Extraits

(Jochen)

Pourquoi est-ce que, par une prescience presque surnaturelle, je sens qu'un rejet de sa part pourrait me blesser bien plus que ce que j'ai vécu jusqu'ici?

J'effleure doucement le papier du nez, espérant y découvrir la senteur de ses mains, ou celle de son parfum. Malheureusement, je n'y trouve, déçu, que l'odeur de la came que je trimbale sans arrêt dans cette même poche. Je laisse alors l'air vif agiter la note entre mes doigts, qui ne la tiennent déjà pour ainsi dire plus.

Est-ce que je préfère garder un beau souvenir, ou affronter une réalité qui sera plus dure? La réponse ne met pas longtemps à prendre une place évidente dans mon esprit. Je sais que dans une seconde je regretterai pourtant mon choix, mais j'ai si peur... Mes lèvres tressaillent au moment où le papier glisse de ma main, emporté par le vent.

(Jochen et Tobias)

- Ah bon? Pourtant, si j'étais à ta place, je dirais pas ça... m'annonce-t-il d'un ton traînant en me narguant avec un sachet de pilules sous le nez.

Instinctivement, je tends ma main vers le sachet mais il le remet aussitôt dans sa poche en riant.

- Attends, tu crois que c'est gratuit? m'avertit-il.

A cet instant, j'ai perdu ma dernière trace de fierté, de cohérence, ou même de lucidité, j'oublie volontaire ce que je lui reprochais il y a une minute encore. Je ressemble à tous les drogués en manque: prêt à ramper devant des personnes que je déteste, à qui j'attribue soudain le pouvoir admirable de me sauver la vie si elles me dépannent d'une petite dose. Je n'ai plus de consistance, je ne suis plus rien, juste une coquille vide, qui pourrait être pulvérisée par un simple courant d'air.