Exercices spirituels et philosophie antique

J'ai acheté ce livre suite à ce que j'avais entendu sur France Culture de la bouche de Michel Onfray. Il fut laborieux à lire mais je ne regrette pas l'effort. La seule chose que je puisse lui reprocher, c'est qu'on ait procédé à une forme de remplissage en incluant des paragraphes comme "Postface à la seconde édition", "Entretien avec Pierre Hadot" ou "Conversion".

"La vraie philosophie est donc, dans l'Antiquité, exercice spirituel. Les théories philosophiques sont ou bien mises explicitement au service de la pratique spirituelle, comme c'est le cas dans le stoïcisme et l'épicurisme, ou bien prises comme objet d'exercices intellectuels, c'est-à-dire d'une pratique de la vie contemplative qui n'est elle-même finalement rien d'autre qu'un exercice. Il n'est donc pas possible de prendre les théories philosophiques de l'Antiquité sans tenir compte de cette perspective concrète qui leur donne leur véritable signification."

Ce paragraphe extrait de la page 65 du livre fut pour moi une véritable révélation. Elle étaie également l'idée que les mathématiques sont consubstantielles à la philosophie. Elles en constituaient un exercice. Cela était déjà patent chez les pythagoriciens grâce à la définition du nombre rationnel et d'un univers constitué d'une imbrication des cinq polyèdres convexes réguliers. En outre même les savants de l'Antiquités se rattachaient toujours à une école philosophique. Le développement de leurs théorèmes mathématiques ou astronomiques ne modifiaient en rien les principes fondamentaux de l'école à laquelle ils adhéraient parce que le théorème était le résultat de l'exercice.

Les dogmes et les règles de vie, tout philosophe devaient les avoir sous la main pour pouvoir se conduire en philosophe dans toutes les circonstances de la vie. Dans chacune des écoles philosophiques, cela constituaient une trousse à outil pour affronter les événements, pour méditer sur la mort, pour jouir en toute conscience du moment présent. La théorie pour elle-même n'a jamais été considérée comme une fin en soi. Les productions littéraires des philosophes étaient donc pour leur plus grande part une préparation ou un prolongement ou un écho de leur enseignement oral. Elles étaient marquées par les limitations et les contraintes qu'impose une telle situation. En aucun cas ce n'étaient des traités.

La philosophie antique proposait donc à l'homme un art de vivre, au contraire de la philosophie moderne qui se présente avant tout comme la construction d'un langage technique réservé à des spécialistes. C'est le christianisme qui marqua ce divorce.

Le monachisme en Égypte et en Syrie est né et s'est développé en milieu chrétien, d'une manière spontanée, sans l'intervention d'un modèle philosophique. Mais, sous l'influence alexandrine, certaines pratiques spirituelles philosophiques ont été introduites dans la spiritualité chrétienne et monastique. L'on a décrit, défini, et en partie, pratiqué l'idéal chrétien, en empruntant modèles et vocabulaire à la tradition philosophique grecque.

Ce courant s'est imposé par ses qualités littéraires et philosophiques. C'est lui qui a transmis à la spiritualité chrétienne du Moyen Âge et des Temps modernes l'héritage des exercices spirituels antiques édulcorés.

Dans la même lignée et plus spécifiquement pour consolider une connaissance de Plotin récemment acquise, j'attendais avec impatience que ce livre me confirmât que le concept des hypostases propre à ce Plotin et au néoplatonisme était à la base de l'idée de la sainte trinité chrétienne. WIKIPEDIA semblait abonder dans ce sens. Mais, bien qu'il ne s'y opposât point, dans ce livre je n'ai pas trouvé de confirmation magistrale à cette hypothèse.

Particulièrement disert sur le stoïcisme et Marc-Aurèle, de par leur démarche, l'auteur n'en unifie pas moins les différentes écoles de philosophie, c-à-d les cénacles de ceux qui aiment la sagesse. Elles ont toutes la même articulation. Toutes elles prônent une admiration pour un univers dont l'homme est partie. Toutes elles reconnaissent que sur ce tout plus grand, nous ne pouvons avoir aucune influence et que la curiosité vers cet univers est une vertu cardinale du philosophe. En outre chaque école philosophique se préoccupe d'autrui et toutes elles recherchent l'évitement du mal moral. Elles différent par la manière de s'occuper d'autrui, par les exercices à faire pour atteindre la sérénité.