Commentaires de livres faits par EnjoyDream01
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- Non, Scout. Non. Tu ne va pas encore te cacher derrière ces putain de doux baisers. Tu ne vais pas me cacher ta vie alors que moi je me confie à toi, sans réserve. Bon Dieu !
Ses exclamations de colère se répercutent sur les murs de béton. Il s'éloigne de quelques pas en se passant les mains dans les cheveux, et la distance physique entre nous me semble renforcer la sensation que j'éprouve qu'il est très loin de moi.
- Tu ne piges pas, hein ? Ça. Toi. Moi. Ça. Ça marche dans les deux sens.
Ses paroles se dissipent dans l'espace autour de nous. L'expression sur son visage- résigné, incertaine, déçue- provoque en moi in flot de panique. Et cette fois, ce n'est pas parce qu'il devient trop proche mais plutôt parce que j'ai merdé. Parce que je ne lui ai pas laissé le bénéfice du doute mais que j'ai pensé à priori qu'il fuirait.
-Qu'attends- tu de moi ?
Je n'ai jamais été aussi sincère ni aussi effrayée de la réponse qui va suivre.
- Plus que ce que tu peux me donner, je crois.
Il a parlé d'une voix calme, mais j'ai l'impression qu'il a crié sur moi de toute la force de ses poumons. Le rejet qu'il m'oppose est si aveuglément criant et effrayant et bouleversant que la peur parle à ma place cette fois. La honte e mène la danse.
- Que veux-tu que je te dise, Easton ? Que j'avais un frère de deux ans plus âgé que moi ? Qu'il était mon meilleur ami, qu'il comptait plus que tout pour moi et qu'il est mort il y a trois ans ? Que j'avais une mère qui est partie acheter du lait quand j'avais cinq ans- en laissant mon père entrain de faire la vaisselle, mon frère dans son bain et moi en pyjama Minnie Mouse à attendre qu'elle revienne pour me lire une histoire avant de dormir- et qui n'est jamais revenue ? Que nous lui donnions trop de travail ? Que nous ne méritions pas qu'elle revienne ?
Je hurle. Ma voix monte dans les aigus à chaque mots, mon corps vibre quand j'énonce ces vérités que je ne peux pas me résoudre à admettre mais dont je ne parviens plus à arrêter le flot.
- Ou attends, laisse-moi réfléchir... Quel autre secret croustillant pourrais-je te révéler que personne ne connaît ? Qu'est ce que je peux t'avouer pour te prouver qu'en réalité j'essai de m'ouvrir à toi et non de te repousser ?
- Scout. Je t'en pris. Arrête...
Je l'ai pris par la main jusqu'à la voiture.
- Une surprise ?
- Regarde sous la tente.
Quand Robinson a sorti la guitare, son visage s'est illu-miné. Il l'a soupesée, admirée puis a pincé une corde.
- Axi comment...?
- Viens jouer.
Je ne tenais pas a lui avouer que mon bracelet y était passé- l'unique bijoux que ma mère m'avait offert.
Main dans la main,bon a marché vers Tompkins Square Park et trouvé un banc sous les feuilles rondes d'un ginkgo. Robinson a gratté les cordes un petit moment pour les accorder. L'air me semblait familier, mais c'est seulement quand il l'a chanté que j'ai reconnu I'll Melt with You.
- Moving forward using all my breath... ( " Aller de l'avant, user tout mon souffle..." )
Je n'ai encore jamais parlé de la voix de Robinson, sans doute parce que je ne peux pas la décrire. Elle est à la fois claire et rocailleuse, intime et puissante. Souvent, elle est douce. Elle vous pénètre pas seulement par les oreilles, mais aussi par le corps. Et par le coeur.
Quelques passants ont commencés à s'arrêter pour l'écouter chanter. Robinson ne se rendait pas compte de l'attroupement qui se formait.
Il fixait ses bottes en battant le rythme sur le macadam.
De temps à autre, il me regardait dans les yeux et chantait rien que pour moi :
- I'll stop the world and melt with you... ( "J'arrêterai la marche du monde pour me fondre en toi..." )
Le cercle des badauds s'est élargi. Des jeunes, des vieux, tout les âges. Beaucoup de parents avec leurs enfants qui tenaient des lapins en peluche ou des ballons de foot.
Des parents qui connaissent les paroles pour avoir dansé dessus vingt ans plus tôt, avec leur premier amour de lycée.
Au début, ils fredonnaient discrètement, mais petit à petit, ils se sont mis a chanter. Et d'autres ont joint leurs voix. Ils n'avaient plus leurs visages de citadins indifférents, mais souriaient. Ce fut une vrai chorale ! Je le jure, certains avaient les larmes au yeux tellement Robinson jouait divinement bien.
J'ai envie de lui dire que tout va bien, que je vais bien, que j'ai survécu et que je vais aller mieux.
Mais je suis incapable de prononcer un mot, j'ai la gorge trop serrée.
Au lieu de ça, nous restons enlacés. Et ça suffit.