurs poussettes, les trottoirs en béton de ce charmant faubourg devenu bien plus abordable que Manhattan. Joe regrettait amèrement de ne plus y être le seul petit Blanc. Shana appuya sur la sonnette du gardien.

Au même moment, de l’autre côté de l’Hudson River, dans l’Upper East Side, au coin de la 83e rue et de la 2e avenue, un jeune chien et son maître se dandinaient. L’homme, habillé d’un pantalon droit et d’une chemise gris anthracite, portait des cheveux courts et une barbe de trois jours bien taillée. Son animal de compagnie, quant à lui, ne ressemblait à rien : de corpulence moyenne, avec de grandes oreilles pendantes et des taches noires et blanches. L’expression : Tel maître, tel chien, ne s’appliquait ici en aucun cas.

— Quand apprendras-tu à être un vrai chien, Colby ? Tu as déjà six mois ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ?

Colby leva les oreilles et inclina la tête comme pour lui donner une réponse. Soudain, le regard du maître fut distrait par le fessier rebondi d’une jeune métisse, très élégante dans sa robe en mousseline et imprimés multicolores. Ses pieds, chaussés de ballerines en cuir, ne semblaient plus toucher terre, entraînés par une petite chienne qui tirait sur sa laisse. La femelle, attirée par l’odeur du jeune mâle, fit demi-tour sans prévenir. L’homme rattrapa la jeune femme, in extremis, avant qu’elle ne s’affale sur le trottoir. La coquine tira de plus belle sur sa laisse pour mieux pointer son nez sur la rondelle de Colby qui baissa la queue, vexé.

— Monsieur, je vous prie d’excuser Zora, elle n’a pas toujours de très bonnes manières.

— Rassurez-vous, Colby n’est pas non plus un modèle d’élégance. Il ne sait même pas lever la patte pour uriner…

— Je peux vous offrir un latté pour vous remercier de m’avoir secourue ?

— Ne vous donnez pas cette peine, mademoiselle, je n’ai fait que mon devoir de citoyen. De plus, j’ai encore beaucoup de travail. Je dois peaufiner deux scénarii pour une série d’ABC avant la fin de la journée. Peut-être plus tard ? Tenez…

L’homme tendit sa carte et s’en alla sans se retourner. Colby et Zora continuaient de tirer sur leur laisse. Ils n’avaient pas terminé leurs courtoisies, mais leurs maîtres n’en tinrent pas compte et ils durent suivre le mouvement, contraints et forcés.

Shana était assise sur un fauteuil élimé de la loge du gardien, face à une tasse de maté fumant. Joe n’avait pu se libérer pour l’accueillir, mais il avait pris soin de laisser les clés de son appartement au gardien, un Argentin gominé qui, lors de sa précédente visite, tenait absolument à ce que Shana épouse son cousin. Il avait fini par comprendre qu’elle n’était pas Américaine et que son cousin n’aurait jamais sa Green Card grâce à elle. L’Argentin revint avec les clés et Shana se précipita vers l’ascenseur. Elle était exténuée et n’aspirait qu’à une chose : plonger sous une douche bien chaude.

Arrivée au cinquième étage, elle tourna la clé dans la serrure et ouvrit la porte de l’appartement qui serait le sien pendant les trois prochains mois. Shana avait besoin de prendre du recul après la découverte de l’infidélité de son petit ami. Elle l’aimait toujours un peu, mais elle n’avait plus confiance en lui. Ces trois mois à New York lui permettraient sûrement de souffler, de peser le pour et le contre de sa relation amoureuse bancale et surtout de réaliser l’un de ses rêves : devenir dogwalkeuse, promeneuse de chien, à Central Park.

Shana se sentait chez elle dans cette ville en noir et blanc qui ne dormait jamais. NYC était sa source d’énergie vitale qui alimentait ses cinq sens. Avec ses gratte-ciel qui lui tordaient le cou, ses sons qui résonnaient dans sa tête comme des marteleurs, sa junk food qui rassasiait ses entrailles, ses odeurs qui l’enivraient et ses buildings qu’elle ne pouvait s’empêcher de toucher du bout des doigts… L’Irlando-Parisienne aimait New York et la ville le lui rendait bien. Elle rangea frénétiquement ses affaires dans son placard avant de se détendre sous les jets puissants de la douche. Une fois rafraîchie, elle décida de ne pas siester et préféra magasiner dans une des nombreuses supérettes du quartier.

Shana était productrice de films depuis près de quinze ans, mais elle commençait à être lasse de cette vie qui, financièrement et intellectuellement parlant, ne la satisfaisait plus. Elle devait néanmoins rester connectée avec ses collègues parisiens qui prenaient soin de ses dossiers en cours. Elle se rendit dans différentes boutiques pour trouver un téléphone mobile adapté à ses besoins. Ils étaient tous beaucoup plus dispendieux qu’elle ne l’avait imaginé et elle devrait faire attention à sa consommation, car si on l’appelait les minutes étaient aussi décomptées de son forfait. En fait, chaque fois qu’elle utiliserait son portable, elle devrait payer. Eh oui, c’est ça l’Amérique ! lui avait lancé en plein visage un vendeur d’origine indienne.

De retour à l’appartement, après s’être empiffrée de baggles au cream cheese avec un thé au lait sans sucre, Shana joua quelques heures sur le net, tout en discutant sur les réseaux sociaux. Lorsque Joe rentra de ses cours de français, il lui proposa de manger un morceau dans son ancien quartier de Queensboro Plaza, à quelques stations de métro de chez eux sur la ligne 7. Joe avait besoin de prendre l’air. Le restaurant avait un jardin où l’on pouvait dîner et fumer dehors, un luxe dans ce pays puritain.

Joe raconta en chemin ses déboires avec une de ses élèves dont les parents avaient porté plainte contre lui pour abus verbal. En fait, il en avait eu assez que son élève dise Fuck à chaque fin de phrase et il l’avait provoquée en employant lui aussi The F Word, mais en français, à tout bout de champ afin de lui ouvrir les yeux. Cependant, sa stratégie n’avait pas fonctionné et s’était même retournée contre lui. Avec le recul, Joe regrettait de ne pas être passé directement par les autorités compétentes. Leur table fut dressée à l’intérieur finalement, car ils avaient gossipé trop longtemps en fumant cigarette sur cigarette au clair de lune.

De l’autre côté du fleuve, Zora mangeait ses croquettes et jetait un regard discret à sa maîtresse qui hésitait à appeler le maître de Colby. Elle tournait et retournait sa carte de visite dans ses doigts. Elle se décida à saisir le téléphone.

— Bonsoir, Mitch. C’est Mira, la maîtresse de Zora. Vous savez, la petite chienne qui fourre son nez un peu partout.

— Bonsoir, comment allez-vous depuis tout à l’heure ?

— Très bien… Euh, je me demandais si vous accepteriez de prendre un verre, ce soir. Enfin, si vous avez fini de travailler.

— C’est que…

— Vous êtes occupé, je comprends, y a pas de souci…

— Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai terminé mes scénarii dans les temps, mais Colby a vomi et je ne veux pas le laisser seul.

— Oh, je suis désolée, pauvre petite bête. J’espère qu’il se remettra vite…

— Oui, je pense. Euh… Je dois bientôt me rendre à la signature du livre d’un ami, souhaiteriez-vous m’accompagner ? En fait, il n’a rédigé que la préface, c’est Tennessee Williams qui a écrit le livre…

— J’adore Tennessee Williams, c’est mon auteur préféré. J’étais avocate en droit de l’enfance jusqu’à il y a six mois. J’en ai eu marre et j’ai décidé de reprendre des études de littérature anglaise. Je serais ravie d’y aller avec vous.

— C’est parfait alors ! Je note le numéro de téléphone qui s’affiche sur le cadran et je vous rappelle demain pour vous donner l’heure et le lieu.

— Super, j’attends votre appel ! Et, bon rétablissement à Colby !

Mira avait les yeux qui pétillaient et Zora terminait de mastiquer ses croquettes. De son côté, Colby, enfermé dans sa cage d’appartement, regardait d’un œil réprobateur son maître plongé dans les annonces d’un site de rencontres pour hommes. Jamais de sa courte vie, il n’avait régurgité quoi que ce soit. Quelle mouche avait piqué son maître pour mentir de la sorte ?

Il est cinq heures, Paris s’éveille… Ah non, ce n’était pas la bonne chanson qui résonnait dans la tête de Shana. Il était six heures trente et le soleil venait à peine de pointer le bout de son nez sur la belle New York. Joe se levait tout juste pour partir enseigner à ses cancres. Il n’avait plus le temps de passer par la case petit-déjeuner. Il se contenterait donc d’une douche rapide et prendrait un latté au soja avec un donut en chemin. Shana, de son côté, se réveillait tranquillement. Elle n’était pas adepte du petit-déjeuner au saut du lit. Elle alluma son ordinateur, releva ses emails et créa un tableur pour y noter les deux objectifs du jour qu’elle s’était fixés : rédiger un curriculum vitae et rendre une petite visite au club de gym du quartier. Ces dernières années, Shana s’était laissé aller et elle le regrettait. Sur la côte est des États-Unis, les rondeurs étaient très remarquées contrairement à la côte ouest où de toute façon elles étaient cachées derrière le volant des voitures.

Shana se souvint soudain du rêve étrange de sa nuit passée. Le décor principal était celui du corps de ferme de sa grand-mère paternelle où se déroulait une fête gigantesque. On y tirait un feu d’artifice avec des fusées, qui en explosant, se transformaient en personnages de Disney virevoltant dans le ciel. Le nuage de fumée s’épaississait cachant partiellement de petites navettes spatiales qui se posaient au milieu de la cour. Les fêtards étaient bouche bée et regardaient ce spectacle sans se douter des mauvaises attentions des extra-terrestres : ils étaient venus pour se nourrir de la kératine des hommes. Lorsque les humains en prirent conscience, ce fut la panique générale. Shana, qui était si fière de ses ongles longs manucurés et de ses cheveux roux ondulés, réussit à leur échapper.

Heureusement pour elle, les aliens étaient lents et surtout très laids. Ils ressemblaient à des Jabba le Hutt d’un mètre de long et laissaient au sol une trace fluorescente et visqueuse multicolore. Shana abhorrait les limaces. Après quelques minutes de course, elle se cacha dans une grotte où elle put retrouver son souffle. Elle prit une grande inspiration avant de s’enfoncer dans un couloir en pierres taillées qui devenait de plus en plus étroit. Soudain, elle s’accroupit, car elle avait entendu un bruit strident : ZIP. Elle se retourna et un géant surgit devant ses yeux ébahis, la braguette ouverte. Un liquide jaunâtre et chaud coulait délicatement sur l’épaule de la jeune femme. Un petit garçon, debout entre les jambes de l’homme, lui crachait du thé avec sa bouche…

Shana secoua la tête et s’attela à la rédaction d’une lettre de motivation et de son CV en anglais. Elle jetait par moments un œil distrait sur des sites d’épilation définitive au laser. Elle détestait ses poils et cette kératine-là, elle s’en serait bien passée. Le prix des prestations était exorbitant, mais elle avait tout de même envie d’essayer, au moins une fois. Le téléphone de la maison sonna et le temps qu’elle atteigne le combiné, le répondeur s’était déclenché. Joe proposait à Shana d’assister, dans trois jours, à la première d’une comédie musicale intitulée : « Mimi le Duck ». Les billets étaient déjà en prévente à un tarif réduit et il souhaitait les réserver avant qu’il n’y en ait plus. Shana googlelisa ce titre intrigant. Le spectacle racontait l’histoire d’une femme mormone qui décidait, après avoir vu le fantôme d’Hemingway, de quitter son mari et sa carrière de peintre pour s’installer à Paris. La critique disait que ce show donnait des couilles pour changer de vie…

Près du téléphone se trouvait une pile de livres et Shana tomba sur les premières pages de la nouvelle d’Annie Proulx, « Brokeback Mountain ». Le langage était plutôt cru, mais elle aimait ce style. Le livre lui paraissait bien mince et Shana se demandait comment Ang Lee avait pu réaliser un film si long d’après une si petite histoire. C’est ça, la magie du cinéma ! La bande originale, très sirupeuse, revint à sa mémoire. Shana s’imaginait chevauchant un bel étalon noir au beau milieu des plaines immenses du Wyoming. Le sommeil commença à s’emparer d’elle. Putain de décalage horaire ! La jeune femme se dirigea vers la salle de bain et s’aspergea d’eau froide afin de résister à l’envie d’une sieste ; elle avait encore un dernier objectif à atteindre.

Shana se rendit dans le Gym Club à côté de la station de métro 82nd Street-Jackson Heights, sur la ligne 7. Fichtre, 70 $ par mois ! Joe lui avait parlé la veille d’un YMCA de Midtown qui pratiquait des tarifs beaucoup plus abordables pour son porte-monnaie, à 30 $ par mois, et qui avait un équipement dernier cri. Elle irait peut-être y jeter un œil plus tard, mais pour l’heure, Shana prit le métro jusqu’à Grand Central puis direction Central Park. Son but caché était de tâter le terrain auprès des dogwalkers, mais arrivée sur place, Shana n’était plus aussi motivée pour leur demander des conseils. Elle avait juste envie de se promener et de profiter du beau temps. Elle descendit finalement la 7e avenue où elle acheta une salade à emporter dans un saladbar. La belle rouquine maîtrisait à la perfection le système du paiement au poids, même si la tentation était grande. Elle raffolait des macaroni & cheese, bien gras et bien lourds. La seule entorse à son régime fut un morceau de banane plantain qui donnait un côté sucré et doré à sa jolie composition. Sa frénésie de la malbouffe s’achevait petit à petit. Il ne lui semblait plus nécessaire de se remplir la panse à s’en rendre malade.

Shana continua sa virée sur la 7e avenue, aussi connue sous le nom de Fashion Avenue, en direction de Downtown. Les portes du Musée de la Mode l’invitèrent à pénétrer dans son antre gratuit. NYC regorgeait de musées et autres lieux ou événements gracieux. La seule chose était de savoir où et quand, et Shana était devenue, au fil des années, une experte à ce petit jeu. Elle n’avait encore jamais visité ce musée et elle prit le temps nécessaire pour le découvrir. Un peu petit et léger en explications, mais sympathique. Shana, en bonne fashionista, avait salivé devant les créations des couturiers français Jean Patou, Dior et Chanel. Dommage qu’elle n’eut aucune aptitude pour la couture. La jeune femme se contentait d’acheter ses vêtements dans les boutiques de seconde main parisiennes ou dans les Charity Shops de Brighton, en Angleterre. À ne pas confondre avec Brighton Beach à Brooklyn où un après-midi, Shana, qui prenait tranquillement le soleil sur cette plage, fut interpelée par un badaud boiteux.

Malgré son oreille bien tendue, la jolie rousse n’avait pas compris sur le moment qu’il s’adressait à elle en russe. À New York, tout le monde parlait avec un accent alors on devenait tolérant. Quand l’homme fut assez près, Shana lui signifia qu’elle ne comprenait pas un traître mot de ce qu’il disait et qu’elle n’était pas russe. Le boiteux lui avait alors proposé de l’acheter à son père et de l’emmener vivre chez lui en Sibérie. La jeune femme éclata de rire, mais le Russe était très sérieux et brandissait sa canne menaçante. Lorsque Shana s’aperçut de sa méprise, elle courut le plus vite possible dans le sable mou en direction de la ligne Q du métro aérien…

Shana poussa la porte d’un centre d’épilation laser, ouvert 24 heures sur 24, qu’elle avait repéré plus tôt sur le net. Elle se laissa rapidement convaincre pour une épilation des dessous-de-bras. Pour le reste, elle verrait plus tard. Ne sachant pas comment sa peau allait réagir, elle avait préféré commencer par une petite surface, au cas où. L’expérience fut étrange : rasage de la zone en profondeur, application d’un produit gluant et glacé avant l’envoi de flashes de lumière pendant cinq minutes. Shana était douillette, mais là elle n’avait rien senti à part un léger picotement. L’esthéticienne lui expliqua qu’elle aurait certainement de petites croutes, à ne pas gratter, et que ses poils repousseraient normalement après cette séance. Mais d’ici deux semaines, comme par magie, ils auraient disparu pour toujours sans qu’elle s’en rende compte.

Quoi de plus vivifiant que de prendre le Staten Island Ferry pour se remettre de ses émotions et admirer la plus belle vue du monde : Manhattan et ses gratte-ciel au soleil couchant. Dommage, Shana arriva un peu trop tard, l’astre de lumière venait tout juste de s’endormir. Des voyageurs de tous horizons empruntaient régulièrement cette ligne de transport gratuite. On y croisait aussi bien des travailleurs rentrant chez eux que des touristes mitraillant la statue de la Liberté ou d’étranges auras qui s’agglutinaient sur le pont comme ces deux femmes assises non loin de Shana.

L’une d’elles était grande avec des taches de rousseur et la peau laiteuse, certainement d’origine irlandaise, mais Shana n’osa lui demander confirmation tant elle l’impressionnait par sa froideur et sa raideur. L’autre femme avec les cheveux noirs bouclés n’en finissait plus de fixer les gratte-ciel tout en noircissant les pages d’un petit carnet en cuir relié. Elle portait une élégante voilette qui couvrait partiellement son visage pâle. Shana aurait bien aimé savoir où elle avait acheté cet accessoire de beauté original, mais son tout nouveau téléphone portable vibra. Elle s’écarta des deux belles afin de ne pas les déranger avec sa conversation. Joe lui donnait rendez-vous dans le quartier de Union Square pour boire un verre après sa séance de gym. Le timing était parfait !

Arrivée avec un peu d’avance, Shana se dirigea vers une boutique DSW, son fournisseur de chaussures préféré. Elle savait très bien qu’elle ne se contenterait pas de juste jeter un œil. Carrie Bradshaw avait de nouveau envahi le corps de Shana. Son shopping achevé, elle rejoignit Joe à l’XES, un bar gay avec patio en fond de cour. Ils trinquèrent au Gin Fizz, pour elle et à la Margarita fraises glacées, pour lui. Happy Hour oblige, ils devinrent très vite euphoriques. Plus ils papotaient et plus ils voyaient à quel point ils étaient toujours sur la même longueur d’onde avec des visions de vie similaires. Au bout du énième verre, il était grand temps de rentrer dans le Queens pour dévorer un bon arroz con pollo (du poulet au riz) arrosé d’un pichet de sangria. Alors qu’ils franchissaient le pas de la porte, ils croisèrent l’ex de Joe, un très beau Portoricain, venu s’encanailler avec ses nouveaux amis. Joe se dirigea directement vers la station de métro sans même attendre Shana qui dut se contenter d’un échange de bises rapide, mais courtois avec le bel hispanique. Oups ! Le monde était parfois bien trop petit.

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