Dogra Magra

Une sacrée claque.

Toujours dans l'idée de découvrir un peu plus la littérature japonaise, je me suis lancée dans la lecture de ce passionnant roman... philosophique ? policier ? scientifique ? psychologique ? cette pièce de théâtre ? Difficile de qualifier cet ouvrage, même quelques jours après l'avoir terminé, tant il brise les codes. La narration est extrêmement variée. Le style peut paraître assez déroutant de prime abord, l'écrivain employant des techniques littéraires très variées, oscillant entre les simples onomatopées et les phrases longues d'une page, réflexions personnelles et passages plus scientifiques. Pourtant, il est difficile de décrocher de sa lecture : mêmes les discours les plus complexes des personnages sont rédigés de manière à nous fasciner, à nous maintenir en haleine. Distinguer le vrai du faux, la mise en abyme du "premier plan" relève d'un véritable défi. Paradoxalement, la meilleure manière de lire ce livre est de lâcher prise, se laisser porter par le flot de dialogues, de monologues et d'histoires variées.

Quoiqu'il en soit, le résumé a tenu sa promesse : ce récit surréaliste ne laisse pas indemne.

Un jeune patient se réveille subitement en pleine nuit dans une chambre d'hôpital psychiatrique. Amnésique, il découvre, grâce au docteur Wakabayashi, doyen de la faculté de médecine où il se trouve enfermé, que sa présence n'est pas due au hasard. Sujet d'une expérience psychiatrique menée par le brillant professeur Masaki, le narrateur serait aussi lié à une étrange affaire criminelle à nulle autre comparable, puisque l'arme du crime serait la psychologie. Et seul le narrateur est en mesure d'identifier le criminel. Mais pour cela, il lui faut d'abord retrouver ses souvenirs, à commencer par son nom.

Moins dérangeant que dérangé, ce roman très finement construit joue avec la dépendance du.de la lecteur.rice vis-à-vis du narrateur et des informations que celui-ci reçoit de ses différents interlocuteurs pour comprendre l'enjeu de l'affaire criminelle. Entre les apparentes contradictions des discours de Wakabayashi et Masaki, les informations importantes suggérées plus que dites, et les différentes fausses pistes du roman, le.la lecteur.rice a de quoi se perdre dans de très nombreuses hypothèses qui seront toutes réfutées à un moment ou un autre - sauf, bien évidemment, la véritable piste. Jusqu'à ces dernières pages où la vérité éclate enfin dans toute sa cruauté.

Le charme de ce roman réside sans aucun doute dans la construction de la psychologie du narrateur : elle se construit tout au long du roman et explique, en fin de compte, pourquoi cette œuvre a été construite de la sorte. Et notamment pourquoi l'auteur y a inséré près de 400 pages de documents écrits de la main de Masaki, et qui sont parfois difficiles à lire.

C'est peut-être juste ce passage que j'ai le moins apprécié : ces documents, à l'exception du testament, sont plutôt difficiles à lire et à comprendre. On trouve une difficulté particulière dans le premier texte, où la forme est particulièrement hachée par des points insérés un peu partout dans les phrases. J'ai bien failli lâcher à ce moment-là, et le retour à la narration normale a été très bien accueilli.

On comprend donc que ce roman soit considéré comme une œuvre majeure : très original, on voit que rien n'a été laissé au hasard, et il peut laisser à son lecteur ou sa lectrice de très nombreuses interrogations. Il reste cependant très long et pas toujours très simple d'accès : mieux vaut être bien accroché.e et prêt.e à lire des théories psychologiques parfois alambiquées.