Eugene Bullard

C'est par hasard, en regardant un soir sur la TNT le film "Flyboys", que j'ai découvert qu'un Afro-américain avait été pilote de chasse sous uniforme français pendant la 1ère guerre mondiale. Quelques recherches sur la toile m'ont donné un nom : Eugène Bullard.

Une vie extraordinaire que celle d'Eugène Bullard, mais attention ! Ce livre est celui d'un écrivain, non d'un historien et cela se ressent. Pourtant, sur la 4è de couverture, on nous présente implicitement ce livre comme une biographie. Pourquoi ? parce qu'on nous donne les dates d'Eugène Bullard.

Bien sûr, on peut ne pas avoir suivi un cursus d'Histoire et publier des livres d'histoire, quand on est journaliste, par exemple. Certains le font et ils le font très bien. Et puis, l'auteur est tout de même normalien, ce qui n'est pas rien. Sauf que là, ça ne passe pas.

Alors, en quoi cela se ressent, que ce livre n'est pas celui d'un historien ?

1 - d'abord, il n'y a aucune référence, aucune note, pas même une bibliographie. Quelles ont été les sources de l'auteur, quelle documentation a-t-il consultée, quels ouvrages ? Mystère.

2 - en outre, l'auteur commet des erreurs historiques, aïe aïe aïe : il nous ressert, en effet, le coup du plan de Falkenhayn pour Verdun. Cela consistait en quoi ? en cette idée, tenace, mais qui ne tient plus (cf article de G. Krumeich et A. Prost, "La construction d'une légende" in L’Histoire n°423, mai 2016), que l'Allemagne aurait voulu y "saigner à blanc l'armée française". On le sait aujourd'hui, c'est un mythe, le fameux document n'existe pas et l'examen du journal de Falkenhayn le confirme. Mais les mythes ont la vie dure !

3 - au niveau du style, ce n'est pas ça, non plus, cela manque de sobriété. L'auteur, sans doute en cherchant à s'approcher au plus près du personnage, donne l'impression d'écrire en discours indirect libre.

Or, soit on écrit un roman, soit on écrit une biographie, mais pas les deux. La biographie est un exercice difficile sinon périlleux car le risque de se sentir trop proche de la personne étudiée est grand et cela peut conduire à un manque d'objectivité regrettable. Et Claude Ribbe est tombé dans le piège, je le crains.

Alors, soyons clairs, tout cela n'enlève absolument rien à l'intérêt que mérite Eugène Bullard et le livre reste intéressant pour cette raison. On y découvre en effet un sacré personnage, qui s'est battu pour être traité dignement et qui mérite notre chapeau, notre gratitude, pour son courage et sa détermination. C'est une sacrée leçon qu'il nous donne, une leçon qui nous fait du bien. Ravie de vous avoir "rencontré", M. Bullard et merci.