Enceinte d'un séducteur

** Extrait offert par Heidi Rice **

1.

Le cœur battant, Juno Delamare scrutait le tableau d’affichage du terminal cinq de Heathrow lorsque l’arrivée du vol 155 en provenance de Los Angeles fut annoncée. Il arrivait !

Pour l’amour du ciel, ressaisis-toi.

Prenant une profonde inspiration, elle s’exhorta au calme. Elle devait être en possession de tous ses moyens quand Mac Brody, la coqueluche d’Hollywood, franchirait la porte des arrivées car elle s’était donnée pour mission de lui remettre l’invitation pour le mariage de sa meilleure amie, Daisy Dean, et surtout de le convaincre d’y assister.

Dans deux semaines, Daisy allait épouser le célèbre promoteur Connor Brody et Juno voulait profiter de cette occasion pour essayer de rapprocher les deux frères qui n’étaient plus en contact depuis de nombreuses années.

Daisy avait aidé Juno à reprendre sa vie en main six ans auparavant et celle-ci avait en retour la ferme intention de réussir son rôle de médiateur, même si elle ignorait encore comment y parvenir.

A présent que l’heure approchait, elle sentait la panique la gagner. Que se passerait-il s’il voyageait accompagné de gardes du corps ou refusait de prendre l’invitation ?

N’ayant pas l’intention de jouer la carte de la séduction elle savait qu’elle devait faire appel à la sensibilité de Mac Brody, si tant est qu’il en ait une.

Juno ne l’avait jamais rencontré, ni vu jouer dans aucun de ses films, mais elle se trouvait dans la vaste cuisine de Daisy deux semaines auparavant lorsque la lettre était arrivée… Elle avait alors eu un aperçu du caractère de Mac Brody.

D’après les quelques photos qu’elle avait vues de lui, il était certes séduisant, mais derrière ce physique de beau ténébreux à la virilité troublante se cachait un être égoïste, narcissique et arrogant.

Daisy, certaine que la lettre était porteuse de bonnes nouvelles, avait décacheté fébrilement l’enveloppe et extrait l’invitation qu’elle avait envoyée à Brody, accompagnée d’un mot de son agent l’informant que M. Cormac Brody n’assisterait pas au mariage de son frère Connor, et lui demandant de bien vouloir à l’avenir s’abstenir de le contacter.

Daisy en avait pleuré, ce qui lui arrivait rarement. Connor, un bras autour de ses épaules, lui avait expliqué que Mac avait le droit d’avoir ses propres sentiments tandis qu’eux ne pouvaient le forcer à une rencontre qu’il ne souhaitait pas. Pourtant, Juno l’avait surpris peu après en train de relire la lettre que son frère n’avait même pas eu la décence d’écrire lui-même, et avait perçu le chagrin et le regret qu’il tentait de dissimuler.

Juno s’accouda à la barrière, dévisageant chaque passager. Soudain, elle aperçut une grande silhouette portant une casquette de base-ball enfoncée jusqu’aux yeux, un jean délavé et un T-shirt moulant une poitrine musclée.

A sa façon de marcher elle le reconnut : il avait exactement la même démarche souple et féline que Connor. Elle le regarda avancer vers elle, tête baissée, les doigts crispés sur la poignée de son sac, semblant vouloir passer inaperçu.

Le cœur battant, elle se fraya un chemin à travers la foule afin de lui faire face à la sortie.

* * *

Mac Brody avait hâte de quitter Heathrow. Il n’avait jamais beaucoup aimé les aéroports et celui-ci en particulier lui rappelait de mauvais souvenirs. Trois ans plus tôt, les paparazzis lui avaient tendu en cet endroit même une embuscade. Il venait de rompre avec le top model Regina Saint Clair, laquelle s’était vengée en racontant à la presse qu’il n’était qu’un play-boy doublé d’un toxicomane.

Les élucubrations de Gina auraient pu être amusantes si la presse n’avait pas pris son histoire pour argent comptant, au point de le harceler pour obtenir sa réponse. Mais Cormac n’était pas du genre à régler ses comptes par presse interposée.

Sur le moment, il en avait terriblement voulu à Gina. A présent, il comprenait combien elle s’était bercée d’illusions, pensant que lui aussi était amoureux. Depuis cette mésaventure, il mettait toujours les choses au clair avant de fréquenter une jeune femme.

Il leva les yeux pour chercher la sortie et, n’apercevant aucun journaliste, poussa un soupir de soulagement. C’est alors qu’une petite silhouette surgissant de derrière un pilier vint se planter devant lui.

— Vous êtes bien Cormac Brody ?

— Baissez la voix, ordonna-t-il, vous allez attirer l’attention sur moi.

Heureusement, personne ne semblait avoir entendu.

— Je suis désolée, mais je dois vous parler, dit-elle d’un ton poli quoique décidé. C’est extrêmement important.

— Vraiment ?

Il connaissait la rengaine. Il aurait dû passer son chemin mais l’allure de garçon manqué de cette fille, son jean délavé et son T-shirt mettant en valeur ses courbes subtiles, sa taille fine et ses petits seins haut perchés lui semblèrent irrésistibles.

Des cheveux souples châtains très clair encadraient son fin visage dont la peau pâle et crémeuse ne portait aucun maquillage et au milieu duquel ressortaient d’étonnants yeux bleu-vert.

— Qu’avez-vous de si important à me dire ? demanda-t-il intrigué. Je suis pressé.

— Je n’ai que faire de votre condescendance, M. Brody.

— J’apprécierais que vous cessiez de répéter mon nom si fort, rétorqua-t-il surpris par cette repartie osée. Je ne souhaite pas me faire remarquer.

Il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule afin de s’assurer que personne n’avait entendu, et aperçut à ce moment Pete Danners.

— Bon sang !

Elle fronça les sourcils et allait se retourner lorsque, jetant son sac au sol, il la plaqua contre le pilier pour les dissimuler à la vue du même journaliste qui l’avait poursuivi sans relâche trois ans auparavant.

— Ne vous retournez pas, lui intima-t-il. Si cet homme me voit, mon voyage va virer au cauchemar.

* * *

Juno retint son souffle.

Que se passait-il ?

Elle était à présent collée contre le corps musclé de Cormac Brody et son odeur entêtante la faisait chavirer.

— Que faites-vous ? demanda-t-elle le souffle court.

Elle ne s’était pas retrouvée aussi près d’un homme depuis six ans et, malgré le choc, elle sentait une chaleur diffuse envahir chaque point où leurs corps étaient en contact.

Il recula légèrement sans cesser de regarder par-dessus son épaule. Elle prit une longue inspiration.

— Dieu merci, il est parti. A présent j’ai une dette envers vous, ma beauté.

— Je ne… peux pas respirer, bégaya-t-elle, agitée de tremblements.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il en la fixant de ses yeux d’un bleu incroyable.

Vous ! avait-elle envie de crier.

Il inclina la tête.

— Calmez-vous.

Elle sentit une main douce se poser sur son cou et son souffle s’altéra lorsque du pouce il traça le contour de sa bouche.

— Que diriez-vous d’essayer ceci ? murmura-t-il en approchant ses lèvres.

A l’instant où elles effleurèrent les siennes, son pouls s’emballa et un frisson de plaisir la parcourut.

Sa raison lui dictait de le repousser, mais lorsqu’elle posa ses paumes sur son T-shirt et sentit ses muscles frémir sous ses doigts elle ne put résister à l’envie de laisser ses mains s’aventurer sur le fin coton. Elle écarta les lèvres et au contact de sa langue une vague brûlante l’envahit, faisant durcir le bout de ses seins et réduisant à néant tout effort de pensée.

S’enhardissant, elle répondit à son baiser, le corps embrasé. Des doigts avides se glissèrent sous son T-shirt et elle se cambra contre lui, découvrant alors l’évidence de son désir.

Soudain, un brusque éclair de lucidité la ramena à la réalité.

Mais qu’est-ce que je fais ?

Elle se débattit, essayant de reprendre contenance. Mac s’écarta alors légèrement d’elle.

— Nous ferions mieux d’arrêter avant que la situation ne nous échappe.

Juno se raidit, furieuse de sa propre faiblesse.

Qu’est-ce qui lui avait pris ? Après six ans de célibat, elle venait d’embrasser un inconnu en plein milieu d’un hall d’aéroport !

— Cela vous dérangerait d’ôter votre main ? demanda-t-elle, consciente qu’il continuait de la caresser, tout près de son sein.

Il retira la main, mais la posa aussitôt sur sa hanche.

— Et si nous trouvions un endroit où poursuivre cela en toute intimité ?

Ecarlate, elle remit nerveusement son T-shirt dans son jean. Pour qui la prenait-il ?

Il posa un doigt sous son menton et lui releva la tête.

— Y a-t-il un problème ?

Un gros problème. Une nymphomane s’est emparée de mon corps.

— N… Non, aucun, bégaya-t-elle en se dégageant brusquement.

— En êtes-vous sûre ? Vous vous comportez bizarrement.

— Je dois partir.

Elle devait s’éloigner de cet homme si séduisant avant que la nymphomane ne se manifeste de nouveau.

Il lui attrapa le poignet.

— Hé, attendez un instant !

Elle chercha à retirer son bras mais sa poigne chaude se resserra.

— Je dois vraiment y aller.

— Vous ne pouvez pas embrasser un homme ainsi et simplement tourner les talons, dit-il parfaitement maître de lui. Qu’en est-il de cette chose si importante dont vous vouliez discuter avec moi ?

Oh ! Non ! L’invitation pour le mariage !

Comment avait-elle pu oublier la mission qu’elle s’était fixée ?

— Lâchez-moi d’abord. J’ai quelque chose pour vous.

— Je crois que cela ne fait aucun doute, rétorqua-t-il avec un sourire sensuel.

Elle rougit de plus belle, sentant la pointe de ses seins durcir malgré elle. Fichu Mac Brody. Comment pouvait-il avoir un tel effet sur elle ?

Elle lui prit le poignet et plaqua l’enveloppe dans sa paume retournée.

— Il s’agit d’une invitation pour le mariage de votre frère.

Le sourire de Mac disparut aussitôt.

— Elle vient de ma meilleure amie, Daisy, la fiancée de votre frère, ajouta-t-elle.

Elle crut distinguer une lueur dans son regard, mais elle disparut si vite qu’elle pensa avoir rêvé.

— Je n’ai pas de frère, répliqua-t-il en froissant l’enveloppe.

C’était là un scénario qu’elle n’avait pas envisagé.

— Bien sûr que si, rétorqua-t-elle, se demandant ce qui avait bien pu se passer entre eux.

Elle s’était juré de ne pas le supplier mais après ce qui venait d’arriver cela n’avait plus grande importance. Elle prit une profonde inspiration.

— Je vous en prie. Il faut que vous veniez. C’est très important.

— Pas pour moi, répliqua-t-il.

Il brandit l’invitation froissée.

— Vous pouvez la rendre à votre amie et lui dire que je n’ai pas l’intention de venir.

— Comment pouvez-vous être si insensible ? lança-t-elle sans réfléchir.

— En quoi cela vous concerne-t-il ?

— Je vous l’ai dit, Daisy est mon amie.

— Je vois, dit-il. Ce baiser était votre idée ou la sienne ?

Juno en resta un instant bouche bée.

— Vous savez parfaitement que c’était la vôtre.

De quoi l’accusait-il au juste ?

— Vous savez quoi, M. Brody ?

Il n’était plus question de supplier, elle en avait assez de Mac Brody et de son ego démesuré.

— Etre riche et célèbre ne vous donne pas le droit de traiter votre famille de la sorte. Daisy et Connor sont des personnes formidables qui valent bien mieux que vous.

— Vraiment ? répliqua-t-il en ricanant, déclenchant la fureur de Juno. Pourquoi m’avoir embrassé alors ?

S’il n’arrêtait pas de parler de ce maudit baiser, elle allait le gifler.

— Je ne vous connaissais pas encore.

— Il vous reste le meilleur à découvrir.

Sentant le rouge lui revenir aux joues au souvenir de l’excitation de Mac, elle releva le menton, refusant de reconnaître l’étrange sensation qui s’était nichée au creux de son ventre.

— Je crois que vous surestimez votre charme, M. Brody.

— Vous ne pourrez jamais en être certaine.

Elle ne s’abaissa pas à lui répondre mais ne put s’empêcher d’entendre son rire sarcastique tandis qu’elle s’éloignait.

Le cœur battant à se rompre, Juno enrageait en se dirigeant à grands pas vers la sortie. Elle avait vu juste à propos de Mac Brody. Il ne méritait pas une famille aussi merveilleuse que Daisy, Connor et leur adorable bébé, Ronan. Dieu merci, il ne viendrait pas au mariage. Quel soulagement de savoir qu’elle ne le reverrait jamais !

* * *

Le sourire de Mac s’évanouit tandis que l’inconnue s’éloignait d’un air digne. Il n’aurait pas dû la provoquer ni l’embrasser mais il n’avait pu s’en empêcher. Son regard glissa sur son jean délavé qui soulignait la courbe de ses fesses et il sentit le désir s’éveiller de nouveau en lui.

Il scruta le hall, et ne voyant aucune trace de paparazzi se pencha pour ramasser son sac. Il se rendit alors compte qu’il tenait encore l’invitation dans sa main et se dirigea vers la poubelle la plus proche. Ainsi qu’il le lui avait dit, il n’avait plus de frère, aucun besoin d’une famille et pas la moindre intention d’assister à ce mariage. La dernière chose dont il avait envie était de réveiller les émotions et les souvenirs pénibles qu’il avait soigneusement enfouis.

Mais juste comme il s’apprêtait à jeter l’invitation, il porta l’enveloppe froissée à son visage et huma le parfum de savon et de fleurs sauvages qu’elle avait laissé sur le papier. Un frisson de désir tel qu’il n’en avait plus éprouvé depuis bien longtemps l’envahit.

Il avait envie d’elle. Après ce baiser auquel elle avait répondu de façon si douce et enivrante, il n’y avait plus de doute. Bien que n’étant pas aussi sophistiquée et conciliante que les femmes avec qui il sortait d’habitude, elle avait réussi à le fasciner.

Peut-être même qu’elle l’attirait parce qu’elle était différente. Avec son allure de garçon manqué, son petit corps si réceptif et son caractère vif, elle représentait pour lui un défi.

Dire qu’il ne connaissait même pas son nom !

Etouffant un juron, il enfouit l’enveloppe dans la poche arrière de son jean.