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Enfant-loup - Une orpheline allemande dans la tourmente de l'après-guerre



Résumé

En 1945, dans les nouveaux territoires soviétiques, Liesabeth est une orpheline allemande de sept ans. Rejetée par la population à cause de ses origines, c’est une enfant-loup : mendiante, voleuse, elle erre sur les routes. Elle connaîtra l’enfer d’un camp pour enfants puis celui du goulag.

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Classement en biblio - 8 lecteurs

extrait

1945. Derniers mois en Prusse-Orientale

Klein-Weissensee

Lorsque je suis arrivée à Klein-Weissensee avec mon frère et ma sœur, l’été n’avait pas encore commencé. Nous avions trouvé une chambre dans l’une des maisons d’ouvriers agricoles, restée vide. Le mobilier se résumait à un poêle et à une table. Les Russes avaient depuis belle lurette envoyé en Union soviétique tous les objets de valeur encore utiles. Les chemins de fer russes rejoignaient déjà Königsberg, les trains passaient non loin de Wehlau et de Weissensee.

Christel et Manfred ont trouvé du travail dans le kolkhoze militaire installé sur la propriété. Les soldats russes ignoraient tout de l’agriculture et avaient envoyé toutes les semailles en Union soviétique, de sorte que les jardins et les champs n’avaient pu être cultivés au printemps. Les produits alimentaires étaient rares, à la fin de la guerre, et nous, les Allemands, avions particulièrement faim. Enfants et adultes mouraient d’épuisement, de famine et du typhus. Notre mère était morte de faim à Dantzig. Nous n’étions pas parvenus à gagner l’ouest. Nous ignorions où se trouvait notre père, qui travaillait comme infi rmier, ni même s’il était encore en vie. Nous l’avions vu pour la dernière fois en 1944, à Noël.

Mon frère, ma sœur et moi-même ramassions des feuilles de tilleul, des orties et des arroches pour nous nourrir. Un jour, quelqu’un nous a conseillé de construire un piège à moineaux. Nous avons attaché quatre ficelles à une planche, de façon à pouvoir la maintenir à l’horizontale. Une autre corde permettait de suspendre la planche à une grosse branche. Nous devions hisser la planche et la laisser retomber à terre dès qu’un moineau se plaçait dessous. La plupart du temps, les moineaux étaient plus rapides que nous. Une fois, nous avons attiré un chat errant dans notre chambre. Nous avons commencé par jouer avec lui, avant de lui passer une grosse corde autour du cou. Lorsque le chat a voulu partir, j’ai tiré sur le nœud coulant. Nous avons pu manger à notre faim deux jours de suite.

Les Russes nous disaient toujours : « Qui ne travaille pas ne mange pas. » Nous, les enfants Otto, l’avons appris à nos dépens. Christel et Manfred, alors âgés de treize et onze ans, travaillaient dans les champs et étaient rémunérés en nature. Quant à moi, trop jeune pour travailler, je n’avais droit à rien.

Si peu de temps après la fin de la guerre, il n’y avait pas encore de civils soviétiques dans la région, on commençait seulement à leur vanter les avantages d’une installation sur ce territoire nouvellement conquis. La main-d’œuvre faisait donc cruellement défaut. Tous, femmes, vieillards et adolescents, devaient travailler pour l’armée russe. Mon frère et ma sœur m’avaient attribué diverses tâches. Je devais ramasser du bois et l’entasser à côté du poêle, lorsqu’il faisait froid. J’allais également chercher de l’eau au puits, et j’en remplissais tous les récipients et les seaux avant le retour de Christel et Manfred. Mais ma tâche la plus importante consistait à chercher de la nourriture.

Du haut de mes sept ans, je savais exactement quand les soldats jetaient les restes de leurs repas. Il était très important d’arriver le premier, car on était alors assuré de recevoir les meilleurs morceaux, des épluchures de pommes de terre ou de carottes, des restes de choux ou de betteraves. Je n’étais pas la seule enfant. Aucun de nous ne jouait jamais, nous étions bien trop fatigués.

À l’époque, seule la nourriture importait. Mon frère et ma sœur gagnaient la leur durement, en travaillant du matin au soir pour les soldats russes. Lorsqu’ils regagnaient notre petite chambre après une journée de travail, ils tenaient à peine sur leurs jambes et marchaient au ralenti. Christel pleurait très souvent.

Une fois par semaine, ils recevaient leur salaire : un pain entier et un morceau de beurre ou de margarine.

Un soir où Christel était trop affaiblie pour aller chercher elle-même son dû, elle s’est tournée vers moi :

— Va chez les Russes et dis-leur que tu viens de la part de Christel Otto, ils te donneront le pain et le beurre qui me reviennent.

Je ne me suis pas fait prier et suis partie sur-le-champ chercher sa ration alimentaire. Sur le chemin du retour, le beurre a commencé à fondre dans la petite coupelle que j’avais apportée et j’ai entrepris de le lécher du bout de la langue, pensant que personne ne s’en apercevrait. Mais la maison dans laquelle nous vivions se trouvait tout au bout de la rue, et, à mon arrivée, la coupelle était vide. Je me suis retrouvée face à Christel, le pain et la coupelle vide à la main. J’ai immédiatement avoué avoir mangé le beurre. Christel s’est emportée et a hurlé :

— Mais qu’est-ce que tu as fait ? Pourquoi as-tu tout mangé toute seule ?

Et elle s’est mise à me rouer de coups, comme possédée.

Manfred se tenait à ses côtés, sans mot dire. J’ai fi nalement réussi à me dégager et à m’enfuir. Je l’entends encore crier :

— Va-t’en, je ne veux plus jamais te voir !

Je me suis cachée dans la petite étable derrière la maison, persuadée que ma sœur pensait ce qu’elle avait dit. Manfred est venu me voir au beau milieu de la nuit pour m’apporter un morceau de carotte, que nous avons partagé. Christel n’en savait rien. Je n’ai jamais oublié ce moment. J’éprouve, encore aujourd’hui, de la reconnaissance envers Manfred pour son geste.

Le lendemain matin, mon frère et ma sœur sont retournés au travail. Lorsque j’ai enfin osé sortir de ma cachette, je suis rentrée à la maison et je suis restée longuement assise dans la pièce à pleurer.

Mme Schwarz, une voisine, est venue me voir. Je lui ai tout raconté. Elle a réfléchi quelques instants et m’a dit :

— Ta sœur possède bien une paire de ciseaux et un manteau, n’est-ce pas ? Monte chercher ses affaires. Nous allons les échanger en Lituanie contre de la nourriture, que tu donneras à Christel. Tu pourras te racheter, de cette façon.

J’avais déjà entendu dire que l’on pouvait mendier de la nourriture en Lituanie. Je suis donc montée à l’étage pour chercher les affaires de Christel. Ma voisine et moi nous sommes mises en chemin, longeant la ferme à travers les champs en jachère jusqu’à l’allée qui mène à la gare de Wehlau. C’est là que Mme Schwarz m’a pris les précieuses affaires des mains, avant de disparaître.

Lorsque je repense aujourd’hui à cette époque, je me rends compte que Klein-Weissensee et les paroles de ma sœur ont marqué le début de mon indépendance. Je ne pouvais plus compter que sur moi-même. J’avais l’intention de partir mendier de la nourriture, comme tant d’enfants, d’adolescents, ou même d’adultes, le faisaient alors, puis de rejoindre ensuite mon frère et ma sœur.

Mais je ne suis jamais retournée en Prusse-Orientale, auprès des miens.

J’ai raconté cette histoire aux gens de la télévision, alors que nous étions assis sous un vieux chêne, dans l’ancienne propriété de Klein-Weissensee. Deux petits enfants crottés, qui habitaient cette même maison dans laquelle mon frère, ma sœur et moi-même avions trouvé refuge près de cinquante ans auparavant, nous avaient suivis et jouaient dans l’herbe à quelques mètres de nous. À peine plus jeunes que moi à l’époque, ils devaient avoir quatre ans, peut-être cinq. Un garçon et une petite fille blonde, qui me rappelait la fillette malade morte à mes côtés en Lituanie.

Notre destination suivante était l’ancienne gare de Wehlau. Le bâtiment existait toujours, le sol carrelé de la salle d’attente datait de l’époque allemande. Peu de choses avaient changé au cours des cinquante dernières années, à l’exception des noms des lieux. Wehlau s’appelle aujourd’hui Znamensk.

Après qu’Erna Schwarz a disparu avec la paire de ciseaux et le manteau de Christel, j’ai erré seule sur le quai de la gare. Il y avait des soldats russes partout. Ils criaient toujours : « Ubiraysya ! Décampe ! » lorsqu’ils voyaient un enfant allemand. Je ne comprenais pas ce mot, mais son sens ne m’échappait pas. Leur ton me faisait peur. Ne sachant que faire, je suis montée dans l’un des wagons de marchandises, à l’arrêt sur les rails, et je me suis assise dans un petit coin.

Soudain, les portes se sont fermées avec fracas et le train s’est mis en branle. J’ignore combien de temps le voyage a duré, j’avais le sentiment que nous roulions depuis une éternité. J’étais tellement affamée que j’ai mangé des graines qui traînaient par terre, mais elles avaient un goût salé et n’ont pas calmé ma faim. Je me suis rapidement endormie, dans mon petit coin. Je ne me suis réveillée que lorsque des hommes sont montés dans mon wagon. Des hommes jeunes, munis de pelles et de balais. Ils m’ont demandé quelque chose dans une langue étrangère. Ils ne parlaient pas le russe. Je ne leur ai pas répondu. Ils se sont emparés de moi – j’étais maigre et légère – et m’ont jetée hors du train. J’avais soudain les jambes très enflées, j’étais incapable de marcher. J’ai roulé comme une petite boule le long du remblai et me suis retrouvée allongée dans l’herbe, sans pouvoir bouger. Heureusement, il y avait un cours d’eau tout proche, un ruisseau ou un fossé, je me suis mise à boire, boire, il me semblait que jamais je ne pourrais m’arrêter. Tout me brûlait, l’intérieur de la bouche, le ventre… Je suppose que les petites graines salées que j’avais mangées dans le train étaient en réalité de l’engrais. Incapable de me lever, j’ai rampé à quatre pattes vers un buisson. Mes jambes étaient devenues molles comme de la guimauve et ne me supportaient plus, comme si je n’avais plus de genoux. Je me rappelle m’être couchée sous le buisson et m’être endormie presque aussitôt.

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Commentaires récents

Or

Quand la presse et les relations diplomatiques cherchent à réduire certaines situations au silence, les récits et témoignages de ce genre sont nécessaires pour apporter la connaissance de faits qui ne sont pas entré dans l'histoire avec un grand H. Ce témoignage est d'autant plus précieux que son auteur n'incite ni à la haine ni à la vengeance mais cherche bien la paix.

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Argent

Un très bon recit ou l'on apprend beaucoup sur les conditions de vie des allemand après guerre. Le courage de cette femme est extraordinaire. On se demande ou elle puise son énergie pour résister à tout ce qui lui arrive.

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Or

très beau témoignage ,très touchant !il nous permet de découvrir l'après guerre (1945) si douloureuse à vivre pour le peuple allemand et le régime russe très dur ,ainsi que la vie dans un goulag !

j'ai admiré le courage de cette petite fille puis de cette femme toujours positive malgré un vécu très douloureux .

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Activité récente

stefy l'ajoute dans sa biblio or
2016-03-11T10:51:48+01:00

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