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Le gerant du camp hocha la tete a contrecoeur.
— Dans ce cas, rendez-vous demain matin a 5 heures. Je compte sur vous pour nous fournir un excellent pisteur.
— Nous avons l’un des meilleurs de toute la Zambie, Jason Mfuni, meme s’il est surtout habitue a travailler pour des safaris-photos.
— Tant qu’il a des nerfs a toute epreuve, cela n’a guere d’importance.
— C’est le cas.
— Je vous demanderai d’avertir les populations locales afin qu’elles se tiennent a l’ecart. Il est hors de question que quiconque vienne nous deranger.
— Inutile, le rassura Wisley. Les villages voisins sont deserts. A part nous, vous ne trouverez personne a trente kilometres a la ronde.
— Comment les habitants ont-ils pu s’enfuir aussi vite ? s’etonna Helene. L’attaque n’a eu lieu qu’hier.
— Le Lion Rouge, retorqua le chef de district, comme si ce nom expliquait tout.
Helene et son mari echangerent un regard dans un silence pesant, puis Pendergast se leva et prit la main de sa femme.
— Merci pour ce verre. A present, si vous voulez bien nous montrer notre hutte ?
Afficher en entierCamp de Nsefu, pres de la riviere Luangwa
Le Land Rover avançait en cahotant sur la Banta Road, une piste particulièrement remuante dans un pays qui ne manquait pas de routes en tôle ondulée, et Pendergast multipliait les coups de volant a droite et a gauche, avec l’espoir d’éviter les nids-de-poule géants. Le couple roulait toutes vitres ouvertes, le climatiseur ayant rendu l’âme dans une vie antérieure, et une épaisse couche de poussière recouvrait les banquettes.
Afficher en entierChapitre 1
Musalangu, Zambie - Douze ans plus tot
Le soleil couchant embrasait la brousse africaine a la facon d’un feu de foret, dardant des traits d’or sur les tentes du camp de base. Dominant les eaux de la Makwele, les collines dessinaient a Test une rangee de dents vertes dont les silhouettes acerees se decoupaient dans le ciel.
Mangees de poussiere, les tentes de toile avaient ete erigees en cercle autour d’un espace denude. Au centre se dressait un bosquet de venerables msasas dont les branches emeraude offraient au camp une fraicheur bienvenue. Un filet de fumee se frayait un chemin tortueux a travers la frondaison, porteur d’une odeur allechante de kudu roti au bois de mopane.
A l’ombre du plus gros des msasas, un homme et une femme sirotaient tranquillement un bourbon glace, assis de part et d’autre d’une table pliante. Tous deux etaient vetus de kaki, pantalons longs et manches longues, afin de se premunir contre les mouches tse-tse attirees par la fraicheur du soir. L’un comme l’autre approchaient de la trentaine. L’homme, particulierement elance et d’une paleur inhabituelle, semblait impermeable a la chaleur ambiante, contrairement a la femme qui s’eventait paresseusement a l’aide d’une feuille de bananier en faisant voler les meches de son opulente chevelure acajou, negligemment nouee a l’aide d’une simple ficelle. Le teint hale, elle donnait l’impression de s’abandonner a la saveur de l’instant. Le murmure de leur conversation, regulierement ponctue par son rire cristallin, se fondait dans la rumeur de la brousse : le cri des singes verts, le chant des francolins, l’appel des amarantes, auxquels se melaient les bruits de casseroles provenant de la tente d’intendance. Au loin montait episodiquement de la savane le rugissement d’un lion.
La femme assise en face d’Aloysius X. L. Pendergast n’etait autre que sa compagne, Helene, epousee deux ans plus tot. Le couple achevait un safari dans la reserve naturelle de Musalangu ou il avait ete autorise a chasser l’antilope dans le cadre d’un programme de regulation mis en place par les autorites zambiennes.
— Un autre verre, chere amie ? demanda Pendergast en soulevant la cruche a cocktail posee sur la table.
— Encore ? repondit-elle en riant. Aloysius, j’ose esperer que vos intentions sont honorables.
— Loin de moi toute pensee impure. J’avais imagine que nous pourrions passer la nuit a discuter des vertus de l’imperatif categorique de Kant.
— Ma mere m’avait pourtant prevenue. On croit epouser un homme pour ses dons de chasseur, on finit par s’apercevoir qu’il n’a guere plus de cervelle qu’un ocelot.
Pendergast emit un leger ricanement et trempa les levres dans son verre avant de poser les yeux sur le liquide qu’il contenait.
— Cette menthe africaine est assez agressive.
— Mon pauvre Aloysius, je vois que vos mint juleps[1] vous manquent. Acceptez le poste que Mike Decker vous offre au FBI et vous aurez tout le loisir de boire.
Il avala une nouvelle gorgee en accordant a sa femme un regard pensif. La facilite avec laquelle elle avait pris le soleil d’Afrique ne laissait de le surprendre.
— A vrai dire, j’ai pris la decision de refuser.
— Pour quelle raison ?
— Je ne suis pas certain d’avoir le coeur a rester a La Nouvelle-Orleans avec les problemes familiaux et autres souvenirs amers qui s’y rattachent. Et puis je crois avoir eu mon content d’evenements violents. Vous ne croyez pas ?
Afficher en entierJe ne peux
Dormir je ne dois pas
Dormir. Ils sont là qui murmurent
Des choses. Ils me montrent
Des choses. Imposssible de les faire
Taire, impossible de les faire
Taire, si je m'endors, je vais
Mourir; Sommeil = Mort
Rêve = mort
Impossible de les faire
Taire
Afficher en entierPour tout vous dire, j'étais venu ici avec l'intention de vous tuer. Je me rends compte à présent qu'il serait infiniment plus cruel de ma part de vous laisser vivre. Vous ne guérirez jamais. Votre souffrance ira en s'accentuant avec l'âge et l'avancée de la maladie, et vous glisserez lentement dans un enfer insupportable. La mort serait trop douce pour vous.
Afficher en entier”Quand je réfléchis que les bois s'en vont, disparaissant à toute vitesse, le jour sous la cognée et la nuit dévorés par le feu, quand je vois, enfin le trop-plein de l'Europe s'acharnant avec nous à la destruction de ces malheureuses forêts, quand je me dis que vingt ans ont suffi à ces changements extraordinaires, alors malgré moi, je m'arrête, saisi d'épouvante.“
Afficher en entierPendergast acquiesca et jeta un coup d’oeil en direction d’Helene. Toujours aussi pale, la jeune femme avait l’air plus determinee que jamais, a l’inverse de Nyala, le porteur de fusils, qui ne songeait meme pas a dissimuler sa nervosite. Pendergast hesita, puis il ordonna a Mfuni d’avancer. Le petit groupe s’aventura a pas de loup entre les herbes geantes qui limitaient la vision a quelques metres, tout au plus. Les tiges creuses s’agitaient en murmurant sur leur passage, dans une odeur etouffante de poussiere surchauffee. A mesure qu’ils s’enfoncaient dans la savane, les trois hommes et la femme se trouverent enveloppes dans un monde d’un vert irreel, inaccessible aux rayons du soleil, le bourdonnement des insectes cedant progressivement la place a un sifflement obsedant
Afficher en entierMfuni s’approcha prudemment, suivi par Pendergast, Helene et le porteur. Le petit groupe se dispersa en silence autour du corps a demi devore du photographe allemand. Le lion avait defonce la boite cranienne du malheureux avant de lui dechiqueter le visage, de lui devorer la cervelle et la partie superieure du torse, laissant derriere lui deux jambes intactes dont il avait soigneusement leche le sang, ainsi qu’un bras dont la main serrait encore une touffe de poils. Les gorges etaient nouees. Mfuni se pencha, saisit quelques uns des poils et les examina longuement avant de les tendre a Pendergast : ils etaient d’un rouge vif. Helene les observa a son tour, puis les rendit au pisteur
Afficher en entierJason Mfuni se pencha et ramassa la moitie d’une machoire humaine nettoyee de sa chair. L’horrible trophee portait encore les traces des dents de l’animal. Pendergast l’examina sans mot dire, puis Mfuni reposa l’ossement avant de pointer du doigt une ouverture dans le mur de vegetation qui les entourait. Le pisteur se glissa dans la trouee, s’arretant tous les vingt metres afin d’ecouter, de humer l’air, ou encore d’examiner une trace rouge sur une feuille. Le corps avait acheve de se vider de son sang a ce stade et seules quelques taches ecarlates signalaient encore le passage de l’animal
Afficher en entierJe vous demanderai de veiller soigneusement a rester en formation triangulaire, recommanda Pendergast aux deux accompagnateurs. Le vent souffle dans le bon sens, mais a partir de maintenant, plus un mot. Nous communiquerons par geste uniquement. Inutile de nous munir de lampes torches. Wilson et Jason approuverent. L’atmosphere de fausse insouciance qui regnait autour d’eux s’etait evaporee, emportee par les premieres lueurs du soleil qui chassaient la penombre. Enfin, Pendergast donna a Mfuni le signal du depart
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