Extraits

Ses yeux noirs de désespoir tombent soudain dans les miens. Ma main enlace sa taille minuscule et je me penche pour soulever son corps qui ne pèse rien. Je la cale d’une main sur mon épaule, me remets à courir et continue à envoyer les coups de ma main libre pour me débarrasser des derniers Malgaches récalcitrants. La brune caractérielle se débat dans mon dos, me frappe de ses petits poings excités, je resserre ma prise sur ses cuisses nues, et quelque chose me dit qu’à un autre moment, dans une autre vie, nos peaux s’entendraient très bien. Pour l’instant, je la balance dans le pick-up à côté de sa copine. Et je le fais sans ménagement, histoire que Sam ne me prenne pas pour le chevalier blanc sauvant la princesse au bois dormant.

Non, elle, c’est une foutue princesse rebelle.

Qu’est-ce que je disais ? ! Pauvre petite princesse, elle a peur que la grosse brute lui fasse du mal…

Apparemment, je ne suis pas le seul occupant de cette suite de luxe. Il a dû y avoir erreur sur la réservation des chambres. Deux filles m’observent de loin, terrées à l’autre bout de la cabane et blotties l’une contre l’autre, l’air méfiant. D’habitude, j’aime bien faire peur aux gens. Ça m’évite d’avoir à sourire, ou pire, faire la conversation. Mais là, je dois faire vraiment peur avec mes cheveux longs rabattus sur mon visage crasseux, mon tee-shirt beige maculé de sueur et de sang, ma blessure à la tête et ma trop grande carcasse à la peau trop claire. Ouais, je fais un peu tache au milieu des locaux, petits, secs, bruns et bronzés comme il faut.

Sans prononcer un mot, je vais m’écrouler dans le coin opposé et laisse les filles s’habituer un peu à moi. Pendant ce temps-là, je peux les mater discrètement sous mon épais rideau de cheveux. L’une ressemble à la photo que m’a fournie le milliardaire : une jolie petite brune aux cheveux courts, corps menu, belle bouche, grands yeux noirs mystérieux, air inaccessible. Du genre sexy mais vraie chieuse, qui aime bien faire la gueule. Sa copine a de longues tresses, la peau plus mate, de jolis yeux en amande et des formes plus féminines. Mais un style roots, un grand sourire, un visage avenant : trop sympa pour moi.

- Takk. Har du ingen roligere rom?

-Hein?? disent-elles en choeur.

-Er frokosten inkludert?

Je viens de leur demander si elles n'ont pas une chambre plus calme à me proposer. Et si le petit déj est inclus. On se marre comme on peut.

Puis elles se mettent à débattre pour tenter d'identifier ma langue natale, persuadées que je ne les comprends pas. La fille à papa propose même une traduction improvisée de mes propos:

-"Et comment veux-tu que je boive, mignonne, avec mes mains attachées dans le dos? En lapant? Tu troues que j'ai une gueule de chaton?"

Ça me fait marrer mais je baisse la tête et me cache à nouveau sous mes cheveux pour masquer mon sourire. Au moins, elles vont me foutre la paix pour quelque temps.

Pour 400 000 dollars, j'ai promis à un connard plein aux as de lui ramener sa petite princesse en or massif dans sa villa tout confort de Santa Monica. Comme je suis grand seigneur, j'en ai laissé 100 000 à mon petit frère, Samuel, qui a insisté pour m'accompagner dans cet enfer.