Farm Doll's

Arrivés à la porte de la chambre de Tyrens, nos mains se posent ensemble sur la poignée dans un même élan et l’once d’électricité qui lèche ma peau sous sa paume chaude, me tire un petit sursaut. Nos visages se redressent en même temps et automatiquement nos regards s’attrapent. Mon souffle se coupe alors que nos iris, plantés les uns dans les autres, s’épient curieusement. J’ai l’impression que mes propres sensations se reflètent dans un miroir et que l’atmosphère autour de nous se gorge d’une tension que ni l’un ni l’autre ne contrôlent. Seuls les ronflements désordonnés de Tyrens viennent assiéger le silence qui s’est abattu dans la chambre.

Nos doigts sont toujours en contact et je frissonne nerveusement lorsque son pouce caresse légèrement mon poignet. Je suis brusquement désorienté par la douceur du geste auquel je ne m’attendais pas. Ce n’est qu’un effleurement mais jamais un homme ne m’a touché de cette façon-là, pas même une femme, d’ailleurs, en général, je suis celui qui donne. Ça me paraît tellement intime… Le sang s’emballe dans mes veines alors que je reste planté là comme une statue, les yeux rivés dans les siens, hypnotiques. Je ne sais pas ce qui se passe et je suis proche de paniquer quand nos visages se rapprochent simultanément, avec une lenteur qui exacerbe la tension entre lui et moi.

Je devrais lui ordonner de sortir d’ici. Vite. Oui, je devrais, mais ma raison semble avoir complètement disparu de mon esprit. Mon esprit est uniquement déréglé et fasciné par cette bouche qui s’avance vers la mienne. Mon esprit qui est déjà bouleversé à l’idée de découvrir quel goût ont ses lèvres.

Et cette putain d’attraction qui me pousse en avant… Ses yeux se voilent d’un tourment visible et palpable. Je prends soudainement conscience qu’il est dans le même état de panique dans lequel j’ai sombré, et que rien ne pourra empêcher nos bouches de se rejoindre malgré l’angoisse qui nous submerge. J’ai la conviction d’une catastrophe imminente…

Je tremble comme une feuille, incapable de gérer toutes les sensations contradictoires qui se battent les unes contre les autres dans mon cerveau. Je suis pris d’une fébrilité inexplicable, d’une impatience que je n’ai jamais connue et je me demande fugacement si je ne suis pas en train de rêver. Bien sûr que non, je ne rêve pas, j’ai bien conscience de sa chaleur corporelle trop proche.

Quand nos lèvres s’effleurent enfin, j’ai l’impression de glisser dans un monde de ténèbres où des flashs explosent pour éclairer mon parcours. Mon ventre se noue sous la colonie de papillons qui s’agitent d’affolement. La sensation est tellement fulgurante que mon cœur bondit comme s’il allait se détacher et envoie le sang cogner à mes tempes.