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À considérer le tas de cartouches de bombes lacrymogènes et de grenades lâchées ces derniers temps sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, on ne peut douter qu’il s’agisse d’une violence d’État. Tout pousse à s’indigner contre l’incompréhension des autorités devant l’originalité de la situation et à demander la suspension de ces procédures d’évacuation et de démantèlement. C’est pourtant une autre ligne que je voudrais suivre ici: si l’État est aveugle, c’est aussi à la ZAD, et surtout à ceux qui soutiennent les zadistes, d’enseigner à l’État comment il doit désormais se comporter quand la question des terrains de vie ou des territoires en lutte se trouve abordée. On objectera que ce n’est pas la responsabilité de ceux qui subissent la violence d’avoir une telle vision de leur rôle ; c’est aux autorités de savoir comment se comporter et quelle est la limite de leurs actions.
C’est peut-être vrai en général, mais pas dans ce cas particulier, puisque la ZAD de Notre-Dame-des-Landes a déjà enseigné à l’État français une leçon assez pénible: alors que toutes les procédures (enquêtes, expertises, référendum) qui caractérisaient un «État de droit» avaient conclu à la nécessité d’un aéroport, la décision finale a pourtant été de ne pas le construire. Les zadistes ont donc révélé un énorme trou dans les procédures de cet «État de droit»: l’alignement des formes de délibération et d’expertise ne prouve strictement rien sur la justesse d’une décision. La leçon est rude pour quelque gouvernement que ce soit, mais c’est une belle leçon de choses qui finit par une injonction finale: «Chers administrateurs et responsables des politiques de développement, il faut entièrement revoir la forme de toutes les procédures portant sur les aménagements fondés jusqu’ici sans trop de discussion sur les notions de “progrès” et de “développement”». On voit donc bien que cette victoire extraordinaire a déjà engagé les zadistes dans le rôle d’instituteurs de l’État: «Ne nous imposez pas vos solutions toutes faites, mais aidez-nous à concrétiser les leçons que nous tirons de notre expérience. Puisque vous ne savez pas vous-mêmes ce que veut dire “développer un territoire”, c’est à notre école qu’il faut accepter de vous mettre.»
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