Extraits

Malgré sa carapace en titane, je pouvais ressentir sa souffrance aussi clairement que la mienne.

Et elle était sans fond.

Un abîme de noirceur, froid et dangereux.

— Lâche-moi, lançai-je, les larmes aux yeux.

Je ne savais plus où j’en étais. Je refusais de céder totalement à la petite voix du pardon.

Sans lui, Franco serait encore là.

Mais sans lui, je ne serais plus tout à fait moi, non plus.

Il avait pris, sans crier gare, une place dans mon cœur et je haïssais cette infime partie de moi. Je la maudissais. J’aurais voulu la brûler pour n’en garder que des cendres minuscules, mais j’avais l’impression que le feu ne faisait qu’alimenter sa puissance.

Bon sang, ce que je ressentais pour cet homme était un véritable supplice, mon corps tremblait d’un désir que mon esprit refusait et la folie n’allait pas tarder à me gagner si nos chemins continuaient à se croiser.

Sa prise sur mon poignet se fit moins dure, mais il ne le lâcha pas pour autant.

— Tu me fais mal, insistai-je.

Il me rendit enfin la liberté. Je pouvais encore sentir la morsure de ses doigts brûlants sur ma peau. Et, le pire, c’est que je rêvais de la sentir à nouveau. Sur mon poignet, sur mon bras, sur mon épaule, dans mon cou. Partout où ses mains pouvaient se poser et où ma peau pouvait l’accueillir.

— Je peux savoir ce que tu fous chez moi ?

Je ne l’avais pas entendu arriver. Il était ninja ou quoi ?

Je déglutis difficilement et essayai de me soustraire furtivement de son emprise. Peine perdue. Son corps trempé par la pluie se moulait au mien de façon si étroite que je ne pouvais tenter la moindre esquive. Sa main gauche pressait ma hanche avec fermeté tandis que l’autre tenait un pistolet contre mon cou. MON pistolet, soit dit en passant.

— Je me suis perdue, rétorquai-je d’un ton mauvais pour dissimuler l’angoisse qui atteignait son paroxysme.

— Qu’est-ce que tu cherches exactement, petite fouine ?

Le souffle court, je me concentrai sur la sensation désagréable du canon qui rayait ma peau et sursautai lorsqu’un léger cliquetis métallique se fit entendre.

— Le nom de ton pote et mon flingue, répondis-je aussitôt pour ne pas en rajouter à sa colère.

— Tu ne trouveras rien de tout ça ici.

Le silence se fit entre nous. Je ne savais plus quoi dire pour ma défense et, apparemment, lui non plus ne trouvait pas ses mots.

— O.K., lançai-je dans l’espoir de couper court à ce malaise entre nous. Alors on va faire quoi ?

— Je réfléchis.

— Tu comptes me buter ?

— Ça fait partie des alternatives.

Son torse se gonflait dans mon dos à une allure folle. J’imaginais son esprit peser le pour et le contre, et juger de ma sentence.

— Comment as-tu su que j’étais là ? m’enquis-je, espérant le faire penser à autre chose.

— Tu demanderas à ton espion d’être plus discret la prochaine fois qu’il te téléphonera.

Benji…

Cet idiot avait dû trouver opportun de m’appeler à quelques mètres de sa cible, caché entre un ficus et un yucca dégarnis.

— S’il y a une prochaine fois, c’est que tu comptes me laisser en vie.

— T’es vraiment la pire emmerdeuse que je connaisse.

— Qu’est-ce qui te retient d’appuyer sur la détente alors ?

— Je me le demande encore.