Extraits

Il le fit à ma place. M’entourant de ses bras, il inclina son visage vers le mien… puis s’arrêta net. Son regard était empreint non pas d’incertitude mais d’une certaine malice. Je levai légèrement le menton, puis m’immobilisai à mi-chemin de sa bouche.

— La balle est dans ton camp, lui dis-je.

Il haussa les sourcils et se pencha davantage, si près que je sentais son souffle, puis il attendit que je comble l’écart

— Ça te plaît que je fasse le premier pas, hein ? murmurai-je.

Il baissa encore la tête, ses lèvres effleurant les miennes, et me répondit :

— Non, simple courtoisie.

— Menteur.

Il rit doucement.

Je sais bien que je devrais avoir plus de fierté. Plus de dignité. Mais je vois ça comme un retour de karma. Avec les hommes, c’est toujours moi qui ai mené la danse, inspirant les mots d’amour les plus pitoyables, fixant des sommets toujours plus hauts, avant de m’en aller papillonner ailleurs une fois lassée du jeu. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’une sorte de force cosmique a décidé qu’il était temps de me ridiculiser à mon tour

— Il n’y a pas que ça. Partir seul, sans renfort, sans garde du corps… (Il secoua la tête.) Si je te disais le bordel que ça a été pour organiser ce voyage, tu trouverais ça ridicule. Mais je suis le chef. Je ne peux pas faire n’importe quoi sur un coup de tête. Même un loup sans animosité particulière contre moi aurait envie de m’attaquer si je croisais son chemin. Tuer l’Alpha de la Meute renforcerait son statut au sein de notre monde. Pendant le reste de sa vie, tous les autres loups-garous s’écarteraient sur son passage. L’Alpha qui m’a précédé, le père d’Antonio, était incontestablement le meilleur guerrier de son époque, mais il ne quittait jamais son territoire sans un garde. Agir autrement met en danger la stabilité de la Meute pour quelque chose d’aussi futile qu’un peu d’intimité.

Mes joues s’enflammèrent.

— Je suis désolée. Je n’aurais jamais pensé…

Il me caressa la jambe.

— Tu ne pouvais pas savoir. Je ne suis pas venu à Los Angeles par simple politesse, Jaime. Mais parce que je voulais passer du temps avec toi. Seul.

Va pour une photo, dis-je avec un large sourire. J’en ai quelques-unes dans ma loge. — Merci. Papi va adorer. C’est votre plus grand fan. Il a un penchant pour les rousses, mais vous êtes sa préférée. Tous ses potes à la maison de retraite vous trouvent super sexy. J’avais bien besoin de ça le premier jour d’un tournage important : le rappel qu’à l’échelle hollywoodienne, ma date de péremption était déjà dépassée d’une décennie

L’inconvénient d’avoir passé la majeure partie de son existence sur scène, c’est qu’on finit par oublier comment se comporter dans le monde réel. Quoique ce ne soit pas très important. Dans ce genre de vie, on n’est jamais vraiment soi-même. Même pour aller de la cuisine à la chambre, impossible de baisser la garde… surtout sur le plateau d’une émission spéciale très attendue dont on partage la vedette

Pas vraiment le genre d'enquête auquel tu t'attendais, hein? demanda Jeremy .Ca va ?

- Super! C'était plutôt sympa.

- Ouais, bon, j'exagère un peu, mais attends , c'est la première fois que je ne me fais pas kidnapper ,attaquer ,assommer ou posséder par des esprits malveillants. Franchement, je m'en tire avec un chemisier déchiré, une jupe foutue et des cheveux en bataille . Il y a un progrès .Il éclata de rire .

On resta assis là, à contempler l’eau. Je savais désormais que Jeremy n’était pas venu à Los Angeles pour me déclarer sa flamme ni me larguer gentiment, mais pour nous donner l’occasion d’explorer les possibilités et de les jauger par rapport aux conséquences. On allait passer du temps ensemble et abandonner temporairement nos rôles de chef de Meute et de déléguée des nécromanciens. Le temps de décider s’il valait mieux rester amis ou tenter notre chance. Devenir amants comporterait forcément des risques. Il voulait juste me faire comprendre ce qui m’attendait. Un homme qui ne pourrait jamais me rejoindre pour des escapades romantiques ; dont la priorité demeurerait sa famille et sa Meute ; qui mettrait ma vie en danger par le simple fait d’être mon amant, me transformant en cible aux yeux de tous ses ennemis. Même si j’acceptais tous ces inconvénients, Jeremy, qui n’avait connu que les aventures d’un soir et avait toujours soigneusement évité de s’attacher, ne serait peut-être jamais à l’aise dans une relation

— Hmm hmm.

Je me tenais à plus de soixante centimètres de lui, pourtant, j’aurais juré sentir la chaleur de son corps, humer l’odeur presque imperceptible de sa sueur. Et ses yeux… Ils brillaient d’un éclat différent, pas tout à fait carnassier, mais plus sauvage. Comme s’il n’avait pas totalement repris contrôle de lui-même

Je sais que c’est inhabituel, mais le studio fait pression pour qu’on taille dans le budget. M. Simon a pensé que le plus simple serait de vous loger tous les trois dans une maison à Brentwood, à quelques pas de celle de Marilyn Monroe, où on pourrait faire à la fois tout le travail de préparation et de promo

Les deux femmes se retournèrent lorsque j’entrai dans la pièce. L’assistante me détailla du regard, pinçant les lèvres comme si on lui avait enfoncé un quartier de citron dans la bouche. Je lui adressai un bref sourire et elle esquissa une moue dédaigneuse. Quand on ne fait plus tourner la tête des jeunes gens, s’attirer le mépris des femmes de son âge est une bonne consolation. Je m’arrêtai à un cheveu du pendu et m’efforçai de ne pas reculer en voyant son corps osciller devant moi