Extraits

— Hmm ? répéta-t-elle, incrédule. (Elle redressa le menton et pinça les lèvres.) Bon, regardons les choses en face, coco. Vu la quantité de mouchards électroniques que je transportais sans le savoir sur moi en arrivant ici, il semble évident qu'on va devoir se supporter l'un l'autre pendant un petit moment. Deux ou trois jours au moins. Et si on veut avoir une chance de s'entendre, il va falloir que tu apprennes à employer de vrais mots. Excuse-moi mais même mes élèves de maternelle ont un vocabulaire plus étendu que le tien.

— Thaumaturgique.

— Hein ?

Elle le regarda en clignant les yeux, un air de suspicion sur le visage.

— Juxtaposition.

— Quoi ?

— Incoercible.

— Qu'est-ce qui te prend ? demanda-t-elle.

Nate haussa les épaules. Il adorait voir les émotions défiler sur les traits si expressifs de la jeune femme.

— Je prouve que je connais plus de mots qu'un gamin de cinq ans.

"- T'es surveillée.Des mouchards dans tous tes dessous.

- Dans mes dessous ? Mais c'est complètement dégoûtant...

- Non, pas dégoûtant, l'interrompit Nate tout en passant le bras sous le ventre rebondi du chat. C'est malin. Tu portes toujours des sous-vêtements donc, forcément, tu restes toujours sous surveillance. Ceux qui ont fait le coup savent ce qu'ils font. Sans compter qu'ils ont accès à des gadgets high-tech assez difficiles à trouver.

Elle lui décocha un regard appuyé.

- Quoi ? demanda-t-il.

- Où est mon journal intime ? Je veux noter ça pour la postérité.

Hein ? Il haussa un sourcil d'incompréhension et elle sourit, une lueur moqueuse dans ses yeux ambrés.

- Tu viens de prononcer, quoi, quatre phrases entières ? Et elles comprenaient même des adjectifs. C'est un record, non ? Et ça mérite forcément qu'on en prenne note, tu ne crois pas ? demanda-t-elle en battant des cils.

Bon Dieu, cette fille était trop."

" Tu ferais mieux de garder popaul en laisse, mon pote. Si tu touches un cheveu de ma petite sœur je te fais la peau.

C'était ce que Grigg lui avait murmuré le jour où il avait présenté Nate à sa famille et repéré la lueur prédatrice dans le regard de Nate quand il s'était posé sur Ali."

"Waouh. Faites-lui vivre deux ou trois jours bien stressants, habillez-la de cuir, donnez-lui un flingue et soudain Ali se la jouait Xena la guerrière."

Tandis que la moto s’éveillait en grondant, elle vit Frank descendre l’escalier et s’approcher d’un pas tranquille du gros bouton rouge situé derrière une boite à outils roulante Craftsman à dix tiroirs. Il l’écrasa de la paume et une ampoule rouge se mit

à clignoter. Becky pivota sur elle-même afin de regarder une section entière du mur de l’atelier coulisser pour révéler un grand trou envahi par l’obscurité.

Il s’agissait de l’entrée d’un tunnel creusé sous la branche nord de la rivière Chicago et qui débouchait dans un parking couvert deux pâtés de maisons plus loin, à l’ouest.

Une odeur de béton humide et d’air confiné s’immisça dans le casque de Becky qui avait reporté son attention sur Ali. La jeune femme levait la tête par-dessus les épaules massives de Spectre pour mieux voir. Becky sourit en imaginant sa surprise.

Mon Dieu, un Bat-tunnel !

Eh ouais. Parfois, bosser avec un groupe d’agents clandestins au service du gouvernement avait ses avantages.

— Si à un moment tu as envie d'en parler, je veux que tu saches que je serai là.

Il pivota sur lui-même avec une expression inhabituellement sévère sous l’éclairage jaunâtre et peu flatteur des lampes de chevet.

— Je croyais que ça devait être une aventure d’une nuit.

Houlà. Quoi ?

— Je n’ai... (Elle secoua de nouveau la tête.) Ce n’est pas ce que je veux dire. J’ai simplement pensé...

— Eh bien, abstiens-toi, siffla-t-il. N’essaie pas de penser.

— Nate...

Elle tendit la main vers lui tout en remontant le drap aux motifs ridicules sur ses seins nus. Soudain, c’était elle qui se sentait inexplicablement vulnérable.

— Arrête, s’il te plaît. Tu n’as pas à me raconter ton rêve mais ne... ne t’en sers pas comme d’une excuse pour te fermer à moi. Une excuse pour me repousser. Je veux juste...

— Je ne cherche pas d’excuse, l’interrompit-il avec un reniflement de mépris. Je n’en ai pas besoin. On était d’accord pour une nuit. (Il désigna la fenêtre. Un éclat rose discret s’élevait sur l’horizon à l’est.) C’est le matin maintenant. Donc... ça signifie que cette petite folie passagère est terminée, dit-il avec un revers de main dédaigneux.

Ses paroles la blessaient au plus profond d’elle-même.

Une folie passagère ?

Alors non, il ne pouvait pas lui dire ce qui était réellement arrivé à Grigg. Et il espérait de toutes ses forces que jamais elle ne le découvrirait.

Elle scruta son visage soigneusement impassible et il ne put que contempler, impuissant, la rage et la frustration qui enflaient en elle, volcan émotionnel menaçant d’exploser.

Avant qu’il puisse l’en empêcher, elle bondit hors de la voiture, sauta par-dessus la clôture et s’élança en direction des dunes. Ses cheveux flottaient derrière elle et ses jambes graciles soulevaient d’épais nuages de sable vite emportés par le vent salé.

Merde.