Faceless inc

La porte du cabinet s’ouvrit et livra passage à un homme de petite stature, à la démarche traînante. Il salua la réceptionniste d’un sourire contrit, puis quitta l’endroit. Sa consultation, sans doute chèrement payée, ne lui avait de toute évidence pas remonté le moral.

Le psychiatre émergea de son bureau, une pile de dossiers sous le bras. Le Dr Stromer souffrait d’une calvitie avancée, qu’il tentait maladroitement de dissimuler en rabattant sur son crâne une touffe de cheveux. Veston en tweed et nœud papillon marron, il semblait tout droit sorti d’un vieux film anglais. Ne manquait plus qu’une pipe pour compléter le portrait.

Le psychiatre déposa les dossiers sur le comptoir et se saisit de celui que lui tendait la réceptionniste. Le Dr Stromer tourna la tête vers la salle d’attente. Lorsqu’il m’aperçut près de l’entrée, j’eus l’impression qu’un courant glacial me traversait. Ce ne fut pas la dureté de son regard qui me troubla, mais bien la stupeur que je lus sur son visage.

Pourquoi était-il si surpris de me voir ici ? Claire était pourtant venue le consulter deux fois au cours de la semaine. Il glissa un mot à sa secrétaire, puis disparut dans son bureau.

— Vous pouvez le suivre, m’annonça la dame.

J’étais tout à coup encore bien moins motivée à le rencontrer. J’avais déjà le pied pris dans l’engrenage. Je ne pouvais plus reculer. Sans compter que ma curiosité me poussait à en découvrir davantage sur l’historique récent de Claire. C’est donc sous les regards mécontents des deux patientes que je m’introduisis dans le cabinet de consultation. Le Dr Stromer était installé sur sa chaise en cuir rembourré. Les mains croisées sur le dossier médical ouvert devant lui, il affichait désormais une expression neutre.

— Ma secrétaire m’a avisé que vous ne vous sentez pas bien. Que puis-je faire pour vous aujourd’hui, mademoiselle Bowman ?

Malgré son ton courtois, je discernai dans sa voix une note d’incertitude, voire même de nervosité à en juger par ses pouces qu’il frappait l’un contre l’autre de façon répétitive. La peur m’étreignit. Je devais mener à bien cette mission, sans quoi je risquais ma liberté. Je m’assis du bout des fesses sur l’un des deux sièges placés face au bureau du psychiatre. Je pris une profonde inspiration et me lançai.