En beauté

« ... Les tumeurs au cerveau sont des formes de cancer. Il existe environ cent trente espèces de tumeurs qui peuvent se développer à l’intérieur de la boîte crânienne. Tout néoplasme dans un organisme produit une tumeur. Une tumeur peut apparaître dans n’importe quelle partie du corps. On ignore les origines et les conditions nécessaires à leur développement. Les tumeurs sont des manifestations du vivant qui ne peuvent se produire que sur des organismes vivants. Les tumeurs ne se produisent pas sur des organismes morts. La naissance de la tumeur et sa croissance sont des phénomènes qui relèvent des lois du vivant. A l’intérieur d’un organisme vivant naissent des néoplasmes qui croissent et se multiplient, et qui détruisent la vie. Ce phénomène est régi par les lois du vivant. On ne peut séparer les notions de tumeur et de vie. C’est pourquoi le traitement est si particulièrement difficile. Résignez-vous à souffrir, et aidez la patiente à s’y préparer. »

Sur le coup, je n’ai pas compris pourquoi le médecin me racontait tout ça. Ça me paraissait être parler pour ne rien dire. Il avait dit quoi, après tout, que les morts n’ont pas de tumeur, qu’il n’y a que les vivants pour avoir des tumeurs, et que, si j’avais à peu près saisi, la tumeur, qui était du vivant, l’était sans l’être. Voilà ce que j’avais plus ou moins compris. C’étaient des banalités qui allaient de soi, mais, vu les circonstances, la banalité même de ces paroles m’avait rempli d’effroi. D’un effroi placide. L’évidence de telles banalités, c’était celle de leur fatalité. Juste après que ma femme est morte, à l’aube, quand on lui a retiré du bras l’aiguille qui lui perfusait la solution Ringer, quand j’ai vu à travers la fenêtre le matin embrumé sur la ville, j’ai su que ce que j’avais compris de la banalité de ses paroles n’était pas erroné.