Extraits

Elle ressemblait à une fée, debout dans le rayon de soleil vacillant. Grande et mince, ses cheveux blonds coupés court, ses grands yeux de chat.

Pas une beauté à proprement parler. Ses traits étaient trop anguleux et sa bouche trop charnue. Mais elle avait un visage mystérieux, qui intriguait même quand elle dormait.

La main sur la tête du chien, elle marcha jusqu’à la porte de la chambre et déboucha dans un salon tout aussi spartiate. Un canapé et une chaise, un feu qui somnolait, deux tables. Elle vit avec soulagement ses vêtements qui séchaient sur un pare-feu. Comme ils étaient encore humides, elle en conclut qu’elle n’avait pas dormi – ou été inconsciente – pendant très longtemps. Le mieux qu’elle pût faire, après ces aventures improbables, était de chercher son sauveur, le remercier, attendre que ses vêtements soient secs puis localiser Margaret et implorer son pardon.

Un loup qui hurlait. Puis un homme. Grand, brun et féroce, avec des yeux aussi bleus que le feu irréel. Une forte expression de colère. Mais il ne l’avait pas effrayée. Il l’avait même amusée. Très étrange.

Des rêves, évidemment. Rien que des rêves. Elle avait dû avoir un accident.

À présent, elle se trouvait chez quelqu’un, dans un lit. Une chambre simple, se dit-elle en regardant autour d’elle en quête de repères. Non, pas simple, spartiate. Des murs blancs, un parquet nu, pas de rideaux aux fenêtres. Une commode, une table, une lampe et le lit. D’après ce qu’elle voyait, il n’y avait qu’elle dans cette pièce.

Elle se réveillait lentement, comme si elle flottait paresseusement entre plusieurs épaisseurs de fins nuages blancs. Elle baignait dans un sentiment de bien-être comme entre des oreillers de satin bordé de la plus douce des dentelles. Savourant l’instant, elle resta immobile, laissant le soleil réchauffer ses paupières, explorer son visage. Elle sentit la fumée, un parfum agréable et terreux, ainsi qu’une autre odeur, plus forte, celle d’un homme.

La moitié du corps dans le cercle, un bras tendu vers le milieu, elle était étendue sur le dos et semblait presque dormir. Il crut un instant que cette image n’était que le fruit de son imagination et il voulut y croire. Mais lorsqu’il fut près d’elle, il posa instinctivement les doigts sur sa gorge pour vérifier son pouls et sentit la vie battre.

Il perdit Hugh de vue au détour d’une falaise. Irrité, il appela le chien qui lui répondit d’un aboiement alarmé. Magnifique, se dit Conal. Maintenant nous allons tous les deux glisser et nous écraser sur les rochers.

Il songea à faire demi-tour, sachant que le chien prudent retrouverait son chemin sans difficulté. Mais il ne pouvait pas s’empêcher d’avancer, même si c’était insensé. Comme si quelque chose le tirait vers l’avant, toujours plus haut, là où les ombres des pierres dansaient et chantaient dans le vent.

La tempête le rendait nerveux. Une partie de l’orage semblait faire rage en lui, tournant, s’écrasant, attendant de frapper. Déconcentré, il n’arrivait pas à travailler. Il n’avait aucune envie de lire, de passer le temps, d’être tout simplement. Autant de raisons qui l’avaient poussé à revenir sur l’île.

C’est du moins ce qu’il se disait.

Sa famille possédait cette terre, la travaillait, la préservait depuis plusieurs générations. Ici, les O’Neil de Dolman avaient planté des semences, sué sang et eau et fait couler le sang de leurs ennemis depuis les balbutiements de l’Histoire. Et même avant cela, à l’époque sombre qui n’était racontée qu’à travers les contes et les chansons.

La chanson qui résonnait en crescendo l’emplissait, la submergeant comme une vague.

Lorsqu’elle arriva à la limite du cercle et posa le pied à l’intérieur, un éclair frappa le centre et émit une lumière aussi claire et précise qu’une flèche enflammée. Une flamme bleue s’éleva pour former une tour, plus haute, toujours plus haute, jusqu’à ce qu’elle perçât les nuages bas. Elle sentit sa brûlure glaciale sur sa peau, dans ses os. Son pouvoir martelait son cœur.

Et elle s’évanouit.

Agrippant la lanière de son sac, elle se mit à courir. Elle avait de longues jambes de danseuse et une silhouette élancée. Dans sa course vers l’embarcadère, les robustes chaussures de marche que Margaret l’avait obligée à acheter claquaient sur le trottoir. Son sac lui battait durement la hanche. Il contenait tous les documents du voyage organisé, parmi quantité d’autres choses.

Le travail d’Allena consistait à garder les fiches de Margaret en ordre, à l’aider à orienter le groupe, à surveiller les effets personnels, à transporter les paquets au besoin et, de manière générale, à rester disponible afin d’effectuer toutes les tâches subalternes.