Extraits

Erwin avait envi d'un bain chaud. Cela primait tout pour l'instant. Son visage était livide. Il suait à grosses gouttes. Sa chemise blanche était trempée. Il faisait ce qu'il pouvait pour cacher ce qu'il avait à cacher mais c'était au prix d'un terrible effort sur lui-même.

Des jeunes gens, des Noirs et des Blancs, avaient investi le motel. Ils avaient pris possession des flippers, juke-boxes et autres boîtes à musique. Des flots de mélopées sauvages empêchaient qu'on pense normalement.

Il se présenta sur le seuil. Bud, continuant de rincer des verres, manches de chemise retroussées, gros bras velus, clicha la grande silhouette un instant immobile.

Il traversa la piste en ciment, sa chemise changeant de couleur au fur et à mesure de la caresse des tubes fluos.

Le Dr Roy Erwin, chemise blanche, cravate noire, gants noirs malgré la chaleur, claqua la portière qu'il ferma à clef.

Allait-il pouvoir dormir dans cet enfer?... Entre reprendre la route et s'allonger après avoir pris un bain chaud, il opta pour la seconde solutions.

D'innombrables motos comme d'innombrables insectes s'entassaient dans un coin, brillant de mile feux. Une musique violente, style marteau pneumatique, provenait de la salle principale ainsi que les crépitements des jeux.

Il descendit, redressa sa longue silhouette et regarda autour de lui. Le bâtiment était ultra-moderne, écrasé, plat ; les pompes à essence ressemblaient à des êtres humains, molochs du XXe siècle présidant à notre destinée jusque dans ses moindres détails.

Il préféra s'arrêter pour la nuit dans cet endroit déferlant de néon multicolore. Il faisait chaud -il avait fait une chaleur torride toute la journée- et le crépuscule orange et mauve adoucissait à peine cette jungle d'asphalte, de béton, de lumière fluorescente, de publicité monstrueuse.

LE Dr Roy Erwin rangea son interminable Cadillac violine sur le parking du motel. Il n'était pas loin de Sarcamento et il avait conduit toute la journée.