Extraits

Il s'agissait pour la plupart de cadres des grandes entreprises voisines. Certains discutaient affaires tandis que d'autres se détendaient après leur journée de travail, se laissant bercer par les airs de jazz qui passaient en sourdine pour ne pas gêner les conversations. Deux serveuses s'activaient autour des tables et Ally remarqua avec une pointe de colère que toutes deux, si elles étaient bien vêtues de noir, portaient des pantalons.

Ally lui emboîta le pas tandis qu'il se dirigeait vers l'escalier menant au premier étage. Tandis qu'ils traversaient la pièce, la jeune femme remarqua qu'au milieu de chaque table étaient incrustés des motifs abstraits ciselés en métal argenté légèrement terni. Des lumières tamisées dispensaient dans la boîte une lumière agréable qui évoquait celle des bougies.

Ils regagnèrent le rez-de-chaussée qui était à présent noir de monde. Le volume de la musique avait été augmenté pour couvrir le bourdonnement accru des conversations, et de nombreux consommateurs se pressaient autour du bar où Pete s'activait sans relâche. Le club semblait être un lieu très convivial. Les gens s'abordaient assez librement, flirtant ou engageant la conversation avec d'autres clients sans que cela ne paraisse le moins du monde déplacé.

— Il s'agissait d'une affaire personnelle, répondit-elle évasivement. Jusqu'à ce dernier incident, Dennis ne se manifestait qu'en dehors de mes heures de travail. Et j'ai pensé que je pourrais résoudre cela toute seule sans impliquer nos hiérarchies respectives.

— J'ai parlé avec le procureur. Dans la plainte que tu as déposée, tu indiques que Dennis a commencé à te harceler au cours de la première semaine d'avril. Depuis, il n'a cessé de te téléphoner chez toi et ici, il est passé à de nombreuses reprises à ton appartement, il t'a suivie au cours de déplacements personnels et professionnels...

Six jours après le cambriolage qui avait eu lieu chez les Chambers, Ally fut convoquée par le lieutenant Kiniki. Elle s'était déjà changée pour partir au club et se présenta donc habillée en serveuse, ce qui ne manqua pas de faire sourire son supérieur.

Avant même qu'elle ait pu réagir, Jonah se jeta sur Dennis. Il avait bougé à une vitesse stupéfiante et elle le vit plaquer son ex-petit-ami contre le mur que ce dernier heurta avec un bruit sourd. Se jetant sur Jonah, elle essaya de l'écarter. Mais il tint bon, ne bougeant pas d'un pouce malgré la force avec laquelle elle tirait sur son bras pour lui faire lâcher prise. Elle aurait aussi bien pu vouloir déplacer un roc...

— Tu vas te lever et partir bien tranquillement. Ensuite, tu ne remettras plus jamais de ta vie les pieds dans mon club. Et tu prendras garde à rester loin d'Allison. Si tu la rencontres un jour par hasard, tu tourneras les talons et tu partiras dans la direction opposée. Dans le cas contraire, tu auras de nouveau affaire à moi et cette fois, je ne serai pas aussi gentil. C'est compris ?

Hélas, Dennis l'avait déjà repérée et fendait la foule pour venir à sa rencontre. Sans lui laisser le temps de compromettre sa couverture, Ally vint à sa rencontre et le prit par le bras, l'entraînant à travers la cuisine jusqu'à la porte de derrière.

Ally n'était décidément pas faite pour devenir serveuse. Elle s'en rendit compte au moment même où elle déversa sur la tête d'un client le cocktail qu'elle venait de lui apporter. Mais c'était sa faute, il n'avait pas à lui mettre la main aux fesses en lui proposant une petite partie fine avec l'un de ses amis.

Bien sûr, ledit client fit connaître son mécontentement avec force cris et protestations mais, avant qu'elle n'ait pu lui casser le bras comme elle en avait l'intention dans le mince espoir de lui apprendre les rudiments de la politesse, Will s'interposa et jeta l'homme dehors non sans lui avoir intimé l'ordre de ne jamais remettre le pied dans l'établissement.

Elle ferma les yeux et fit quelques pas, les jambes flageolantes. Elle était incapable de comprendre ce qui venait de se passer. C'était trop fort, trop violent pour s'apparenter à un simple baiser. Mais elle aurait tout le temps de réfléchir à cela plus tard. Pour le moment, l'important était de conserver un semblant de maîtrise de soi et de dignité.