Faux petit-ami, Tome 5 : Séducteur

Je ferme les yeux. Je m’imagine que je n’ai mal nulle part. Je repense à la tournée avec Jet, à ce que je ressentais en le regardant chanter depuis les coulisses, en l’admirant.

J’ai dû m’endormir, parce qu’il me semble qu’il ne s’est passé que quelques minutes, mais je me réveille avec un pack de glace fondu dans les bras, frigorifié. Ce n’est pourtant pas ça qui m’a tiré de mon sommeil.

C’est le tambourinement insistant contre ma porte.

Je me lève, endolori, et me dirige vers l’entrée.

Je ne sais pas quelle heure il est, ni qui ça pourrait bien être. Toute la brigayde est autorisée à passer la conciergerie de l’entrée, ainsi que certains de mes coéquipiers. Mais je dirais que c’est Ollie qui vient se foutre de ma gueule parce que son meilleur pote, Tommy, m’a bien défoncé la gueule ce soir.

Sauf qu’en ouvrant la porte, je me rends compte que j’ai tort.

Mais alors, tellement tort.

— Bébé ?

Jet est là, les cheveux en bataille, les joues rouges, les yeux brûlants de colère. Il porte cette veste en cuir qui donne à mon homme une allure de rockstar même quand il n’est pas sur scène.

- C’est quoi ce bordel, Caleb ?

Caleb. Oooh, ouais. Il est en colère.

J’essaie encore de retrouver mes esprits et de m’assurer que je ne suis pas encore endormi et en train de rêver toute cette scène.

Je cligne des yeux.

Jet est toujours là. Il me jette presque son téléphone au visage.

- C’est. Quoi. Ce. Bordel ?

- Tu n’es pas censé être à DC ? Attends…

Je regarde autour de moi.

- Ça fait longtemps que je dors ? Comment est-ce que tu es entré ?

- Le mec de l’entrée m’a reconnu. Mais ce n’est pas le sujet. Je suis là pour le message que tu m’as envoyé. Fais ce que tu veux ? Tu veux m’expliquer ce que c’est, ce bordel ?

Je plisse les yeux.

- Il va peut-être falloir que tu me balances une gifle pour me réveiller, mon gars, parce que je n’ai aucune foutue idée de ce que tu racontes.

- Oh, ne me tente pas, parce que crois-moi, je suis à ça de péter les plombs.

Son accent est plus prononcé que d’habitude. Je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’on a de loin dépassé ce stade.

- Euh, je crois que tu as déjà pété les plombs, là.

Il me tend à nouveau son téléphone, mais cette fois, je le prends.

Il a ouvert notre messagerie, et le dernier message en date est le mien. Je lui dis de faire ce qu’il veut, accompagné d’une photo de Harley tout sourire, dans ses bras.

- Ouais, c’est un peu passif-agressif, je veux bien l’admettre, dis-je.

- Passif-agressif ? C’est plutôt complètement con, non ? Je te demande si tu couches avec quelqu’un, et toi, tu m’accuses de… de quoi ? De vouloir coucher avec Harley ? S’il n’y avait que ça ! Tu me dis de foncer ! Tu me dis de coucher avec ! C’est quoi ton problème ?

- Holà, eh, oh, arrête ton char. Je n’ai rien compris à tes messages, moi. Je ne savais pas pourquoi tu me demandais si j’étais en train de coucher avec quelqu’un. Je me suis dit que c’était évident, non ? Que je n’avais envie de personne à part toi. C’est toi qui as un ex qui te tourne autour ! Et puis, il faut être aveugle pour ne pas voir l’alchimie que vous avez, vous deux. Votre duo a fait le buzz, putain de merde. Tu étais encore amoureux de lui il y a quelques mois !

- Ouais, eh ben, il faudrait être aveugle pour ne pas voir que je t’aime, là, espèce de… de… Tu sais quoi, je vais te le dire en canadien, pour être sûr que tu comprennes. Espèce de niaiseux !

Je cligne des yeux.

- Je crois que… euh… Le docteur a dit que je n’avais pas de traumatisme crânien, mais je ne suis plus sûr du tout, là…

La colère brûlante de Jet retombe aussitôt comme un soufflé.

- Un traumatisme crânien ?

Je vois soudain l’inquiétude courir sous ses traits délicats.

- Tu n’as toujours pas regardé mon match, hein ?

- Luce m’a forcé à aller à cette putain de soirée, c’est à ce moment-là que quelqu’un a pris cette photo, au fait, et dès que j’ai vu ton message, j’ai su qu’il fallait que je vienne te voir, donc non, je n’ai pas vu ton putain de match. Je comptais le regarder à mon retour à l’hôtel, mais j’ai filé droit à l’aéroport. C’est quoi cette histoire de traumatisme crânien ?

Je secoue la tête.

- Ne t’inquiète pas, je vais bien. Tu… Tu es venu en avion ? Depuis DC ?

- J’ai pris le jet du groupe. Il s’est passé quoi, pendant le match ?

- Je suis vieux, voilà ce qu’il s’est passé.

Je m’approche de lui et le prends dans mes bras, une main sous son menton, mon front contre le sien.

- Tu as dit que tu m’aimais…

- Je t’ai aussi traité de niaiseux.

- Oh, mais je suis un niaiseux. J’ai mal compris ton message. J’ai pensé que… je ne sais pas. Que tu essayais de me faire dire quelque chose.

- Oui, j’essayais de te faire dire si tu couchais avec quelqu’un. Luce a même dit que j’étais trop direct.

Je m’écarte pour le laisser passer.

- Entre. Il faut qu’on parle de ce qu’on veut vraiment, toi et moi.

Jet attrape mon T-shirt.

- Je te veux, toi.

Il m’embrasse avec force et m’attire contre lui, mais ses bras me serrent là où j’ai encore mal.

(…)

Ses lèvres trouvent la peau de mon cou. Je sais où ça va, tout ça, et je ne veux pas commettre la même erreur que le dernier soir de la tournée.

- Non, en fait, non, je veux d’abord qu’on parle, Jet. Comme ça, c’est réglé. Je veux que tu sois mon copain. Genre, pour de vrai, pas pour les médias. Mon vrai copain. Je veux qu’on soit en couple. Je veux que ça devienne notre réalité. Je veux que personne d’autre ne puisse te toucher. Jamais. Parce que ça… tout ça…

Je prends son cul dans ma main et le plaque contre moi.

- C’est à moi.

- Ah ben voilà ! s’écrie-t-il en frappant mon torse. Pourquoi tu ne m’as pas écrit ça ? C’était si difficile ? Ça m’aurait épargné un vol de nuit, putain ! Je pensais que tu t’en foutrais si je couchais avec quelqu’un d’autre.

- Je ne savais pas quoi dire, moi ! J’étais certain que si je répondais Si Harley te touche, je pourrai le tuer de dix manières différentes avec mon matos de hockey, tu aurais peur de moi.

- Ah, non, alors, pas du tout, répond Jet d’une voix roucoulante.

- Ça te plaît quand je suis jaloux ?

Il hoche la tête.

Je vais pour l’embrasser, mais il suspend mon geste.

- C’est vrai ? De dix manières différentes ?

- Déjà, en lui tapant dessus jusqu’à ce qu’il crève, de toute évidence, réponds-je en comptant sur mes doigts. Puis en l’étouffant avec un palet. Puis en cassant ma crosse en deux et en lui plongeant un pieu dans le cœur. Tu veux que je commence à t’expliquer ce que je pourrais faire avec mes patins ? Ils sont bien aiguisés, crois-moi.

Jet éclate de rire.