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Everworld.
Sans qu’on sache comment ni pourquoi, les anciens dieux de la terre avaient décidé d’abandonner le monde réel. Qu’est-ce qui les y avait poussés? Nous l’ignorions. Nous savions seulement qu’un jour, les divinités des Vikings, celles des Grecs, des Aztèques, des Incas et des Égyptiens et l’innombrable panthéon des Immortels en avaient eu assez du monde réel, de notre monde.
Ils avaient déménagé. Ils s’étaient construit un nouvel espace-temps bien à eux, un nouvel univers.
Ils avaient emporté dans leurs bagages toutes les créatures mythiques et légendaires, ainsi que bon nombre d’humains. C’est vrai, à quoi servirait d’être un dieu s’il n’y avait personne pour lécher vos pieds d’immortel ?
Au début, tout a marché comme sur des roulettes. Enfin, j’imagine parce qu’en fait, je l’ignore. Je ne sais pas grand-chose de cette histoire.
Mais voilà qu’un beau jour, sans qu'on sache pourquoi, dans ce paradis, mélange d’Asgard, d’Olympe et de Côte d’Azur, dans cette retraite cosmique pour dieux de la Guerre, de l’Amour, du Vin, de la Malice, de la Mort - et sans doute de la Pizza - des étrangers sont venus jouer les trouble-fête.
Afficher en entierNous avons atteint les lignes aztèques. Ils formaient deux rangées tellement serrées qu’on entendait leurs boucliers frotter les uns contre les autres, les épées et les haches battre sauvagement l’air.
J’étais derrière David. Un Aztèque a foncé sur lui. Il a esquivé l’attaque, puis a transpercé l’homme de son épée avant de reprendre sa course.
Le guerrier s’est écroulé. Il n’était pas mort, pas encore. Mais du sang et un truc noir coulaient à travers ses mains qu’il tenait sur son ventre
Un son sortait de moi, comme le gémissement d’un animal blessé, un cri inarticulé que je psalmodiais. Il mon tait de ma gorge et je n’avais sur lui aucun contrôle, ni d’autre choix que de le laisser sortir.
Je fus énergiquement écarté par Thorolf, un Viking qui nous avait pris sous sa protection. Il braillait, rugissait, agitait au-dessus de sa tête sa lourde hache et l’abattait à tour de bras tel un Titan.
J'étais à terre.
J’avais du sable dans la bouche, le souffle coupé.
Afficher en entierMais voilà que, allez savoir pourquoi, j’avais perdu mon sens de l’humour. Moi, pauvre lycéen que j’étais, je me retrouvais entouré d’une horde de sauvages qui puaient la sueur, une bande d’agités qui se ruaient sur un bataillon d’Aztèques.
Les Aztèques, autrement appelés les cannibales, les buveurs de sang, les incinérateurs de chair humaine, les voleurs de cœur. Les Vikings avaient pour ce peuple toutes sortes de petits noms charmants. Ils ne voyaient en lui qu'une nation de tueurs psychopathes au service d’un dieu maléfique. Et les Vikings ne sont pas exactement des enfants de chœur.
Les Aztèques étaient devant nous, rangés sur deux lignes. Ils avaient l’air parfaitement ridicules dans leur accoutrement.
Ils portaient des coiffes de plumes. Ils se déguisaient en jaguars et en aigles. Ils tenaient devant eux des boucliers faits de bouts de bois.
Au premier regard, leurs épées semblaient aussi redoutables que le museau d’un poisson-scie mais, ensuite, on se rendait compte que ce n’était que des bâtons au bout desquels étaient fixés des morceaux de pierre pointus. Elles ne faisaient pas le poids contre une lame de métal, même une lame rouillée et ébréchée façon boîte de conserve comme celles qu’utilisaient les Vikings.
Afficher en entierDans le monde réel, les Vikings n’ont jamais fait la guerre aux Aztèques.
Mais ce n’était pas le monde réel.
Je serrais dans ma main une épée. Mes doigts étaient tellement crispés sur la poignée que le sang avait cessé de circuler dans mes phalanges.
Je respirais par saccades. Il entrait si peu d’air dans mes poumons que j’aurais dû tomber dans les pommes. Je devais respirer, mais je ne pouvais pas. Il aurait fallu pour cela que je soulève ma poitrine, que je dénoue mon estomac. Je n’y arrivais pas.
Mon corps n’était plus qu’étaux, des étaux se refermant sur d’autres étaux, tous vissés à fond, à en faire craquer les os et hurler les muscles.
Je courais. Les jambes raides, comme une marionnette. J’étais sans doute bizarre à regarder. J’avançais par grands bonds étranges, et mes genoux tantôt me portaient, tantôt se dérobaient sous moi.
Zoom arrière sur la scène. Si vous élargissez le cadre, vous verrez que je n’étais qu’un idiot terrorisé de plus dans une foule qui en comptait des milliers. Us étaient tout autour de moi, devant, derrière et sur les côtés. Grands, barbus, vêtus d’armures disparates, des casques sur la tête, ils balançaient leurs haches, agitaient leurs épées, criaient, vociféraient, couraient, couraient et tombaient, puis se redressaient pour charger encore, toujours hurlant à pleins poumons.
Je remontais la plage. Mes pieds foulaient le sable chaud et s'enfonçaient à chaque pas. Le sable m’aspirait. Il essayait de m’arrêter, de me retenir dans ma course suicidaire.
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Mais ce n'était pas le monde réel".
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