Ascenceur, sonnette... La porte s'ouvre. C'est Nadine Labar. Heureusement, elle ne reconnaît pas Benjamin. Il faut dire qu'elle ne lui a pas adressé le moidre regard l'autre soir.
- Est-ce que Karine est là, s'il vous plait ? demande-t-il poliment. On est des copains de classe...
- Non, elle est allée au cinéma. Mais elle ne devrait plus tarder maintenant. Vous voulez l'attendre ici ?
- Non, merci ! On passait juste dire bonjour... Au revoir, madame !
Les deux collégiens rouvrent la porte de l'ascenseur.
- Vous vous appelez comment ?
Benjamin ne sait pas quoi répondre.
- Omar et Fred ! dit spontanément Boubakar.
En sortant de l'immeuble, Boub rit encore de sa plaisanterie. Ben est beaucoup moins euphorique.
- T'aurais pu nous cramer si elle avait capté !
- C'est la fille ou la mère qui t'intéresse ?

- Elle t'a traitée de…
- De quoi ? Elle m'a traitée de quoi ?
- D'hystérique.
Malika est devenue folle de rage. Elle a donné un coup de pied dans une canette qui traînait sur le trottoir et a serré les poings.
- Je la déteste ! Je la maudis ! Elle va le regretter, crois-moi !
On a marché un peu. Malika réfléchissait. Tout à cou, elle m'a questionnée :
- Au fait, c'est quoi une hystérique ?

Mon père, lui, voulait tout visiter. Il poussait les portes et passait la tête en demandant : « C'est quoi ici ? Oh, c'est beau ! C'est grand ! Et là ? » Quand ma mère me laissait un peu de répit, je parvenais à lui répondre : « C'est une salle de classe, Papa, oui, là aussi… Non là, ce son les toilettes… des filles ! » Trop tard, il était déjà entré.
Et à votre avis, qui se trouvait dans les toilettes des filles ? Qui nous a assasiné du regard ? Qui a poussé un cri comme si on l'avait surprise sous sa douche, alors qu'elle était tout simplement en train de se remaquiller devant le miroir ?

Timothy n'avait jamais couru aussi vite de sa vie. Par-delà les dunes, sur les chemins de terre où le vieux chien de Rosie aboya sur son passage ; dans la rue principale du village où les gens le fixèrent, éberlués.
- J'ignorais que Timothy Finn courait aussi vite, déclara le boucher à un de ces clients.
- Oui, répondit le client, vous connaissez son histoire ? Si triste, si tragique.
Le boucher ne s'était installé que récemment à Sorberie ; il se pencha sur son comptoir pour entendre l'histoire de ce garçon et de son père disparu.

- Benoît va vous ramener des sous, dit Ambroise Tronel. Il va grimper dans les cheminées comme une marmotte de l'alpe. Il m'en fera trente par jours au moins.
Mme Verduraz regarde Benoît du coin de l'oeil : sa bouche rosée fait une triste moue. Lui qui regarde bien droit en face baisse la tête et lorgne sournoisement Ambroise Tronel. Et sur la table, la main noueuse et ridée du grand-père tremble.