Extraits

Pour la première fois, je perçois que je ne suis pas seulement, à ses yeux, la femme qu’il aime mais également l’élixir, la seule et unique cure qu’il existe contre le vampirisme, le remède à tous ses maux.

Il lui suffirait de me tuer pour connaître enfin le repos. Il le sait. Une part de lui en meurt d’envie.

Pour la première fois, grâce au sortilège qui nous unit, je comprends qu’il n’y a rien au monde que Ben veuille autant que redevenir humain.

Et cela me glace d'effroi.

Comment peut-on à la fois aimer quelqu'un et vouloir sa mort ?

– Gloria, tente-t-il de me raisonner, c’est ton esprit qui n’a pas voulu du mien ce soir-là. Et c’est ce que tu fais tout le temps ! s’indigne-t-il. Tu me dis que tu ne feras plus rien sans me consulter, puis tu vas voir mon frère ! Je pense que tu es avec Moïra, et en fait tu es en train de te faire drainer dans une chambre d’hôtel ! Je me fiche que tu sois à moi corps et âme, je l’ai accepté dès que j’ai posé mes yeux sur toi. Je suis prêt à t’aimer inconditionnellement sans forcément être aimé en retour. C’est déjà miraculeux que tu veuilles bien de moi dans ta vie. Mais c’est toi qui n’étais pas prête à me faire de la place, et non l’inverse.

Je tombe des nues. Je ne peux pas y croire. Et pourtant Ben a l’air tellement sûr de ce qu’il avance !

– Tu veux que je te le prouve ? me demande-t-il en devinant mon scepticisme. Très bien Gloria, recommençons. Recommençons tout de suite.

– Il nous faut l’aide des autres, je proteste.

– Tu vois ? dit-il en se relevant et en faisant les cent pas. C’est toi qui n’as pas confiance. Moi je sais que la force de mon amour suffit à exécuter ce sortilège.

– Hey Gloria... Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi pleures-tu mon amour ?

– C’est... c’est trop dur, je sanglote. Je sais que je devrais chérir chaque moment que tu m’accordes, chaque mot tendre, chaque caresse mais...

– Mais ? demande-t-il le souffle court en enfouissant son visage dans ma nuque.

– Mais j’espérais tant que tu ressentes pour moi la même chose que ce que j’éprouve pour toi, je confesse en hoquetant. Tu m’as dit que j’étais l’amour de ta vie et je t’ai cru. Vaniteuse, stupide comme je le suis, j’ai voulu te croire. Et d’avoir découvert l’autre jour que ce n’était pas le cas... !

– Comment ça ? me demande Benjamin d’une voix douce en se détachant de moi. Gloria, insiste-t-il en attrapant mon menton, qu’est-ce que tu racontes ?

– Le sort, j'explique en reniflant. Je t’avais dit qu'il ne pouvait se pratiquer que dans un contexte d’amour absolu et de parfaite confiance. Mais au moment d’entrer dans ma tête, tu as... tu as renoncé.

– Moi, j’ai renoncé ? s’exclame Benjamin l’air interloqué.

– Oui ! j'insiste. Tu étais là, tout près, je pouvais sentir chaque fibre de ton être sur le point de pénétrer mon corps. Et puis d’un coup, plus rien. Tu as battu en retraite.

– Gloria, dit-il d’une voix ferme mais douce, il est important que tu m’écoutes attentivement. Je n’ai pas fait demi-tour ce soir-là. J’étais prêt, comme tu l’as souligné. Mais je n’ai pas pu...

– Pourquoi ? je lui demande désespérée. Pourquoi ne voulais-tu pas fusionner avec moi ? Tu ne m’aimes pas assez, c’est ça ?

– Mais Gloria... réplique Ben en écarquillant les yeux. C’est toi qui ne m’as pas laissé entrer ! Et comme je te le disais il y a quelques minutes, je l’accepte. Je peux gérer ton besoin de ne pas te livrer totalement, je sais que cela vient d'un traumatisme encore récent pour toi. Si cela doit t’empêcher de me faire absolument confiance ce n’est pas grave, de la confiance, j’en ai pour deux. Et je t’aime telle que tu es mon amour. Avec tes peurs, tes réticences et tes zones d’ombre.

– Gloria Robin, je t’aime. Je n’ai jamais aimé que toi. Tu es ma destinée.

– Ne dis pas ça, Benjamin...

Son visage prend une expression tragique.

– Il va falloir que nous parlions de ce qui s’est passé durant le rituel, mon amour, me dit-il en me tenant un peu plus fermement, au point que j’en suis toute chavirée. Je n’en peux plus de ce silence.

– Nous parlerons de tout ça une fois que Matthew aura pris sa décision, le bien ou le mal, je réponds en me dégageant à contrecœur. C’est ça la priorité pour l’instant, j'ajoute en tâchant de me montrer courageuse et raisonnable.

– Mais ça me tue Gloria ! Cette gêne entre nous, ta distance... Je souffre, tu ne le vois pas ? Je souffre à en crever.

– Mon amour, dis-je en caressant sa joue et en essayant de ne pas trembler, ta famille est ta priorité. Tu dois te concentrer sur ceux que...

Ceux que tu aimes vraiment.

– Mon amour, je te remercie de vouloir nous aider, dit-il en glissant une main virile au creux de ma cambrure, ce contact si intime, si sensuel, fendille un peu plus mon cœur ébréché. Il existe d’autres moyens. Les sorcières du coven de Livia ont déjà disposé de ton corps comme elles l’entendaient en te jetant ce sort qui ferait de toi la cure contre le vampirisme. Je ne laisserai pas cela se reproduire, de quelque manière que ce soit.

– Alors comment vas-tu faire ?

– Si je n’ai pas le choix, je le laisserai repartir. Mais je pense qu’il serait plus sage que tu annules le pouvoir de son talisman et que tu récupères ce médaillon. Je sais à quel point il est important à tes yeux et je m’en veux déjà terriblement de t’avoir laissée le lui donner.

– Ben, j'argumente, je pense au contraire que ça peut être bon pour Matthew. Il a besoin de sentir que des personnes le soutiennent et lui font confiance.

– Oui Gloria, mais c’est un pari risqué. S’il tue...

– ... j’en serai responsable, je sais Benjamin. Mais il y a une chose en laquelle je crois plus que tout, c’est ta capacité à sauver les gens d’eux-mêmes. Tu es la personne la plus entière, la plus courageuse et la plus solide que je connaisse. Tu trouveras un moyen de ramener Matthew, j’en suis certaine. Mon sang n’était que le coup de pouce...

Le climat entre Benjamin est moi est délétère. Bien qu’il fasse des efforts pour se montrer tendre et prévenant, je peux sentir sa déception et cela m’est intolérable.

Je voulais réussir à être digne de toi Ben. Je le voulais si fort...

Mais ce n’était que des rêveries de gamine. J’aurais dû savoir, rien qu’à le regarder, qu’il ne pourrait jamais m’aimer autant que je l’aime. Je ne suis pas digne de lui. Avec mon visage ordinaire, mes cheveux fillasses, mon look de garçon manqué, mon corps trop maigre, mes genoux en dedans, mes t-shirts débiles de groupes de musique et mes chansons insipides... Je ne suis rien, Matthew disait vrai. J’aimerais penser à autre chose qu’à ma peur de perdre Benjamin, en train de dormir sur le canapé du salon, mais je ne le peux pas.

36 heures ont passé depuis que nous avons essayé de lier nos esprits. Benjamin a passé ces 36 heures au chevet de son frère pour m’éviter suite à l’échec du sortilège.

Et cela fait 36 interminables heures que j’ai compris que Benjamin Marlowe ne m’aimait pas autant qu’il le croyait.

La douleur est immense, fulgurante.

Mais qu’est-ce que j’espérais ? C’est déjà énorme que Ben m’ait choisie, qu’il ait décidé de me donner le privilège de ses jours et de ses nuits. Cela signifie qu’il m’aime malgré tout.

Mais une part de lui pense que je ne suis pas son âme sœur.

Je n’ai pas d’autre choix que d’accepter cette réalité pour profiter au mieux de ce qui m’est donné et, pour ma part, de continuer à aimer Benjamin de tout mon cœur. Du moins, tant que je suis sur cette terre... Car le temps va passer et nous séparer. Nous nous sommes bercés d’illusions tous les deux, notre amour n’est pas, contrairement à Ben, immortel.

Au moins j'aurais eu l’immense privilège de partager sa vie.

Une part de lui doute de son amour pour moi.

– Ben ! Ben ! je m’écrie en déboulant au beau milieu du salon.

Pas de réponse.

– Ben ?

Mince, il n’est pas là ! Peut-être est-il juste en dessous, au studio ? Je presse le bouton de l’interphone qui permet de communiquer d’un étage à l’autre.

– Ben, tu es là ?

– Gloria ?

Ouf !

– Gloria, qu’est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu passais la journée avec Moïra ?

– Ben, il faut que tu viennes avec moi. Retrouve-moi immédiatement dans le hall de l’immeuble. Et préviens Sam pour qu'il sorte la berline aux vitres teintées du garage, on va en avoir besoin.

– Gloria... ? me demande-t-il surpris et hésitant.

Encore une fois, j’ai agi dans son dos. Je n’aurais pas dû, je le sais... Mais ce qui est fait est fait. Il faudra bien que j’assume les conséquences de mes actes mais seulement quand j’aurai mis Matthew en sécurité et délivré Benjamin du poids de son passé.

– Gloria, reprend-il sans que j’aie besoin d’insister, je serai en bas dans deux minutes. Le temps de fermer le studio.

Vivienne, Benjamin, Matthew et Sofia sont réunis. Vivienne prend Benjamin à part pour le conditionner et lui ordonner de tuer la jeune femme grâce à ses pouvoirs. Mais ça ne fonctionne pas, quelque chose en Ben résiste. Alors, avec cruauté, à la vitesse de l’éclair, elle s’empare d’une dague et entaille le bras de Sofia. Ben, sentant l’odeur du sang, ne se contrôle plus. Il se rue sur l’amante de son frère et plante ses crocs en elle. Matthew hurle et se précipite sur eux mais il est trop tard. Ben, excité par le sang et manipulé par Vivienne, a déjà drainé Sofia. Ahuri, il allonge sa dépouille au sol, jette un regard désemparé à son frère puis tombe à genoux, mortifié.