-J’ai mes raisons. Admettons que nous soyons deux personnages nés de l’imaginaire d’un écrivain, une femme par exemple.
-Pourquoi une femme plutôt qu’un homme?
-Parce qu’elles se remettent plus facilement en question. imaginez encore qu’au milieu du récit et au moment d’attaquer un nouveau chapitre, cette écrivaine soit prise d’un doute. Elle s’est trompée sur ma personne, ou plutôt sur mon physique, et d’un trait de crayon ou de plume, elle décide de me vieillir. Est-ce que cela changerait tout?
-Si tu peux intervenir, je préférerais qu’elle me rajeunisse… Pourquoi souris-tu comme ça?
- Regardez la route, c’est plus prudent. Je souris parce que vous venez de souhaiter le contraire de ce que vous avez toujours cherché. Peut-être que je vous fais du bien.
-Mais les personnages de roman ne rêvent pas d’eux-mêmes, contrairement à nous.
-Ce qui nous ramène à ma question, pourquoi sont-ils plus libres que nous?
-c’est ton écrivaine qui leur offre cette liberté.
- Vous pensez que vous n'êtes pas maître de votre vie?

Adèle se rangea sur le bas-côté et se tourna vers Jérémy, avec étonnement. Aucun homme ne lui avait posé une question qui l’ait plongé dans une telle réflexion.

Oui elle comprenait enfin : Manolis n’avait pas été passionnément amoureux d’elle mais de l’idée d’un tel amour. À l’opposé Kyritsis donnait toute apparence de ne pas avoir conscience de ses propres sentiments. Il avait été bien trop accaparé par son travail.

Je revins vers la fenêtre pour scruter les affleurements de bleu au-dessus de nos têtes puis le flot de feuilles d’orme dans la rue, d’un jaune intense, et brusquement je me sentis surprise par ma propre vie. Comme elle s’était bizarrement organisée, de façon tellement différente de tout ce que j’avais imaginé. La fille du juge John Grimké - un patriote sudiste, propriétaire d’esclaves et aristocrate -, vivant dans cette austère demeure nordiste, célibataire, quaker, abolitionniste.

-Étrive-moi pas, j’ai pas l’écœur à ça. La Délima…, continue-t-il, la voix brisée. Délima m’fait la guerre. T’as ben vu!

-Moi, c’est pas ça que j’ai vu. J’ai vu une p’tite demoiselle qui osait pas t’envisager. Des larmes plein les yeux, j’gagerais. La vérité, c’est que Délima se morfond. Pis vient pas m’faire accroire que tu te morfonds pas, toi itou. T’as des cernes grands comme des soucoupes en d’sous des yeux!

Je le regarde longuement. Je pense à Ryle. Je pense à Atlas. Je pense combien, parfois, on a beau se convaincre que sa vie va suivre une certaine voie, toutes ces belles certitudes peuvent être balayées par un simple changement de marée.

J’étais un voyageur qui ne faisait que traverser l’époque sans y vivre vraiment.
Je n’avais plus les mots, je n’avais plus les codes.
J’étais largué, déphasé, dépassé par ce monde qui était de moins en moins le mien et qui me faisait peur.
Désormais, ma famille était mon seul ancrage.
Et mon seul horizon.

Il fit de nouveau face à la salle de bal, pas surpris de voir une ligne de prétendants qui attendaient pour remplir la carte de danse de Wren.
Elle fouilla son regard une dernière fois. Évitant de la regarder, il parcourut la salle des yeux pour trouver Malachi comme un autre homme menait Wren pour un reel. Les dernières paroles de Wren s’attardaient.

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« Nous parlons d’amour, de le reconnaître, de le rendre. »

Ils approchaient à présent de la galerie de derrière et le regard d’Ellie se posa sur sa mère, qui cousait à une extrémité du large porche. Elle fredonnait un cantique, sans les voir approcher, agréablement concentrée sur sa tâche. Tout en elle évoquait la grâce... la sérénité. Elle était l’image même d’une femme aimée.

« Oh! seigneur, je Vous en prie, faites que je ressemble à maman. »

Mais non... Tout en t'écrivant, et en me laissant aller à l'enthousiasme suscité par ces visions si neuves, je me dis que tu ne comprendrais pas à quel point tout cela est nécessaire pour l'Allemagne. Tu ne t'attacheras, je le sais, qu'aux ennuis de ton propre peuple. Tu refuseras de concevoir que quelques-uns doivent souffrir pour que des millions soient sauvés. Tu sera avant tout un juif qui pleurniche sur son peuple. Cela, je l'admets. C'est conforme au caractère sémite. Vous vous lamentez mais vous n'êtes pas assez courageux pour vous battre en retour. C'est pourquoi il y a des pogroms.

-Permettez-moi de faire ça pour vous, s’il vous plaît.

Vianne se figea, la hache en suspens.

Beck était tout près dans son pantalon bouffant et ses bottes, le torse couvert seulement d’un fin tee-shirt blanc. Ses joues pâles étaient rougies par sa séance de rasage du matin, et ses cheveux blonds étaient mouillés. Des gouttelettes tombaient sur son tee-shirt, dessinant un motif de petit soleils gris.

Alors que le chauffeur s’arrêtait devant Le numéro 5, le doute et l’inquiétude refirent surface. Et si, cette fois encore, Matthew n’était pas là?

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Emma se revit un an plus tôt et mesura le chemin parcouru.

Jusqu’où pouvait-on impunément déjouer les plans du destin? Quel serait le prix à payer pour avoir voulu défier les lois du temps et échapper à la fatalité?

Anthony fouilla dans la poche intérieure de son veston pour en extraire une pochette. Il la fit glisser sur la table jusqu’à Julia.
-Qu’est-ce que c’est?
-Deux billets pour Berlin, avec escale à Paris, il n’y a toujours pas de vol direct. Nous décollons à dix-sept heures, tu peux partir seule, ne pas y aller du tout, ou je peux t’accompagner, c’est à toi de décider ; ça aussi c’est nouveau, n’est-ce pas ?

Il pénétra avec élégance dans la pièce, comme si le fait d'entrer dans une chambre par une fenêtre était une chose tout a fait naturelle. Ses cheveux noirs étaient lissés de manière impeccable vers l'arrière et sa barbe naissante le rendait encore plus séduisant. Ses yeux qui semblaient noirs tellement il étaient sombres passèrent d'abord sur Rhys avant de se poser sur moi, au point que j'en oubliai complètement de respirer.

Finn Holmes venait de s'infiltrer dans ma chambre.