Ajouter un extrait
Liste des extraits
De mes toutes premières années, il me reste un de ces rares souvenirs isolés dont parlent les psychologues de l’enfance, une sorte de bloc erratique : je marche à pas chancelants, je sais à peine me tenir debout et devant moi se dresse une géante bienfaisante, ma grand-mère, qui me montre et me tend un biberon en souriant ineffablement. C’est grâce à elle que j’ai su le provençal ; je suis un des derniers humains qui ait pu lire dans le texte la Mireille de Mistral (et en réciter de mémoire quelques strophes harmonieuses). Pour l’enfant de six ans que j’étais, le provençal était la même langue que le français, puisque le sens était le même, mais c’était du français vieilli comme le visage de celle qui le parlait.
Afficher en entierFlaubert se disait in petto : « La seule chose qui ne soit pas nulle, c’est l’Art, c’est d’écrire L’Éducation sentimentale. » Nous qui ne sommes pas artistes vivons dans une plate nullité. J’en crus Flaubert sur ce point : aucune existence, la mienne comprise, aucune carrière, aucune vocation n’était sérieuse en comparaison de... De quoi ? De l’Absolu ? Les cours de catéchisme avaient glissé sur moi comme l’eau de pluie sur un ciré. Non, L’Éducation n’est pas le tableau un peu ennuyeux de la société dans le second tiers du XIXe siècle, ni le récit plutôt longuet d’un amour platonique : c’est le constat de la nullité de toute existence, réussie ou ratée.
Afficher en entierQuand c’est la guerre, dès le premier jour chacun sait fort bien que la vie humaine, cent vies, mille vies ne valent plus rien. Pour fuir Nîmes, où un premier bombardement avait fait plus de deux cents morts, ma famille s’était repliée dans un village au pied du mont Ventoux ; je n’ai donc connu la guerre que de loin. Du haut d’une colline, un matin, j’aperçois à l’horizon un gigantesque champignon d’un blanc léger qui s’élevait dans le ciel : Arles était bombardée. En général, l’opinion n’en voulait pas trop aux Américains : la faute en était à la guerre même, à la fatalité et à l’ennemi allemand.
Afficher en entier« Né en 1930 dans le Midi de la France, dans un milieu presque populaire, je suis professeur honoraire d’histoire romaine au Collège de France. Je me suis marié trois fois, comme Cicéron, César et Ovide. J’ai été membre du Parti communiste dans ma jeunesse et j’ai écrit des livres sur des sujets divers. Je vis depuis longtemps dans un village de Provence, au pied du mont Ventoux. »
Afficher en entier