Eisenhorn, tome 4 : Portes disparus

J’ai perdu ma main gauche sur Sameter. Voici comment c’est arrivé.

Le treize sagittar (calendrier local), trois jours avant le solstice, un évangéliste itinérant du nom de Lazio Mombril fut retrouvé sur les Hauteurs Médianes de la ville d’Urbitane. L’homme errait hébété sur le toit d’une tannerie désaffectée, privé de ses yeux, de sa langue, de son nez et de ses deux mains.

Urbitane est la deuxième ville de Sameter, une planète vouée à une industrie agrochimique sur le déclin dans le sous-secteur d’Helican, et les sévices n’y sont pas rares. Une cruauté inhérente au dépit occasionné par les vicissitudes d’une vie faite de mauvaises conditions et de privations sociales ; lot commun des habitants d’une agglomération surpeuplée, contraints de vivre les uns sur les autres. Mais cet acte de sauvagerie se distinguait pour deux raisons. Premièrement, ce n’était ni un crime passionnel ni un homicide involontaire post beuverie, mais un acte de mutilation sadique, quasi rituel, délibérément et méthodiquement perpétré.

Deuxièmement, c’était le quatrième crime de ce genre répertorié ce mois-ci.

Je n’étais sur Sameter que depuis trois semaines, enquêtant à la demande du Seigneur Inquisiteur Rorken sur les liens existant entre une fédération du commerce corrompue et un mouvement sécessionniste basé sur Hesperus. La piste n’avait rien donné : le bourbier économique d’Urbitane avait simplement forcé la fédération à faire du business, sans garantie aucune, avec des capitaines de vaisseau sans scrupules, et le nœud de l’affaire nous ramenait sur Hesperus. Mais je crois que c’était surtout pour le Seigneur Inquisiteur une manière de me faire reprendre en douceur du service, après la longue et pénible affaire du Nécroteuch.