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Être sans destin



Description ajoutée par bookemixer 2010-06-07T07:46:18+02:00

Résumé

De son arrestation, à Budapest, à la libération du camp, un adolescent a vécu le cauchemar d'un temps arrêté et répétitif, victime tant de l'horreur concentrationnaire que de l'instinct de survie qui lui fit composer avec l'inacceptable. Parole inaudible avant que ce livre ne vienne la proférer dans toute sa force et ne pose la question de savoir ce qu'il advient de l'humanité de l'homme quand il est privé de tout destin. Cette oeuvre dont l'élaboration a requis un inimaginable travail de distanciation et de mémoire dérangera tout autant ceux qui refusent encore de voir en face le fonctionnement du totalitarisme que ceux qui entretiennent le mythe d'un univers concentrationnaire manichéen. Un livre à placer à côté du Si c'est un homme de Primo Levi. Enfin reconnu, Imre Kertész a reçu le prix Nobel de littérature pour son « oeuvre qui dresse l'expérience fragile de l'individu contre l'arbitraire barbare de l'histoire ».

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Classement en biblio - 71 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par wrecksky 2016-02-10T17:25:59+01:00

"Le fait est que, même en captivité, notre imagination demeure libre."

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Commentaires récents

Commentaire ajouté par Philippe-85 2023-07-01T14:29:00+02:00
Or

« Être juif, cet état désagréable et pas très compréhensible, qui peut de temps en temps représenter un danger de mort relatif »

Être sans destin, de Imre Kertész.

Imre Kertész, de nationalité hongroise, prix Nobel de littérature en 2002, a été arrêté par les nazis au cours d’une rafle. À 15 ans, il est emmené à Auschwitz puis à Buchenwald. Marqué au fer par cette expérience, dont il trouve le relent à son retour en Hongrie dans la dictature hégémonique de l’URSS, il poursuit tant bien que mal sa vie comme journaliste puis traducteur et romancier. Après avoir vécu plusieurs années en Allemagne, il meurt à Budapest en 2016. Dans Être sans destin, Imre Kertész décrit la vie d’un jeune hongrois, emmené en déportation, enfermé en camp de travail pour être finalement ramené, quasiment mourant, à Buchenwald. Libéré, il revient en Hongrie, incapable puis refusant finalement de communiquer avec ceux qui ont leur part de culpabilité, ou pour le moins de consentement.

Ce jeune hongrois, c’est Kertész bien sûr, mais pas seulement lui. Cela va au-delà. Au-delà de lui, c’est de l’Homme face à une barbarie minutieusement organisée dont il s’agit. Dans son discours de réception à l’académie Nobel, il dit « Je n’ai jamais eu la tentation de considérer les questions relatives à l’Holocauste comme un conflit inextricable entre les Allemands et les Juifs ; je n’ai jamais cru que c’était l’un des chapitres du martyre juif qui succède logiquement aux épreuves précédentes ; je n’y ai jamais vu un déraillement soudain de l’histoire, un pogrome d’une ampleur plus importante que les autres ou encore les conditions de la fondation d’un Etat juif. Dans l’Holocauste, j’ai découvert la condition humaine, le terminus d’une grande aventure où les Européens sont arrivés au bout de deux mille ans de culture et de morale ».

On peut aimer lire un livre, roman ou autre. J’aime lire pour ma part, enfin pour autant que ma tête ne soit pas envahie d’autres préoccupations. Et après, j’écris en général un petit retour de lecture posté sur Facebook. Mais pour ce livre, c’est un besoin impérieux de parler que j’ai ressenti, tant ce texte porte à réfléchir, à s’interroger, à approfondir. En introduction, il est utile que vous lisiez un extrait du discours prononcé par Imre Kertész lors de la cérémonie de remise du prix Nobel qui apporte un éclairage utile sur Être sans destin :

« Je me suis rendu compte que je décrivais un homme broyé par la logique d’un totalitarisme en vivant moi-même dans un autre totalitarisme, et cela a sans aucun doute fait de la langue de mon roman un moyen de communication suggestif. Si j’évalue en toute sincérité ma situation à cette époque-là, je ne sais pas si en Occident, dans une société libre, j’aurais été capable d’écrire le même roman que celui qui est connu aujourd’hui sous le titre d’Etre sans destin [...] Non, car j’aurais certainement eu d’autres préoccupations. Je n’aurais certes pas renoncé à chercher la vérité, mais c’eût été peut-être une autre vérité. Dans le marché libre des livres et des esprits, je me serais peut-être efforcé de trouver une forme romanesque plus brillante : j’aurais pu, par exemple, fragmenter la narration pour ne raconter que les moments frappants. Sauf que dans les camps de concentration, mon héros ne vit pas son propre temps, puisqu’il est dépossédé de son temps, de sa langue, de sa personnalité. Il n’a pas de mémoire, il est dans l’instant. Si bien que le pauvre doit dépérir dans le piège morne de la linéarité et ne peut se libérer des détails pénibles. Au lieu d’une succession spectaculaire de grands moments tragiques, il doit vivre le tout, ce qui est pesant et offre peu de variété, comme la vie. Mais cela m’a permis de tirer des enseignements étonnants. La linéarité exige que chaque situation s’accomplisse intégralement. Elle m’a interdit, par exemple, de sauter élégamment une vingtaine de minutes pour la seule raison que ces vingt minutes béaient devant moi tel un gouffre noir, inconnu et effrayant comme une fosse commune. Je parle de ces vingt minutes qui se sont écoulées sur le quai du camp d’extermination de Birkenau avant que les personnes descendues des wagons ne se retrouvent devant l’officier qui faisait la sélection. Moi-même, j’avais un souvenir approximatif de ces vingt minutes, mais le roman m’interdisait de me fier à mes réminiscences. Presque tous les témoignages, confessions et souvenirs de survivants que j’avais lus étaient d’accord sur le fait que tout s’était déroulé très vite et dans la plus grande confusion : les portes des wagons s’ouvraient violemment au milieu des cris et des aboiements, les hommes étaient séparés des femmes, dans une cohue démentielle ils se retrouvaient devant un officier qui leur jetait un rapide coup d’œil, montrait quelque chose en tendant le bras, puis ils se retrouvaient en tenue de prisonnier. Moi, j’avais un autre souvenir de ces vingt minutes. En cherchant des sources authentiques, j’ai commencé par lire Tadeusz Borowski, ses récits limpides, d’une cruauté masochiste, dont celui qui s’intitule « Au gaz, messieurs-dames ! » Ensuite, j’ai eu entre les mains une série de photos qu’un SS avait prises sur le quai de Birkenau lors de l’arrivée des convois et que les soldats américains ont retrouvées à Dachau, dans l’ancienne caserne des SS. J’ai été sidéré par ces photos : beaux visages souriants de femmes, de jeunes hommes au regard intelligent, pleins de bonne volonté, prêts à coopérer. Alors j’ai compris comment et pourquoi ces vingt minutes humiliantes d’inaction et d’impuissance s’étaient estompées dans leur mémoire. Et quand en pensant que tout cela s’était répété jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, durant de longues années, j’ai pu entrevoir la technique de l’horreur, j’ai compris comment on pouvait retourner la nature humaine contre la vie humaine ».

Je voudrais commencer en évoquant les dernières pages du roman. Elles parlent pourtant d’un temps situé après la sortie des camps de concentration. L’horreur, c’était avant, nous le savons tous, pas après. Pas au retour dans la vie « normale ». Eh bien non, finalement, rien n’évoque tant la douleur, l’anéantissement des pensées, de l’être lui-même, que cette période qui a suivi la libération du narrateur. Ces ultimes pages sont difficiles à lire. Pas les mots. Ils sont simples. Non, nous sommes simplement en face de quelqu’un qui cherche à exprimer l’inexpressible, qui tourne autour d’une idée iconoclaste, monstrueuse, dont il essaye de rendre compte et qu’il s’efforce de faire accepter à ceux qui n’ont pas connu les camps : « Il n’y a aucune absurdité qu’on ne puisse vivre tout naturellement, et sur ma route, je le sais déjà, me guette, comme un piège incontournable, le bonheur. Puisque là-bas aussi, parmi les cheminées, dans les intervalles de la souffrance, il y avait quelque chose qui ressemblait au bonheur ». Car voilà, le narrateur a pris le parti, pour survivre, de découper le temps en parcelles successives, presque indépendantes les unes des autres. Une sorte de pixellisation du temps. Un step by step dirait-on aujourd’hui, qui rend alors possible quelque chose comme un bonheur permanent. Ou sinon bonheur, une sorte d’acceptation résignée, pas éloignée de l’optimiste. Cette attitude face à ce qu’il vit dans les camps le met en mesure d’accepter l’inacceptable, presque de bon cœur. Ce qu’il vit est affreux ? Soit, mais la prochaine minute ne sera-t-elle pas pire ? N’est-on pas à l’instant toujours en vie après tout ? Alors oui, cette minute-là n’est pas extraordinaire, mais elle est. Prenons-la toujours, presque goulument. Ainsi trouve-t-il qu’à Buchenwald, le temps est plus frais qu’à Auschwitz. Certes « les jours sont gris et il pleut souvent, mais il arrive qu’on ait dès le matin la surprise d’une soupe à la farine bien chaude [...] on y trouve des lambeaux rouges de viande, et on a même la chance d’en trouver un morceau entier ». Et c’est un petit bonheur de plus.

De cet état d’esprit résolument optimiste (il ne saurait être autrement, le mieux restant toujours possible) naît l’acceptation. Face aux évènements, le narrateur est porté à trouver qu’au fond, ce qu’il arrive est logique, explicable. Même le pire. Face à la faim et à l’épuisement, « Le fait est là : à l’évidence, un mode de vie ordonné, une certaine exemplarité, je dirais même une certaine vertu, ne sont nulle part aussi importants qu’en détention, justement ».

En lisant ce livre, on ne peut s’empêcher de penser à l’Étranger de Camus. Le narrateur regarde les évènements depuis l’extérieur, intéressé par ce qu’il voit, par ce qu’il vit, par ce qu’apportera la prochaine minute. Et effectivement, cette langue « atonale », comme la qualifiait Kertész, mais dont il a toujours voulu qu’elle « entre dans la chair » de son lecteur, il expliquait dans une interview au Monde qu’elle lui venait indirectement de Camus. A 25 ans, il était un jour tombé sur L’Etranger. « J’ignorais tout de son auteur et j’étais loin de soupçonner que sa prose allait me marquer à ce point. En hongrois, L’Etranger était traduit par L’Indifférent. Indifférent au sens de détaché du monde, de lui-même. Mais aussi au sens d’affranchi, c’est-à-dire d’homme libre… ». Dans le même ordre d’idée, dans un autre ouvrage, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, il parle d’ailleurs de « sentiment d’altérité ». Il se regarde agir, comme de l’extérieur, et se sent de ce fait constamment à la recherche de son identité. «Cette conscience ne semblait pas être la mienne, mais plutôt une conscience de moi [...] Il m’était impossible de ne pas penser au fait que cette conscience était une partie de quelque chose qui m’englobait moi aussi, mais qui n’appartient ni à mon corps ni à mon esprit, bien qu’étant transmise par ma raison, et donc en réalité, cette conscience était peut-être le noyau ultime de mon être, qui faisait exister et se développer tout cela, c’est à dire mon être ».

A Buchenwald, il en arrive même à comprendre parfaitement l’attitude de ses gardiens, presque à endosser leur tâche. Il admire la parfaite organisation de tout ce processus. Il parle à ce sujet de la compétence professionnelle silencieuse dont tous les éléments s’articulent parfaitement. A l’arrivée du train dans Buchenwald, les allemands triaient les aptes au travail et les autres. « J’ai vite compris le travail du docteur. Un vieil homme arrive : il l’envoie de l’autre côté, c’est clair. Un autre ventru, sauf qu’il bombe le torse de toutes ses forces : en vain – mais non, le médecin l’a quand même envoyé ici et je n’étais pas très satisfait parce que, pour ma part, je le trouvais plutôt âgé.... Si bien que j’étais obligé de voir avec les yeux du médecin combien il y avait parmi nous d’hommes vieux ou inutiles pour d’autres raisons. L’un était trop maigre, l’autre trop gros, quant au troisième, je le déclarais malade mental rien qu’à ses yeux agités de tics... ». Le narrateur fait lui-même le tri ! Finalement feint-il de penser ce camp ne lui parait pas si désagréable. Alors pourquoi pas même y mettre une certaine bonne volonté... « En tous cas, dans un premier temps, partout, même dans un camp de concentration, on met de la bonne volonté à toute nouvelle activité – moi du moins, c’est l’expérience que j’en avais : d’abord assez bon détenu, l’avenir fera le reste ». Step by step.

Il faut dire qu’il ne comprend pas tout ce qu’il voit à son arrivée, aveuglé qu’il est par un irrépressible esprit positif. Les pages concernant cette période accumulent les quiproquos. « ... arriva un chariot tiré par de petits enfants qui avaient des harnais sur les épaules, comme des poneys, un homme à grande moustache marchait à côté d’eux avec un fouet à la main. Le chargement disparaissait sous des couvertures, mais à travers les nombreuses fentes et les chiffons, on pouvait voir du pain, on apercevait sans erreur possible des miches blanches : j’en ai déduit que, visiblement, ils étaient malgré tout logés à meilleure enseigne que nous. ». Cela se passe à Auschwitz. Ce n’était probablement pas des miches de pain.... En observateur quasi extérieur à ce qu’il voit, le narrateur ne peut s’empêcher d’admirer l’organisation mise en place par les nazis. Evidemment, il voit à sa manière, ingénu ou inconscient. La façon dont les bourreaux amènent les victimes à laisser leurs bijoux, ils sont très gentils avec eux, les entourent de soin et d’affection, les enfants chantent et jouent et l’endroit où on les asphyxie est presque bucolique...surtout les chambres à gaz, ces baraquements entourés de pelouses et de fleurs ( Voyez à ce propos l’extrait du discours de Stockholm que j’ai retranscrit plus haut). Il en vient même à imaginer, mélange d’admiration objective et d’humour douloureux, la réunion au cours de laquelle tout ce processus d’extermination a été mis au point par les nazis: « L’un d’eux tombe sur l’idée du gaz ; dans la foulée, un autre trouve la douche, un troisième le savon, un quatrième ajoute les fleurs, et ainsi de suite. Certaines idées ont peut-être été discutées longuement, modifiées, d’autres en revanche ont été immédiatement acceptées avec joie, et en sautant en l’air (je ne sais pas pourquoi, mais j’insiste : ils sautaient en l’air), ils se frappent les mains les uns les autres.... »

Vous aurez remarqué, je parle du « narrateur ». Pas de Kertész. Comme si je parlais du personnage principal de « La recherche du temps perdu ». C’est le problème posé dans « Contre Sainte Beuve » de Proust aussi justement. « Être sans destin » est-il un roman autobiographique récit de la vie de Kertész ? Ou est-ce malgré tout autre chose ? Au début, je n’avais pas de doute. La vie de Kertész, tout simplement. Puis j’ai lu différentes choses concernant l’auteur. Notamment un objet inclassable : « Kaddish pour un enfant qui ne naîtra pas ». Et voilà que le Kertész d’un Être sans destin, partiellement assez positif, se transformait en un écorché vif, reclus dans sa haine. C’est un soliloque haletant, une logorrhée apparemment non maîtrisée par Kertész, un cri de douleur, le « fruit » d’une déchirure à vif. Une lecture franchement difficile. Un monologue craché par un atrabilaire reclus dans une haine généralisée comme il est reclus dans son HLM. Rage de vivre ou rage d’avoir survécu ? Alors qui était Kertész ?

Était-il l’homme positif qui aura pu survivre à tout, à la déchéance absolue des camps, à la dictature soviétique, celui qui déclarait au journal Le Monde, avec un sourire un brin énigmatique « Vous remarquerez que je ne me suis pas suicidé. Tous ceux qui ont vécu ce que j’ai vécu, Celan, Améry, Borowski, Primo Levi… ont préféré la mort.», celui qui est mort presque paisiblement à ses 80 ans ? Celui qui ne recule pas devant l’humour grinçant, comme dans Kaddish : « Quelqu’un fit la proposition que chacun dit où il avait été. Alors me viennent Mauthausen, la Sibérie, Ravensbruck, le siège de la Gestapo à Budapest, Buchenwald... Je craignais déjà que ce fut mon tour, mais heureusement, je fus devancé : Auschwitz dit quelqu’un avec la voix modeste mais assurée du vainqueur, et l’assemblée hocha gravement la tête. Imbattable admit le maître de maison, avec un sourire mi-figue mi-raisin, mais au fond admiratif. » Celui qui croit encore à l’humanité, puisqu’au sein de l’horreur des camps, quelques actes fugaces, nécessairement individuels, rendent à l’homme une certaine dignité. Ainsi lorsqu’un détenu a par hasard l’occasion de s’emparer de la nourriture d’un autre puis renonce finalement : « Monsieur l’instituteur a eu la possibilité de doubler ses chances de survie,... et cette chance de survie qui s’offrait à lui en plus de la sienne et qui était en réalité la chance d’un autre ; cela montre, comment dirais-je, que l’acceptation de cette chance supplémentaire aurait anéanti sa seule chance de vivre encore éventuellement et de rester en vie. ». La dignité de l’âme plutôt que celle du corps.

Était-il celui de Kaddish, écorché sardonique, qui écrivait :

« Ce qui est inexplicable et inconcevable, c’est le bien » « Oui, c’est alors, durant mon enfance, durant mon éducation qu’a commencé mon impardonnable anéantissement... J’ai pris une part modeste et pas toujours efficace au complot silencieux ourdi contre ma vie...»

« Je suis incapable de m’adapter [..] à la vie, et malgré cela, j’existe quand même, je suis et je vis tout en sachant que j’en suis incapable comme je le voyais déjà dans ma prime jeunesse : l’assimilation me tuerait plus vite que la non assimilation, qui me tue de toute façon. Et de ce point de vue, il est parfaitement égal que je sois juif ou non, bien que la judéité soit ici, c’est indiscutable, un grand avantage».

«La survie recèle un tout petit peu plus de honte, surtout si on a fait tout son possible pour survivre » (notez que ce dont il s’agit ici semble être non pas la honte de celui qui a survécu au détriment des autres, par exemple dans les camps, mais plutôt la honte à s’être acharné à survivre dans un tel monde). Celui de Liquidation (Actes sud, 2004), dont le personnage principal dit : « Le mal est le principe de la vie (…). Ce qui est véritablement irrationnel, c’est le bien. » Celui qui se reproche tout bonheur. (Du prix Nobel, il dit : « la catastrophe du bonheur » dans un propos recueilli par Florence Noiville pour Le Monde). Comment ressentir du bonheur et de la joie dans un monde qui a fait, ou laissé faire, tout ce qu’il a fait ? Il passe son temps à refuser le bonheur et à le refuser aux autres.

Était-il plutôt celui qui ne vit plus que pour combattre et témoigner en utilisant son art d’écrire, devenu la seule raison de sa survie : « ... je ne peux pas faire autre chose quand j’écris, je me souviens, je dois me souvenir...et même presque certainement, nous savons et nous nous souvenons pour qu’il existe quelqu’un qui ait honte à cause de nous ». Ou dans Kaddhish : «J’étais encore loin de la connaissance de la véritable nature de mon travail qui n’est finalement rien d’autre que de creuser cette tombe que d’autres ont commencé à creuser pour moi dans l’air ». Par tombe dans l’air, entendre celle où se dissipent les fumées des fours crématoires. Ou dans L’Holocauste comme culture (Actes Sud, 2009) «Je peux dire peut-être que cinquante ans après, j’ai donné forme à l’horreur que l’Allemagne a déversée sur le monde (…), que je l’ai rendue aux Allemands sous forme d’art.»

A vous de vous poser ces questions en entrant dans ce livre qui porte autant au respect qu’à une réflexion sur notre monde.

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Commentaire ajouté par mcchipie 2023-03-06T15:31:01+01:00
Lu aussi

Voilà un ouvrage qui n'a pas tenu sa promesse avec moi. En demande-je trop? je ne sais pas. L'histoire est poignante, elle ne le pourrait être plus dans la mesure ou cet adolescent est parti le matin travailler durant la seconde guerre mondiale à Budapest, ne reverra jamais sa belle-mère. Il sera arrêté sur le chemin du travail, confiné, puis envoyé en camps.

Cependant, l'écriture me gène et m'éblouis à la fois. C'est écrit avec un tel détachement, qu'on en vient à douter du récit. Cependant lorsqu'on se rend compte que c'est la voix d'un ado qui s'exprime, on comprends. L'adolescence n'est elle pas la période ou on est auto centré sur soi-même! Savoir que l'auteur a su retranscrire ce qu'il a vécu avec la voix qu'il avait à l'époque est grandiose. Ceci étant, je n'ai pas été transcendée. Bref, une lecture qui ne me laissera pas de gros souvenirs, malgré tout le respect dû au fait qu'il s'agit d'un témoignage.

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Commentaire ajouté par corinne18 2021-04-01T19:42:14+02:00
Argent

'est une écriture limpide, presque transparente (c'est en tout cas mon avis...) et même si elle peut soutenir diverses analyses je la trouve aussi simple et efficace, sans fioriture. Une écriture dénudée. Après avoir lu plusieurs ouvrages sur l'univers concentrationnaire il est intéressant aussi pour moi (et c'est une réflexion personnelle) de lire tout simplement (sans les opposer, les comparer, les recenser) les différents auteurs qui ont écrit sur leur déportation et leurs séjour dans des mêmes lieu, avec cette réflexion muette sur la mémoire de chacun, la transmission, la perception de l'humain sur les instants de sa vie, qu'ils soient dans un détail insignifiant ou dans un évènement catégorique.

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Commentaire ajouté par z_anis 2020-05-05T21:37:01+02:00
Diamant

J'ai lu pas mal de bouquins sur l'expérience du camp de concentration. Celui là est de loin, de très loin même, le meilleur.

Evidemment, c'est dur. De notre point de vue de lecteur qui connaît l'histoire, c'est même terrible, car ce gamin (Imre a une quinzaine d'année à l'époque) est toujours en décalage avec la réalité. Il décrit avec un esprit naïf et décalé, presque indifférent, le monde d'adultes qu'il voit autour de lui. On a envie de lui hurler la vérité. Et puis petit à petit, on arrive à comprendre son point de vue, on entre dans son monde.

Et puis il y a aussi la manière dont Imre Kertész décrit les gens, les lieux, les événements... Je n'avais jamais lu ça avant. Malgré le thème violent, c'est drôle, frais. Le choix des mots est fondamental chez Kertész. On en prend plein la gueule. L'absurdité de la vie, du genre humain. Ce bouquin est un crochet au foie, mais on en redemande. A lire de toute urgence !

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Commentaire ajouté par kadeline 2020-01-07T08:46:14+01:00
Argent

Imre Kertesz est un auteur qui a eu le prix Nobel de littérature en 2002. Etre sans destin est un récit autobiographique qui raconte sa vie pendant la seconde guerre mondiale. Il est a ce moment là, un ado juif hongrois. Il se fait rafler et part dans les camps. J’ai été très très mal à l’aise face au parti prix de l’auteur mais c’est aussi ce qui rend ce texte puissant. Le récit est raconté avec une candeur extrême, on est à la limite d’un discours fait par « l’idiot du village ». C’est d’un optimiste déroutant. Il annonce tout, même le pire sur le ton qu’on prend pour parler de la pluie et du beau temps. Tout est normal, il n’y a jamais de soucis, tout est comme ça. Il accepte, se réjouit du moindre petit rien. C’est assez compliqué à lire mais pas de la façon habituelle quand on lit un récit sur les camps de concentration, quand on aborde l’horreur. Là il y a un tel contraste entre la façon dont il raconte et ce qui se passe réellement que c’en est vraiment déroutant, malaisant.

On ne s’attend pas à quelque chose de limite joyeux et pourtant c’est ce que l’auteur nous propose. Je suis très contente de l’avoir lu, c’est un texte marquant. Ce qui m’en restera c’est définitivement le contraste entre le ton et l’histoire et une phrase à la fin qui explique le choix de ce ton.

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Commentaire ajouté par fanfan50 2017-04-06T18:37:27+02:00
Diamant

J'ai aimé cette histoire touchante.

Un jeune ado de 15 ans à Budapest après l'envoi de son père dans un camp de travail, deux mois plus tard est réquisitionné pour travailler dans une société comme maçon. Un jour, en allant au travail, il prend un bus qui est arrêté par un policier qui demande à ce que les juifs en descendent. Et regroupé avec plusieurs autres de son âge, il est acheminé à Auschwitz où il reste quelque temps avant de partir à Buchenwald puis à Zeitz. Il raconte sa vie dans les différents camps de concentration avec beaucoup d'ingénuité : un candide qui se serait égaré dans un no-man's land. C'est naïf, simple mais cela a des accents de vérité. Pas étonnant qu'Imre Kertész ait obtenu le prix Nobel.

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Commentaire ajouté par crazydog 2017-01-09T14:49:06+01:00
Or

Un témoignage incroyable sur l'univers concentrationnaire.

Imre Kersetz réussit en effet, 20 ans après l'avoir vécu, à retranscrire une année passée à Buchenwald à travers les yeux d'un gamin de 15 ans.

Et cela donne un récit hors norme, froid, distant, ou les faits bruts sont exposés en dehors de toute émotion.

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Commentaire ajouté par hulottebriarde 2016-04-08T11:10:29+02:00
Diamant

Je m'étais engagée à lire un livre de cet auteur, pour m'excuser de l'avoir confondu (problème d'audition avec Marek Halter) Je ne savais rien de lui.

Je viens de finir son livre, et je suis bouleversée.

Etre sans destin, le quotidien d'un camp de concentration vécu par un adolescent Hongrois de 15 ans, l'horreur racontée avec un certain détachement. Il traverse les pire épreuves, jour après jour, son principal ennemi étant l'ennui.

Et puis le retour...

Et le fossé qui s'est creusé... Les gens lui disent d'oublier, mais il ne peut pas. Il tente de leur expliquer, mais c'est l'incompréhension totale.. De son année de souffrance, il s'est forgé une philosophie. C'était son destin, il devra vivre toute sa vie avec.

"S'il y a un destin, la liberté n'est pas possible (...)

Si la liberté existe, alors il n'y a pas de destin (...)

C'est à dire que nous sommes nous-mêmes le destin"

Imre Kertesz

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Commentaire ajouté par passiondulivre88 2015-08-07T21:53:06+02:00
Lu aussi

Œuvre émouvante. Comment ne pas être profondément troublé devant de telles conditions de détention endurées au jour le jour par ce jeune Hongrois n'ayant que pour seul et fidèle compagnon, l'ennui (état devançant très fréquemment la peur) ? Les dernières pages où le narrateur s'exprime quant à sa liberté, son destin, sont particulièrement bouleversantes et même parfois surprenantes.

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Commentaire ajouté par Cherry 2014-07-25T23:54:30+02:00
Argent

Ce livre était excellent même si j'avoue avoir eut du mal a entrer dans l'histoire. C'était étrange de connaître la vie des camps de concentrations a travers les yeux d'un ado de mon âge. Tout au fil du livre on assiste a sa métamorphose: au début on le voit enfant, gamin sans se préoccuper de quoi que ce soit. Et a la fin, en l'espace d'un an alors qu'il a que 16 ans on a l'impression qu'il a vécut une vie entière et a tout connut. Il est devenu un homme en un an et prends la vie avec philosophie on peut dire: il ne voit pas son année, sa souffrance dans les camps comme un malheur qui devait être oublié, effacé ce qui est tout à fait impossible mais comme quelque chose qui devait lui arriver qu'il devra vivre avec jusqu'à la fin de sa vie.

C'est un roman que je conseil à tous ceux qui sont intéressés par cette importante période de l'histoire.

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Date de sortie

Être sans destin

  • France : 1990-01-01 - Poche (Français)

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Note globale 7.92 / 10

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