Extraits

Sur le trajet du retour, elle a pris son Walkman sans rechigner. Et sans qu'il ait besoin de lui mettre le casque sur les oreilles. À l'arrêt avant le sien, elle lui a redonné.

- Tu peux le prendre, dit-il à voix basse. Pour écouter le reste de la cassette.

- Je ne veux pas le casser.

- Tu ne vas pas le casser.

- Je ne veux pas vider toutes les piles.

- Je m'en fous des piles.

"Tina était tellement fine, Park pouvait probablement passer ses bras autour d'elle et joindre ses deux mains autour de sa taille."

"A la seconde où Park avait touché sa taille, elle avait rentré le ventre et s'était penchée en avant. Ce qui avait provoqué les dommages collatéraux... Ce qui lui donnait l'impression d'être Godzilla. (Mais même Godzilla n'était pas gros. Il était juste gigantesque.)

La plus fou dans tout ça, c'est qu'Eleanor avait envie que Park la touche encore. Elle avait envie qu'il n'arrête pas de la toucher. Même si Park devait finalement se rendre compte qu'elle ressemblait bien trop à un morse pour être sa copine..."

"Elle lui manquait...

Allez savoir ce qui lui manquait exactement. Le fait qu'elle soit grosse, ou bizarre. Le fait qu'elle soit incapable de s'adresser à lui comme le commun des mortels. Peu importe."

« - Roméo et Juliette sont juste deux gosses de riches qui ont toujours eu ce qu'ils voulaient. Et maintenant, ils croient qu'ils se veulent l'un l'autre.

- Ils sont amoureux, a rétorqué Stessman, la main sur le coeur.

- Ils ne se connaissent même pas.

- Ils se sont aimés au premier regard.

- C'était plutôt : « Oh ! mon Dieu, elle l'a trouvé mignon» au premier regard. Si Shakespeare voulait nous faire croire qu'ils sont amoureux, il ne dirait pas, pratiquement dès la première scène, que Roméo en pince pour Rosaline… Shakespeare se moque de l'amour.

- Alors pourquoi ce texte a-t-il survécu ?

- Je ne sais pas, parce que Shakespeare est un très bon écrivain peut être ?

- Non! s'est rebiffé Stessman. Quelqu'un d'autre, avec un coeur ? Monsieur Sheridan, dites-moi ce qui bat dans votre poitrine ? Dites-nous, pourquoi Roméo et Juliette ont-ils survécu quatre cents ans ?

Park détestait parler en classe. Eleanor lui a lancé un regard noir, avant de tourner la tête. Il s'est senti rougir.

- Parce que…, a t-il commencé à voix basse, les yeux fixés sur sa table, parce que les gens aiment se rappeler ce que c'est d'être jeunes, et amoureux ? »

P.56-57

- J'ai une dégaine de clodo ?

- Pire. D'un clown clodo.

- Et ça te plaît ?

- J'adore.

Il a à peine dit ça qu'un grand sourire a illuminé son visage. Et quand Eleanor souriait, quelque chose se brisait à l'intérieur de lui.

À chaque fois.

"Eleanor ne pourrait jouer que la scène où l'actrice se pince un centimètre de peau, avant de se tourner vers la caméra comme si c'était la fin du monde.

A vrai dire, elle devrait perdre du poids pour être dans cette scène. On pouvait facilement pincer un centimètre, ou deux ou trois, de peau sur son corps tout entier. Même sur son front."

" - Je vais te poser plein de questions personnelles, a-t-il dit en se penchant vers elle. J'ai fait une liste.

- Je n'ai pas peur de ta liste.

- Elle est extrêmement longue, et très intime.

- J'espère que tu n'attends pas de réponses...

Il s'est remis droit sur la banquette avant de la dévisager.

- J'aimerais bien que tu t'en ailles, murmura-t-il, pour qu'on puisse enfin parler."

"- On ne l'a jamais appelé comme ça. T'as vraiment l'impression que c'est ton papa?

- Je ne sais pas, a soufflé Ben platement. C'est censé faire quelle impression un papa?"

Il comprenait pourquoi Eleanor se donnait autant de mal pour avoir l'air différente. En quelque sorte. Peut-être parce qu'elle était différente, et qu'elle n'avait pas peur de l'être. (Ou peut-être qu'elle avait encore plus peur d'être comme tout le monde.)