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Barrogill, comté de Caithness,

Écosse, mai 1813

Hannah Dounreay était bien consciente qu’elle aurait mieux fait de détourner le regard. Mais comment aurait-elle pu ignorer cet homme qui évoluait sur le terrain de jeu tel un guerrier des temps anciens ? Elle n’aurait su dire ce qui l’impressionnait le plus : sa chevelure bouclée d’un noir de jais agitée par la brise, la largeur de sa carrure, ou le contour énergique et puissant de son menton – pour ne rien dire de sa silhouette athlétique revêtue du tartan des Sinclair. Ce qui semblait certain, c’est que quelque chose en lui avait capté son attention.

Grand et fier, jambes nues sous le traditionnel kilt, il dominait de la tête et des épaules les autres hommes. Il semblait même plus grand que le père de Hannah, qui n’était pourtant pas un gringalet.

Sous les cris et les huées de l’assemblée –  provocations de ses adversaires cherchant en vain à le déstabiliser  –, il examinait l’empilement de troncs mis à sa disposition. Ses biceps saillirent de manière impressionnante lorsqu’il en souleva un pour le soupeser. Hannah retint son souffle devant cette démonstration de force, qui lui procurait une drôle d’émotion. Elle regrettait que la distance l’empêche de distinguer ses traits.

Après avoir choisi son projectile, il se figea, le temps de viser. Les cris redoublèrent, sans pour autant le troubler. L’homme prit son élan et lança dans un grondement sourd le tronc qui fila en l’air telle une flèche et alla retomber bien plus loin que tous les autres, dans un jaillissement de poussière et sous les acclamations de la foule. Même si les viriles démonstrations de force et les jeux archaïques la laissaient habituellement de marbre, Hannah ne pouvait nier qu’elle était impressionnée. Sans le moindre effort apparent, cet homme triomphait de tous lesautres.

Hannah vit alors son père s’approcher de l’inconnu et le congratuler d’une bourrade dans le dos. Il lui glissa quelque chose à l’oreille, et l’homme se mit à rire de bon cœur en rejetant la tête en arrière.

Avec un pincement au cœur, Hannah entendit ce rire dominer le brouhaha ambiant. Le Highlander se retourna alors, lui offrant un aperçu de son visage –  rude, sévère comme une lande, mais illuminé par un sourire frappant.

Oui, elle aurait réellement mieux fait de détourner le regard, mais il était trop tard à présent…

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— Je suis ravie de t’avoir épousé… et si honorée d’être ta femme. Je sais que je ne te l’ai jamais dit, mais… je t’aime aussi, de tout mon cœur.

Son sourire se fit triomphant.

— Aye, murmura-t-il. Aye, ma douce… je sais.

— Tu sais ? s’étonna-t-elle, un peu déçue.

— Je le sais à la façon que tu as de me regarder, de me sourire. Je le sens dans tes caresses et quand tu te loves dans mes bras.

Hannah se mordilla la lèvre inférieure.

— Je me suis donc trahie ?

— Hannah, mo ghraidh… Pour comprendre certaines choses, il n’est pas besoin de parler. Certaines choses… parlent d’elles-mêmes.

Que plus aucune parole ne fût nécessaire entre eux se révéla bien commode durant toute la nuit, et jusque tard le lendemain matin…

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Alexander fronça les sourcils. Son chien ne se comportait de la sorte que lorsqu’un danger menaçait. Quittant son lit, il le rejoignit. Retenant l’animal par le cou, il ouvrit la porte afin de voir ce qui se trouvait de l’autre côté. Il fut surpris de voir le chien lui échapper aussitôt et se précipiter dans le salon attenant. Découvrir au milieu de celui-ci Hannah le surprit davantage encore. Son pouls s’accéléra à sa vue. Sa future femme était donc déjà arrivée ? Quelle heure pouvait-il être ? Combien de temps avait-il dormi ?

Il ne rêvait pourtant pas : elle se tenait bien là, ses cheveux d’ébène bouclant autour de son délicat visage, les mains jointes devant elle et les yeux… écarquillés par la peur. De ses lèvres entrouvertes jaillit un nouveau cri de frayeur lorsque le chien bondit vers elle, tous crocs dehors.

— Brùid, au pied ! ordonna-t-il.

Mais celui-ci, habituellement si obéissant, l’ignora totalement. Le cœur au bord des lèvres, Alexander vit son compagnon de toujours charger la femme qu’il devait épouser. Le cours du temps parut soudain ralentir. La panique nouait son ventre. Devrait-il la perdre avant même qu’elle ait pu être à lui, et d’une si atroce manière ?

Mais Brùid ne lui sauta pas à la gorge. Après avoir renversé Hannah au passage, il se rua dans la chambre attenante. Le soulagement d’Alexander fut de courte durée. De la pièce voisine lui parvint une cacophonie de bruits sourds et de grognements, comme si tous les démons de l’enfer s’y déchaînaient.

Hannah lui lança un regard noir et se remit rapidement sur ses pieds, avant de se ruer dans sa chambre. Il fit de même et s’immobilisa sur le seuil. La bête qu’il avait passé de longues années à discipliner, jusqu’à ce qu’elle lui obéisse au doigt et à l’œil, gambadait tel un chiot joueur devant l’âtre, la queue battant l’air à tout-va, abreuvant de ses aboiements la boule de poils hérissée et sifflante qui avait trouvé refuge sur le manteau de la cheminée.

L’irrépressible besoin de rire s’empara alors de lui. Alexander n’était pas homme à rire de tout, mais il fallait reconnaître que la scène qu’il avait sous les yeux avait de quoi provoquer l’hilarité. Puis il surprit le regard que lui lançait Hannah et changea d’avis. Après tout, ce n’était pas si drôle que ça…

— Rappelez-le ! cria-t-elle pour se faire entendre par-dessus le tumulte. Il va rendre Nerid fou de peur !

— Brùid, au pied !

Mais, une fois de plus, l’intéressé ne tint aucun compte de son ordre, préférant à l’obéissance due à son maître les délices de terrifier un chat.

Alexander se rua dans la pièce, attrapa Brùid par le cou et l’entraîna de force. L’animal se débattit et lâcha quelques aboiements supplémentaires, mais il parvint, non sans mal, à l’entraîner vers la porte de communication. Il espérait au moins que la jeune femme appréciait ses efforts…

Lorsqu’il redressa la tête pour vérifier que c’était le cas, il se figea. Hannah le contemplait avec un mélange d’horreur et de fascination, et il comprit rapidement pourquoi. Il avait pris l’habitude de dormir dans le plus simple appareil. Il ne lui était même pas venu à l’esprit de se couvrir en bondissant hors de son lit. Or, si les attributs masculins n’avaient rien de neuf à ses yeux, il n’en allait visiblement pas de même pour elle – ce qui, étant donné sa propension à embrasser les inconnus, pouvait être considéré comme une bonne nouvelle. Mais Dieu lui était témoin qu’il n’entrait pas dans ses intentions de l’effrayer.

Précipitamment, il se baissa de manière à dissimuler ses parties intimes derrière le chien-loup. Le regard de sa future femme se porta alors sur son visage. Il la vit déglutir avec effort. Il aurait dû dire quelque chose, lui demander de pardonner l’intrusion, ou le spectacle si peu digne d’une lady, mais il ne put trouver les mots. Et même s’il les avait trouvés, il n’aurait pu les formuler. Aussi se contenta-t-il de s’éclipser après s’être rapidement incliné vers elle, en maintenant Brùid contre lui et en se disant que leur union ne se présentait pas sous les meilleurs auspices…

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Mais il fallait se faire une raison : elle ne ressemblait en rien à Susana et faisait pâle figure à ses côtés. Elle n’était pas de ces femmes susceptibles de susciter l’adoration, et quand elle prendrait époux, celui-ci ne verrait sûrement en elle que la mère de ses enfants et sa propriété privée. En tant que telle, il attendrait qu’elle suive ses ordres sans discuter et sans faire preuve d’initiative. Cette perspective suffisait à la faire frémir. Elle s’était toujours montrée rétive aux ordres, et il n’était pas né l’homme pour lequel el le accepterait d’aliéner sa liberté…

Les sourcils froncés, Hannah reporta son attention sur le terrain de jeu où d’autres candidats se préparaient à tenter leur chance. Comme son regard croisait celui de l’inconnu, un frisson lui remonta l’échine.

À n’en pas douter, c’était elle qu’il était en train de regarder, avec un intérêt frisant l’inconvenance.

Elle put ainsi vérifier que Susana avait vu juste  : si séduisant qu’il fût, cet homme ne ressemblait en rien à l’élu de son cœur. Non pas qu’elle cherchât quelqu’un qu’elle aurait pu dominer, mais elle voulait pouvoir partager avec celui qu’elle épouserait des confidences, des rires et des complicités – une vraie relation, en somme. Guerrier dans l’âme, celui-là ne devait pas avoir une once de romantisme en lui. Toutefois il fallait bien avouer que ce physique…

Hannah sentit ses joues s’empourprer et s’empressa de détourner les yeux. Pourquoi fallut-il que son regard croise alors celui de Niall Leveson-Gower, qui la regardait également ? Ses attentions répétées et appuyées avaient le don de la mettre mal à l’aise. Il lui offrit un sourire tout en dents, auquel elle répondit par un bref hochement de tête. Niall était l’un de ses prétendants les plus assidus. Pour rien au monde elle n’aurait voulu l’encourager. Son père, le marquis de Stafford, aurait aimé faire main basse sur Reay et n’en faisait pas mystère. Or, il ne pourrait y parvenir qu’en arrangeant une union entre son fils et elle…

À part le fait qu’elle trouvait Niall physiquement repoussant, il y avait un plus grand péril à redouter dans ce projet. À l’exemple des lairds établis plus au sud, le marquis avait fait place nette sur ses terres, mettant à la porte ses métayers pour se livrer à l’élevage intensif du mouton. Si par malheur Reay tombait entre ses mains, il y appliquerait les mêmes méthodes, détruisant tout ce que la famille de Hannah avait bâti depuis des générations. Elle était trop attachée à ses gens pour permettre une telle chose.

— Oh, oh ! lança Susana en battant des cils –  ce qui, déjà, était de mauvais augure. Voilà un spécimen de mâle comme on les aime…

En découvrant que sa sœur regardait Olrig, qui entrait sur le terrain pour se préparer au lancer de tronc, Hannah fit la grimace. Olrig – un autre de ses prétendants  – était aussi haut que large, ce qu’elle ne regrettait pas autant que le fait qu’il postillonnait tant et plus et ne se privait jamais, même en public, d’un pet retentissant. Pour ne rien arranger à son cas, alors qu’il se penchait, de dos, pour choisir son projectile, l’apparition de la naissance de ses fesses pleines et rondes la fit gémir.

— Seigneur Dieu…

— Une cible bien tentante, commenta Susana.

Amoureusement, elle caressait l’arc qu’elle portait en bandoulière et dont elle se séparait rarement.

— Olrig aurait sûrement à redire de se retrouver avec une flèche dans le derrière, la prévint Hannah.

— Tu crois ?

Les yeux verts de Susana étincelaient de malice. Avec un cri à mi-chemin de la plainte et du beuglement, Olrig effectua un lancer plus spectaculaire qu’efficace. Après avoir atterri sur les troncs les moins éloignés, le sien rebondit même en arrière, le faisant finir bon dernier. Le lanceur marmonna de dépit et donna un vigoureux coup de pied dans une motte de terre, comme pour la rendre responsable de son infortune.

— Imagine… reprit Susana d’un ton pince-sans-rire.

Un jour, tout cela pourrait être à toi…

— Je préférerais épouser un porc en rut.

— La différence n’est pas grande. Sauf que ses terres, ajoutées aux tiennes, formeraient un enviable domaine.

Hannah ne pouvait le nier, mais pour ce qui était de choisir un mari, ce genre de critère n’entrait pas pour elle en ligne de compte. Si vraiment elle devait se lier à un homme, s’offrir à lui, elle tenait à obtenir quelque chose en échange. L’amour, la passion, la tendresse… susurrait une petite voix en elle, qu’elle s’empressa de faire taire. Il n’y avait que les folles pour rêver d’amour. Quant à la passion, il ne pouvait y avoir de plus vain espoir.

Sans même y penser, Hannah se surprit à examiner la foule dans l’espoir d’y repérer celui qui l’avait émue d’une façon qu’elle n’avait jamais connue jusque-là –  même si elle ne l’aurait admis devant quiconque. Sa déception fut grande de constater qu’il était parti.

— J’en ai vu assez, dit-elle. Je m’en vais.

— Oh, non ! Reste… minauda Susana. Il se pourrait qu’Olrig se penche encore.

— Raison de plus ! répliqua-t-elle en riant. Je préfère la compagnie des livres. Tu m’accompagnes à la bibliothèque du château ?

Susana fronça le nez d’un air mutin.

— Je te laisse la compagnie de tes vieux tomes poussiéreux. Je préfère assister au tir à l’arc.

— Et imaginer comment tu pourrais tous les battre ?

— Pas besoin d’imaginer…

Cela n’avait rien d’une vantardise. Susana était une archère si douée qu’elle pouvait abattre un oiseau en plein vol. Elle aurait surpassé tous ceux qui s’apprêtaient à concourir si on l’y avait invitée.

La compétition était réservée aux hommes. Des chefs de toute la région et leurs familles avaient convergé sur Barrogill pour cette importante réunion. Le petit village n’était pas de taille à affronter un tel afflux et le château ne pouvait héberger tout le monde, si bien que nombre de lairds avaient dressé leurs tentes aux alentours, donnant à l’ensemble une atmosphère de foire. Aux joutes de l’après-midi succéderait une rencontre entre lairds à laquelle aucune femme n’était conviée.

Si le père de Hannah avait insisté pour qu’elle le suive en cette occasion, c’était dans l’espoir qu’elle repérerait un époux potentiel dans l’assemblée. Mais, de ce point de vue, une rapide inspection avait suffi à la décourager.

S’adressant à Susana, dont l’attention restait fixée sur le terrain de jeu, Hannah lança  :

— On se retrouve plus tard, alors ?

Sans même la regarder, sa sœur acquiesça d’un signe de tête. La compétition de tir à l’arc venait de commencer.

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Hannah regarda la porte se refermer derrière son futur mari – nu comme un ver. Comme Adam au jardin d’Éden, il avait semblé parfaitement inconscient de sa nudité quand il avait bondi dans la pièce pour se porter à son secours. Quant à elle, elle n’avait plus vu, dès cet instant, qu’une seule chose… énorme. Un long frisson lui avait parcouru l’échine. Sa bouche s’était asséchée.

Elle n’était pas ignorante des choses de la vie. Elle avait lu plusieurs livres sur le sujet. Elle avait vu des chevaux s’accoupler. Elle avait surpris les conversations à mi-voix des matrones de Ciaran Reay lorsque celles-ci imaginaient qu’elle n’écoutait pas. Elle se sentait donc prête à affronter les réalités matrimoniales. Mais en voyant cela… elle avait été profondément choquée.

Pour commencer, les proportions de la… chose de son futur époux lui semblaient démesurées. Elle avait beau tenter de se raisonner, elle ne voyait pas comment ils pourraient tous les deux… s’ajuster. Ensuite, elle avait été surprise par la bouffée de chaleur née au creux de son ventre que cette vision avait suscitée. Le trouble né de cette confrontation soudaine avec l’appareil reproducteur masculin avait été si puissant qu’il lui avait coupé les jambes et le souffle. Cela ressemblait à ce qu’elle avait ressenti en l’embrassant, mais avec une puissance décuplée. Était-ce là ce qu’on appelait le désir – voire la luxure ?

Dans le sillage de ce bouleversement, de troublantes images lui occupaient l’esprit. Elle se voyait lovée contre ce corps nu, serrée par ces bras puissants, encerclée par ces jambes velues aux muscles saillants. Ces fantaisies suffisaient à ressusciter son trouble dans toute sa force primitive et à lui faire tourner la tête.

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Alexander devait pourtant se faire une raison. Il n’avait ni le visage avenant ni la langue bien pendue de son frère Andrew. Et contrairement à d’autres hommes, les cicatrices que la vie lui avait infligées ne se laissaient pas aisément dissimuler – elles le narguaient chaque jour, dès qu’il se risquait à jeter un coup d’œil dans un miroir ou à ouvrir la bouche pour parler. Ce qui expliquait pourquoi il s’en abstenait autant qu’il le pouvait.

Son frère, lui, n’avait aucun mal à murmurer de douces paroles à de belles dames, ou à leur donner simplement son nom. Et bien qu’Alexander se soit fait un point d’honneur de surmonter ses difficultés, jamais il n’était parvenu à les empêcher de lui nuire au plus mauvais moment. Alors, chaque mot, chaque syllabe devenait pour lui un tourment.

Cela ne l’empêchait pas de se battre, encore et encore, pour s’assurer que son discours puisse être intelligible à chaque prise de parole. La prochaine fois qu’il la verrait – il s’en faisait la promesse solennelle –, il serait prêt.

Hannah…

Oui, sa beauté l’avait captivé au premier regard, mais c’était lorsqu’elle l’avait embrassé qu’il avait compris – qu’il avait su – qu’elle était sienne. Cela l’avait frappé comme une évidence, comme un coup de poing dans l’estomac. À présent qu’il l’avait tenue dans ses bras, qu’il avait goûté à la saveur de ses lèvres, il la désirait férocement. En l’embrassant, elle avait déchaîné en lui une passion dévorante, demeurée assoupie jusqu’à ce jour.

Il ne se pardonnait pas de ne pas l’avoir embrassée en retour. S’il l’avait fait, il aurait pu lui faire comprendre ce qu’il trouvait si difficile à lui dire.

Sa décision prise, Alexander changea de direction et fendit la foule, à la recherche de Magnus. Il n’avait aucune raison de remettre à plus tard ce qui pouvait aussi bien se dire le jour même, d’autant plus que Hannah ne manquait pas de prétendants. Pour rien au monde il ne voulait prendre le risque de la perdre au profit de l’un d’eux – plus maintenant.

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Les poings serrés, Alexander Lochlannach, laird et baron de Dunnet, regagnait sa tente. Il était encore sous le coup du baiser que la jeune femme venait de lui donner et gardait le goût de ses lèvres sur les siennes, le souvenir de sa langue qui les avait caressées…

Hannah… C’était donc ainsi qu’elle s’appelait. Alors qu’il se préparait pour l’épreuve du lancer de tronc, il avait noté qu’elle l’observait avec un intérêt manifeste. En fait, c’était tout juste si elle ne le mangeait pas des yeux… Son regard brûlant posé sur lui avait immédiatement éveillé son désir comme un brandon met le feu aux broussailles.

Le premier aperçu qu’il avait eu d’elle l’avait étonné. Elle riait alors aux éclats, les yeux brillants, la tête rejetée en arrière, ses longs cheveux dénoués ruisselant dans son dos tel un fleuve de soie noire. Elle n’était pas très grande, tout en courbes féminines, et elle avait un teint d’albâtre. Ses grands yeux bruns lui donnaient l’aspect d’une biche aux abois, mais il avait tout de suite senti que sous cet aspect fragile se cachait une volonté de fer – le port de son menton ne laissait planer aucun doute à ce sujet.

Oui, elle lui avait plu au premier regard, et il l’avait désirée l’instant d’après. Il n’avait pu faire autrement que la suivre lorsqu’elle s’était éclipsée, et une rage noire l’avait saisi quand il avait découvert Niall Leveson-Gower vautré sur elle, prêt à la violer. L’infâme pourceau pouvait s’estimer heureux d’avoir encore ses attributs virils. La seule chose qui avait retenu sa main, c’était la guerre entre clans qui n’aurait pas manqué de s’ensuivre s’il avait émasculé le fils du marquis de Stafford. Ses relations avec lui avaient toujours été tendues, et il n’était guère avisé de provoquer un homme qui avait l’oreille du prince régent.

Pourtant, cela lui avait traversé l’esprit. Pour Hannah.

Lorsqu’elle lui avait révélé son nom, il avait failli se mettre à rire, autant sous l’effet de l’amusement que du soulagement. Le sort avait voulu qu’il croise la fille que son vieil ami, Magnus Dounreay, l’avait instamment invité à courtiser. Il s’en voulait à présent de ne pas avoir répondu à l’invitation de se rendre à Ciaran Reay pour la rencontrer. Pourquoi avait-il résisté ?

En plus de son beau visage, de sa silhouette de rêve, Hannah Dounreay avait pour dot une étendue de terres fertiles que n’importe quel laird aurait été honoré d’intégrer à son domaine.

Néanmoins, Alexander savait pourquoi il n’avait pas répondu à l’invitation. N’importe quelle femme ayant des yeux pour voir se serait enfuie en apercevant son visage balafré. Or, loin de prendre ses jambes à son cou, Hannah l’avait embrassé, lui, et nul autre que lui…

Comme il regrettait à présent de ne pas lui avoir rendu la pareille et de ne pas lui avoir dit son nom ! Il avait toujours haï le sort qui le frappait, mais jamais autant qu’en cet instant.

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Sans lui laisser le temps de s’inquiéter davantage, l’inconnu rengaina son épée et s’agenouilla près d’elle. Elle se sentit aussitôt baignée par sa présence et sa chaleur. Ses traits l’éblouissaient. Son regard la paralysait. Ses prunelles brunes étaient pailletées d’or, remarqua-t-elle, et ses cils étaient anormalement longs. Quant à ses lèvres…

Lorsqu’il tendit la main, elle ne sursauta pas. Avec une infinie douceur, il caressa son menton tuméfié et lui lança un regard interrogateur.

— Je… Je vais bien… assura-t-elle.

Elle ne put en dire plus. Sa langue était comme paralysée, ou peut-être était-ce son cerveau… Hannah ne parvenait à penser à rien d’autre qu’à ces lèvres exquises et tentatrices. L’inconnu, visiblement rassuré, se releva, avant de lui tendre la main pour l’aider. Elle se laissa faire sans réfléchir, et en la voyant chanceler quand elle fut sur ses pieds, il la soutint fermement. Pourtant, si ses jambes la trahissaient, ce n’était en rien à cause de Niall, mais bien plutôt du fait de sentir la main de cet homme autour de la sienne.

Elle aurait dû être mortifiée de se laisser aller contre sa poitrine dure comme le roc – cela ne lui ressemblait pas – or elle ne l’était pas le moins du monde. Son contact, sa chaleur l’étourdissaient trop pour cela. Il la regardait en silence et elle soutenait son regard en ne pensant qu’à ses lèvres. En le voyant incliner la tête vers elle, supposant qu’il allait l’embrasser, un frisson de plaisir anticipé la secoua.

Alors que le baiser forcé de Niall l’avait dégoûtée, elle sentait à présent l’aiguillon du désir la tenailler. Aussi fut-elle fort déçue lorsque, au lieu d’embrasser ses lèvres, il effleura du bout des siennes son menton tuméfié. C’était certes un geste plein de gentillesse… mais pas du tout celui qu’elle avait espéré.

D’instinct, Hannah bascula donc légèrement la tête de manière que leurs bouches se rencontrent. Aussitôt, la sensation qui en résulta lui fit l’effet d’une révélation. Elle découvrait sur ces lèvres chaudes et fermes une saveur de menthe, une texture de velours, et quelque chose de plus indéfinissable, qui ne pouvait être qu’intimement… lui. C’était irrésistible, et elle n’y résista pas. Dressée sur la pointe des pieds, elle se pressa plus près de lui encore.

À sa grande surprise, il s’écarta en écarquillant les yeux, les narines frémissantes. La déception le disputait en elle à l’incompréhension. Elle n’avait pas fini d’explorer cet homme ! En fait, elle aurait pu y passer la journée… Les yeux baissés vers elle, il observait ses lèvres. Hannah sentit ses doigts se crisper sur ses hanches. L’instant était lourd d’intensité. Elle le savait – elle le sentait –, il allait de nouveau l’embrasser. Le souffle court, elle sut alors qu’il était le genre d’homme qu’elle avait tellement attendu, celui qui saurait éveiller sa passion et à qui il était tentant de tout accorder. Cette prise de conscience aurait dû lui faire peur, la freiner dans ses ardeurs, mais au contraire…

Son allégresse tourna court en un instant et fit place à un chagrin sans nom lorsqu’il recula. Ses traits s’étaient durcis. Un muscle jouait sur sa joue. Avec un petit hochement de tête, il s’éloigna d’elle.

Hannah n’était pas idiote et savait reconnaître une fin de non-recevoir pour ce qu’elle était. Elle se sentit rougir jusqu’aux oreilles. Certes, le Highlander l’avait tirée des griffes d’un soupirant trop zélé, comme l’aurait fait tout homme doté du sens de l’honneur. Bien sûr, il lui avait témoigné de la compassion en découvrant sa légère blessure. Mais cela n’allait pas plus loin. Sans doute ne s’était-il pas attendu, en tout cas, à être assailli par elle en récompense de ses efforts…

Comment avait-elle pu se montrer aussi naïve ? Un homme tel que lui ne pouvait s’intéresser à une femme aux yeux trop grands et à la bouche de travers, qui ne vivait que dans les livres… Il ne pouvait courtiser que de magnifiques princesses guerrières comme Susana. Sans doute les prétendantes se bousculaient-elles autour de lui et n’était-elle à ses yeux qu’une autre de ces admiratrices dont il devait se débarrasser sans ménagement. Pourtant, même si elle était consciente qu’elle aurait mieux fait de ne pas l’embrasser, Hannah ne parvenait pas à le regretter.

— Je…

À peine eut-elle ouvert la bouche qu’elle la referma. Elle n’allait sûrement pas s’excuser ! Elle s’éclaircit la voix avant de reprendre :

— Je vous remercie infiniment. Quand j’ai compris qu’il m’avait suivie… il était trop tard.

Pour toute réponse, l’homme se contenta de hocher la tête. Le silence retomba. Incapable de le supporter plus longtemps, Hannah enchaîna :

— Je suis Hannah Dounreay. Et vous ?

Elle attendit sa réponse avec une impatience qu’elle s’évertua à masquer. Il lui semblait que connaître son nom l’aiderait à surmonter sa déception. Elle ne serait jamais le genre de femme susceptible de l’intéresser, mais au moins saurait-elle comment l’appeler lorsque, dans les années à venir, il reviendrait hanter ses pensées.

La pomme d’Adam de l’inconnu s’agita. Il entrouvrit les lèvres, et Hannah ne put s’empêcher de les regarder, en s’efforçant de résister au besoin irrépressible de l’embrasser de nouveau. Cela ne lui était pas facile. Quelque chose dans son odeur, dans sa présence, exerçait sur elle une puissante attirance.

Mais, une fois encore, elle en fut pour ses frais. Sans lui répondre, il s’inclina brièvement et s’en alla.

Bouche bée, Hannah le regarda s’éloigner. Un mélange d’émotions la submergeait, et aucune n’était plaisante. La rebuffade qu’elle venait d’essuyer était totale, indéniable. Quel mufle ! Si embarrassante qu’ait été cette rencontre, c’était la fureur qui dominait en elle. Il avait beau avoir un physique d’Apollon, plus jamais elle ne poserait les yeux sur cet inconnu.

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— Mon père va te tuer quand il saura !

À moins que Susana ne le prenne de vitesse.

Niall se contenta de rire et tenta de l’embrasser de plus belle. Et quand Hannah détourna la tête, il couvrit sa mâchoire de répugnants baisers mouillés.

— Tu seras dépucelée, déshonorée… grogna-t-il. Et forcée de m’épouser.

— Jamais je ne t’épouserai !

Ce n’était probablement pas la meilleure chose à dire à un soupirant aussi déterminé.

— Tu seras mienne ! promit-il, rouge de colère.

Niall s’efforçait de retrousser les jupons de Hannah, quand, d’un coup, elle le sentit s’immobiliser au-dessus d’elle. Simultanément, un grognement qui évoquait celui d’un loup se fit entendre. Elle jeta un coup d’œil sur la gauche, et son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Un homme d’une taille impressionnante se tenait près d’eux, armé d’une grosse épée ressemblant à une claymore. La pointe de celle-ci était nichée entre les jambes de Niall, exactement à l’endroit où était situé ce qu’il avait de plus cher… L’éclat du soleil empêchait Hannah de distinguer les traits de son sauveur, mais sa silhouette était celle d’un demi-dieu, d’un ange vengeur écumant de rage. Et lorsqu’il bougea juste assez pour qu’elle puisse voir ses traits, elle en perdit le souffle – c’était lui, le guerrier dont elle avait admiré les exploits autant que le physique.

De si près, il était plus magnifique encore. Ses abdominaux sculptaient son ventre plat. Chaque geste faisait saillir ses biceps et ses jambes puissantes, sous son kilt, semblaient enracinées dans le sol. Quant à son visage, il était impossible d’en rêver de plus noble et de plus farouche. Ses traits virils dénotaient une féroce détermination autant qu’une volonté indomptable. En travers de sa joue gauche, une cicatrice mourait à la naissance de sa mâchoire, où un muscle palpitant trahissait sa colère.

Prudemment, de manière à éviter l’émasculation, Niall roula sur le côté. Libérée de son poids, Hannah put respirer librement. En se remettant vivement debout, il eut un rire faux. Sans quitter des yeux la claymore, il couina :

— Nous avions juste… une petite discussion.

Le guerrier eut un sourire méprisant et plissa les yeux. Un grondement – plus éloquent que bien des mots – monta de sa gorge. Niall perçut le message et prit ses jambes à son cou sans demander son reste.

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