Lorrella Este
Elève, Fée
Je rougis instantanément à la réponse de Gabriel, et je regarde mes pieds en me tortillant légèrement avant de lâcher :
- De toute façon... Je... Je n'oserai jamais les montrer...
C'est déjà que Gabriel les ait vu et même encore un plus gros effort pour moi de lui avoir appris ce que je connaissais du dessins et de devoir "subir" ses compliments qui me mettent très mal à l'aise.
J'adore dessiner, mais pour moi même, je ne compte pas en faire quelque chose d'autre, exposer mes dessins ou quoi que ce soit du genre. De toute façon plus tard je serai fleuriste, comme ma mère, un métier calme, en compagnie des fleurs.
Je vois bien que Gabriel se retient de rire quand je parle de ma rencontre avec Falcon, et mes joues s'empourprent à nouveau sous l'effet de la honte, je suis sûre qu'il me trouve ridicule d'avoir paniquée comme ça... Mais vraiment, je n'y pouvais rien, et je n'espère qu'une chose, ne plus jamais le recroiser de toute mon existence. D'ailleurs si je pouvais en faire de même avec Angélica ce serait vraiment parfait... Mais je crois que sur ce coup là, la chance ne sera pas de mon côté.
Gabriel me pose un ultimatum qui fait battre rapidement mes ailes, désormais invisibles, sous le coup du stress. Je n'ai pas envie d'aller voir quelqu'un... Mais si je ne le fais pas Gabriel choisira pour moi, et même si je ne pense pas qu'il sera méchant, je crois que je préférerai avoir mon destin entre mes mains. En plus, j'entends d'ici ma psy me dire qu'en m'accrochant à Gabriel, je me sers de lui comme d'un objet contra-phobique, et que toutes mes belles intentions de venir ici pour avoir moins peur partirons en fumée si je me cache derrière mon ami. C'est donc avec une boule au ventre et après une courte inspiration que je lui réponds :
- Je... Je vais... Je vais essayer de me débrouiller...
Mes mains sont moites à la simple idée d'aller parler à quelqu'un... Je les essuie sur ma robe et souris nerveusement à Gabriel.
- Bon je... J'y vais... Je... Je vais y aller...
Mais je reste encore sur place quelques longues secondes, appréhendant la suite. Dans un geste qui me demande toute la volonté que je peux puiser en moi, je finis par bouger mes pieds, et me retourne vers Gabriel avant de lui dire :
- Bonne... Bonne soirée... Amuse toi... Amuse toi bien...
Mon bégaiement trahi mon stress, mais je sais que si je reste une minute de plus avec mon ami, je me trouverai des excuses et que je ne mettrai jamais ma peur à l'épreuve. Je continue donc de m'éloigner de Gabriel avec appréhension et très vite je m'enfonce dans une foule dense et perd mon ami de vue. L'angoisse me compresse la poitrine tandis que j'essaie de me frayer un chemin parmi les danseurs plus grands que moi de 10 à 20 centimètres pour la plupart. Je n'ose pas trop les pousser et je me fais moi-même chahuter de droite à gauche. Quand enfin j'arrive dans un coin moins dense de la pièce, mon coeur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine, mes mains sont moites, et j'envie de pleurer tant l'angoisse me tord le ventre.
Je suis arrivée près du buffet, certains élèves se servent à manger et à boire, d'autres discutent devant le buffet, gênant l'accès à celui-ci. Je me fraye un chemin pour arriver près des boissons et observe les verres pré-remplis avec appréhension. J'ai envie de boire quelque chose, mais je ne voudrais pas prendre de l'alcool par inadvertance, j'ai peur d'en boire, il paraît que ça a des effets dramatiques sur le corps, l'esprit, et la longévité.
- Mademoiselle, que désirez vous?
Je lève brusquement la tête pour découvrir un grand homme avec un chapeau étrange, un noeud papillon, et un masque noir tout simple, qui me regarde avec un air interrogateur. J'ai l'impression de reconnaître un de mes professeurs, mais la plupart me terrifie en classe, alors je ne suis pas sûr d'être très rassurée. Je finis néanmoins par bégayer :
- Je... Je... Je voudrais bien boire quelque chose... Mais... mais pas d'alcool si possible.
Un grand sourire éclair le visage de l'homme et je commence à penser à Mr Williams. Le noeud papillon, le ton, et maintenant le sourire, on dirait vraiment le prof d'histoire. Et pour le coup ça m'arrangerait, parce que je n'ai pas peur de Mr Williams.
- Bien sûr bien sûr, il y a plusieurs sortes de boisson et ne vous inquiétez pas, il n'y a pas que de l'alcool, loin de là. Et vous savez, vous avez bien raison de ne pas en prendre, vous êtes raisonnable, surtout si vous avez moins de 16 ans, c'est interdit. Quel âge avez-vous?
Oui c'est sûr, c'est Mr Williams, il n'y a que lui qui parle autant.
- J'ai 17 ans monsieur, mais je n'ai pas envie de boire quelque chose d'alcoolisé.
Le sourire toujours aux lèvres, Mr Williams me tend un verre avec une boisson rose/rouge.
- Et vous avez bien raison, l'alcool c'est loin d'être bon pour la santé. Tenez, prenez ça, c'est de la grenadine.
Et avant que j'ai pu le remercier, il ajoute en me désignant plusieurs verres remplis de différents liquides :
- Ici vous avez les sodas, et là les jus.
Je hoche la tête.
- Merci beaucoup.
- Je vous en prie, passez une bonne soirée.
Je me fraye un chemin pour m'éloigner du buffet, et trouve enfin un coin vide, où des chaises libres semblent m'attendre. Je pense avoir rempli ma part du contrat en parlant à Mr Williams, c'est une personne après tout, même si je suis sûr que Gabriel me dirait que j'ai triché... Mais sincèrement, je ne me vois pas me jeter à nouveau dans la foule, mon verre à la main, et je suis tellement bien ici, assise toute seule, sans stress.
Comme je culpabilise quand même un peu de n'avoir pas vraiment fait ce que j'avais dit à Gabriel, je me promets que je ne resterai pas assise longtemps, juste le temps de boire mon verre et de dessiner un peu, histoire d'être totalement sereine pour affronter la foule...
Je pose donc mon verre à côté de moi, et sors mon carnet. Aussitôt je me sens mieux, plus sereine. Je l'ouvre à une page vierge, et comme tranquillement à dessiner la scène que j'ai devant moi, la salle de bal, les danseurs, les élèves qui parlent. Enfin je me sens bien.