Commentaire de Didaskein

Je n'ai que peu de mots pour décrire ce que ce livre m'a fait...

Étant un habitué de style de Lilly Haime, on en vient à reconnaître des intrigues et des personnages-type dans ses romans, mais cela ne m'a jamais gêné puisque j'ai l'impression de retrouver les mêmes garçons qui s'aiment férocement l'un l'autre, dans une infinité de variations.

Ici, j'ai retrouvé beaucoup d'éléments en communs avec La Déferlante (entre autres, le couple archétypal Blond-Yeux Bleux et Brun-Yeux Verts, la meilleure amie d'enfance, la mère/le père cruel), mais ce qui m'a complètement séduit c'est la subtilité et le soin avec lequel l'auteure a développé la relation des deux garçons, la tendresse et la férocité de leurs sentiments qu'ils se portent l'un à l'autre Spoiler(cliquez pour révéler)et pas seulement jusqu'à leur premier "je t'aime", mais encore bien au-delà, jusqu'à leur 30 ans ! J'ai rarement lu des romances qui s'attardent autant à décrire l'histoire jusque dans un futur lointain et bien développé, et c'est sans doute ce que j'ai le plus apprécié, parce qu'on aperçoit le famejux "et ils vécurent heureux"

J'ai beaucoup apprécié la double culture de Sam, et j'aurais même demandé à ce que l'auteure introduise quelques phrase en mandarin supplémentaires (en tant que bilingue de naissance je ne peux qu'applaudir cela) ; l'intrigue, 100% in France, m'a tout autant conquise. Perso, je n'ai jamais partagé la fascination de plusieurs auteurs de M/M pour les pays anglophones... Le choix de Bordeaux m'a d'ailleurs rappelé l'Effet Papillon, et j'aurais apprécié de voir un croisement entre les personnages, même s'ils appartiennent à deux temporalités distinctes ?

Spoiler(cliquez pour révéler)De toute évidence, l'intrigue se déroule dans un 2020 parallèle, sans Coronavirus et où les jeux de Tokyo n'ont pas été décalés. En plein confinement, c'est sûr que cela m'a permis de m'évader

Finalement, le coup de grâce auquel je ne m'attendais pas et qui m'a tant surpris de la part de Haime (à croire qu'elle lit dans les pensées des jeunes homos), Spoiler(cliquez pour révéler)ce sont les sentiments de culpabilité de Léo à l'égard de Sam dans ce passage magnifique : "Et moi… à chaque fois que je m’approchais de lui, j’étais terrifié par cette voix obscure qui me rappelait que j’étais dégueulasse de le désirer à ce point. J’avais eu tellement peur qu’il me rejette, comme ma famille m’avait toujours rejeté. Parce que j’aurais eu l’audace de le regarder trop longtemps, l’envie de le toucher. Parce que j’avais toutes ces images dans la tête, le matin, lorsque le monde est encore endormi et qu’on peut laisser ses songes se prolonger un peu." (p. 646). Jeune homme homo comme Léo, cette phrase décrit exactement ce que j'ai ressenti, à maintes reprises, quand je me suis épris d'un garçon à priori hétéro. Haime a mis exactement le doigt sur ce que je ressentais, et pour moi, c'est la preuve d'une belle œuvre littéraire, car c'est tout le but de la littérature : nous présenter et nous rapprocher de l'altérité, même lorsqu'elle ne fait pas partie de nous.

Alors merci Mme Haime pour cette magnifique odyssée entre Sam et Léo