Alors que je discutais avec Jaymeline cette très... eh bien très charmante jeune personne disons les choses ainsi, un petit garçon est venu nous interrompre pour parler à Jaymeline, la surnommant "madame l'ange". Je dois admettre que la comparaison est plutôt bonne, la robe de Jaymeline lui donne un air un peu fantastique, comme si elle n'était pas de ce monde, ce qui dans un sens est le cas puisqu'elle n'est pas vraiment à sa place dans cette foule. Le petit garçon veut savoir ce qui se passe, et je lui réponds qu'un discours va avoir lieu. Enfin devait avoir lieu si on veut être plus exacte, car comme l'annonce une voix quelques secondes après ma réponse, le discours n'aura finalement pas lieu.
Je me demande tout de même ce que ce petit garçon fait tout seul dans cette foule, et où se trouve ses parents. Je l'interroge à ce sujet, et j'espère bien qu'il va me dire qu'ils ne sont pas très loin. En entrant dans la police, je ne m'attendais pas à recevoir autant d'enfants perdus. C'est incroyable tout de même que les parents laissent leurs enfants se balader comme ça, tous seuls, surtout dans une telle foule. Heureusement celui là ne pleure pas, d'ailleurs il ne semble même pas inquiet ou apeuré. Plus je l'observe plus je me dis que ce petit garçon ne ressemble pas vraiment à ceux que j'ai l'habitude de croiser.
D'ailleurs, lorsqu'il s'adresse à moi, je suis surpris par ce qu'il me dit. Pourquoi le destin ne m'aimerait pas? Et d'ailleurs, pourquoi de tels mots sortent de la bouche d'un enfant? Mais je n'ai pas le temps de me poser plus de question qu'il renchérit en ajoutant quelque chose de plus macabre encore. Mais qui sont les parents de cet enfant, et où a-t-il bien pu avoir une vision si négative de la vie? A nouveau mes réflexions sont interrompus quand le petit garçon m'entoure de ses bras. Je m'attends à ce qu'il se mette enfin à montrer des signes d'inquiétude et lui rend son étreinte pour le rassurer, mais quand il ouvre à nouveau la bouche, je comprends que c'est moi qu'il tente de consoler.
Ce qu'il dit n'a aucun sens, et pourtant c'est une blague, elle est de bien mauvais goût, et surtout, elle témoigne, je pense, d'une assez grande souffrance. Un instant je l'observe, m'attendant presque à ce qu'il se mette à rire, ou à pleurer, ou peut être les deux. Mais il n'a pas l'air triste ou en train de plaisanter, en fait il a l'air très sérieux, aussi sérieux que n'importe quel adulte, sauf que même un adulte ne dirait pas ces choses là.
- Je ne suis pas mort, je ne compte pas mourir pour le moment, et je doute que tu sois mort toi aussi.
Je sais, ça a l'air stupide de tenir ce genre de discours avec un enfant, surtout un enfant qui affirme être mort, mais que répondre d'autre? Dois-je le suivre dans ses idées pour voir jusqu'où il va aller?
Un instant mon instinct de policier reprend le dessus, et je me demande si ce gamin ne serait pas une sorte de kamikase, prêt à se faire sauter dans une foule pleine de monde. Après tout un enfant n'attire pas l'attention, en tous cas il ne provoque pas la panique. Est-ce que c'est pour ça qu'il parle de mort? Est-ce qu'il s'apprête à se faire exploser, et dans ce cas il se dit qu'il est déjà mort? Sans chercher à attirer son attention, je profite qu'il soit contre moi pour palper sa taille à la recherche d'explosifs. Je suis un peu soulagé de ne rien trouvé, mais je ne relâche ma vigilance pour autant, on ne sait jamais.
Il ajoute que ses parents sont morts aussi, et son chien aussi. Qu'est ce que je peux bien lui répondre?
- Je suis vraiment désolé pour toi, mais toi tu es vivant, et tu ne dois pas te laisser abattre.
C'est ce qu'il faut dire non? Moi j'ai perdu ma mère, mais c'est tout si on peut dire, et je ne sais pas comment j'aurai réagi si mon père aussi était mort, même si dans un certain sens il n'était plus là pour moi, le savoir vivant est sans doute ce qui m'a fait tenir jusqu'ici.
Je jette un coup d'oeil à Jaymeline. Je ne veux pas la laisser seule dans cette foule où elle n'a pas vraiment l'air à sa place, mais il faudrait quand même que j'emmène le garçon au poste, histoire de lui faire des examens, de voir si tout va bien. Si il est vraiment orphelin, il se peut qu'il dorme dehors, qu'il se débrouille tout seul, il faut donc que je l'emmène et qu'on voit quoi faire pour lui. Mais avant je peux toujours lui poser quelques questions sur lui. Je me détache de lui et me penche pour lui demander :
- Comment tu t'appelles? Depuis combien de temps tu es tout seul?