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CONNAÎTRE
Alors sept hommes sont venus
Avec les tables de la loi,
Les logarithmes, l'esthétique,
L'anatomie et la grammaire,
La logique et l'astronomie.
Leur grande bouche s'est ouverte
Et les entrailles du savoir
Evaporaient l'ambre et le soufre
Et sur leurs dents blanches et noires
L'enfant appris le jeu de l'orgue.
Il était loin le chant des feuilles,
Muette était l'aile,
Déserte l'odeur des papillons
Sous la suie de l'oubli.
Mais le grand Chambellan des Secrets Surpris
Et le Parfumeur des Momies,
Et le Puisatier des Chimies
Allumèrent une immense bougie.
C'était l'hiver et les cloches sonnaient sur le désert des caravanes englouties.
Parle, dit le Suprême Bourreau des Insomnies.
Et l'enfant récita une fable :
Je suis,
Tu es,
Il est,
Nous sommes,
Vous êtes,
Ils sont.
Morale :
Être.
Afficher en entierSTROPHES DE L'AMOUR
Oui tu cueillais les roses
Où les vertes cétoines
S'enfoncent dans l'ivresse
Au cœur de miel solaire.
Sur toi le rossignol
Epaississait la nuit,
La trouait de mesure
Au nombre des étoiles.
Ta main nouait aux nues
La chevelure éparse
Des palmes et des cèdres
Pour lier le voyage.
A la fourmi terrestre,
A l'éolienne aronde
Tu proposais la voie
Ardente des chimères.
Mais soudain clos les portes,
Tiens ton cœur et les lèvres,
Retire-toi du monde
Au couvent du silence ;
Au dehors se déroule
Le destin des ténèbres.
La rose et la cétoine,
L'oiseau et les étoiles.
La nue et les grands arbres
Voués au cycle noir,
Cruel, aveugle et sourd,
Qu'est-ce sans ton amour ?
Terrible cours sans nom,
Fleuve sans océan,
Face visible et froide
Du manque infigurable.
Toi seul vois l'apparence,
Toi seul fais le langage,
Toi seul as l'espérance,
Toi seul invente Dieu.
Car rien n'est qu'apparence,
Et rien n'est que langage,
Il n'est pas d'espérance,
Ininventable est Dieu.
Et toi, qui serais-tu
Si tu n'avais l'amour ?
Afficher en entierAU POETE
Ne chante pas ainsi, poète, de ta triste voix fêlée,
On dirait le vent de novembre brassant les feuilles tombées.
Qui écoute ? Chacun s'en va par un chemin de traverse,
Le regard vers soi tourné, l'haleine retenue et les lèvres durcies,
On sait ce qu'est la vie, c'est le temps des épreuves et les météores
On rebondi de saison en saison, feu dans la glace et glace dans le feu
Le soleil lui-même n'était plus qu'une immense tâche dévorante
Et la hallebarde de l'hiver boréal l'a tranché tandis qu'un hoquet sans trêve
Secouait les viscères malades des grands volcans engourdis.
...
Par ce ciel lourd et bas, ce ciel de poussière et de sueur
Où vont les gens en peur.
Afficher en entierDes hommes au silence
SE CONFONDRE
De rien, choses, naissez, cruelles apparences,
Néant, vieux magasin, prends ton enseigne visible.
Et toi, bel univers, si vieux, si jeune, ô monde inconnu,
Tu prendras ta place
Dans les draps de mon sang, dans les plis de mes mains,
Sur la paix de mes lèvres,
Je tâcherai de naître à tes apparences,
Je t'interrogerai comme il se doit,
Je t'aimerai pour toi.
Je ne serai rien, je serai tout,
Une herbe, un éphémère, un air,
Bételgeuse, une voix ―
Non, rien,
Le vide, et ta vue.
p.190
Afficher en entierPrésence de l'absence
Comparaissez, mes hôtes,
Et sortez des ténèbres,
C'est le temps des fantômes,
Des pâtures de l'ombre,
Venez à la lumière
Avec des mains de vie,
Avec des yeux de larmes
Au seuil de la blessure
Qu'a faite au coeur de l'homme
L'originelle épée.
Il y a la brûlure,
Le sel et l'univers,
Venez blêmes figures,
Venez , vapeurs de sang
Par le temps délavées,
Terribles regards vifs
Perçant des formes mortes,
Mes joies et mes remords,
Ma faiblesse et ma force,
Paraissez, mes lambeaux
De chair toute saignante,
Paraissez devant moi,
Aussi devant moi-même,
Tel suis-je ma présence
Me tenant par la main,
Sur le mortel chemin
De la future absence,
Définitive absence.
...
p117-118
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